La voie sacrée à Verdun en 1916

La Voie sacrée fut le poumon de la bataille de Verdun. Nuit et jour, dans une ronde incessante, elle montera en enfer renforts de troupes, munitions et ravitaillement, et elle descendra au repos provisoire les rescapés de l’épouvante et le sanglant cortège des blessés.

Les bourricots de Verdun
Vers l’avant les voies étroites étaient multipliées pour permettre l’accès aux premières lignes et alléger la tâche des camions et des voitures hippomobiles de ravitaillement. Lorsque l’état des pistes incertaines interdisait le passage des voitures, les transports avaient lieu à dos de mulets, voire à dos d’ânes. Et les troupeaux des petits bourricots d’Afrique, trottinant dans les rues de Verdun, puis parmi les champs d’entonnoirs sur des sentiers à peine frayés, mettaient leur note pittoresque dans la désolation du paysage.
Le courage des convoyeurs, des personnels des sections de munitions et des sections sanitaires, des trains régimentaires qui, chaque soir, affrontaient les tirs d’interdiction ennemis, pour assurer les besoins des unités combattantes, était aussi méritoire qu’il était modeste et ignoré.

La route s'impose et devient la voie sacrée

La Voie sacrée fut le poumon de la bataille de Verdun en 1916

Février 1916 : l’attaque allemande sur Verdun est imminente. Seuls la relève régulière des troupes
et le ravitaillement constant des zones de combat permettraient de résister au déluge de feu et d’acier
qui promet de s’abattre. Si l’ennemi dispose de quatorze voies ferrées desservant le front, le côté français, lui, est pris dans un cul de sac. Des deux lignes de chemin fer existantes, l’une est coupée par les tirs
et l’autre passe dans le camp adverse. Reste l’humble réseau à vole métrique, dit le Petit Meusien, tout juste capable, ironise Jules Romains dans Prélude à Verdun, de ravitailler en temps de paix une garnison de sous-préfecture. Effectivement, cette ligne d’intérêt local, alors en plein travaux d’amélioration, assure un débit de 800 tonnes par jour quand les besoins des armées françaises sont dix fois plus grands. Tous les yeux se braquent alors sur une artère de 7 mètres de large et de 65 kilomètres de long. courant
de la gare de Baudonvilliers jusqu’au site du Moulin-Brülé, à 8 kilomètres de Verdun. Pendant quatre mols, cette route tortueuse et truffée de nids de poule assurera à elle seule la quasi-totalité du transport des troupes, des munitions et du matériel, tandis que le Petit Meusien, son indispensable complément ferroviaire, se verra surtout confier le convoi des vivres et l’évacuation des blessés.
Au temps fort de la bataille, la route convoie quotidiennement 2 000 tonnes de munitions et 20 000 hommes. Le vaillant petit train, lui, dont la voie ferrée a été doublée, achemine chaque jour 330 tonnes de vivres et 2 400 soldats. A la fin juin, une nouvelle ligne de train vient desservir les abords de Verdun. Pour le service des transports automobiles,
c’est la bouffée d’oxygène tant attendue.

La noria de véhicules sur la voie sacrée de Verdun

La noria de véhicules sur la voie sacrée de Verdun

L’approvisionnement permanent du front impose le va-et-vient incessant des moyens de transport. Le maître d’œuvre de la noria (du nom de l’antique roue à eau en perpétuel mouvement) est le capitaine joseph Downenc, un ancien polytechnicien responsable d’un département encore récent: le Service automobile des années, fondé en août 1914. Sur l’ordre de cet artilleur, le 19 février, soit deux jours avant l’assaut allemand, la route est dégagée en quelques heures. Il faut malntenant réquisitionner le maximum de véhicules car, selon le lieutenant Paul Heuzé, un proche de Dournenc, la place de Verdun dispose en tout et pour tout de seulement 700 automobiles. Bien trop peu. ..
Des millliers de véhicules sont donc acheminés de France, de Suisse ou d’Italie et convergent vers Bar-le-Duc. Quelques jours plus tard, le 27février, on compte 3 500 camlons, bientôt suivis par 2 000 voitures de
tourisme, 800 ambulances et 200 autobus destinés au ravitaillement en viande fraîche, auxquels s’ajoute le cortège des convois militaires (génie, artillerie, camions-projecteurs, autocanons. . .).
Près des deux tiers des moyens automobiles de l’armée française sont employés à Verdun. Le flux ne sera jamais brisé, malgré quelques frayeurs pour l’état-major, notamment lorsque le brusque dégel qui advient fin février creuse d’énormes fondrières, menaçant d’immobiliser dans la boue les véhicules. Mais, grâce au travail des hommes du Génie, les camions ne cesseront pas leur circulation. Ce formidable déploiement va assurer tous les dix à quinze jours la fameuse relève des combattants voulue par Pétain… Précipitant les deux tiers de l’année française dans la fournaise !

L'entretien de la voie sacrée de Verdun

Déjà, au cours de 1915, le tronçon de Bar-le-Duc au Carrefour du bois Brûlé avait été élargi à 6 mètres. Mais le reste de l’itinéraire comprenait des routes et des chemins le plus souvent étroits, dont le rendement ne pouvait être amélioré qu’au prix d’importants travaux.
Dès la fin de février, 16 bataillons de travailleurs, soit 8 200 hommes, étaient employés à l’entretien de la route même, ou à l’exploitation des carrières ouvertes dans la région. Ils disposaient de 140 camions et de 400 tombereaux attelés.
Entre Bar-le-Duc et Verdun, on a compté jusqu’à 20 travailleurs au kilomètre, employant en moyenne 10 mètres cubes de pierre par jour et, pendant la période angoissante de dégel, jusqu’à 15.
« En 10 mois, 900 000 tonnes de pierre dure allaient y être jetées sans que la circulation fût interrompue. »
Grâce au dévouement des cantonniers territoriaux, on put faire passer 6 000 véhicules en 24 heures, soit un débit moyen d’une voiture en 14 secondes.
Il va sans dire qu’une discipline stricte permettait seule un pareil trafic. La Voie Sacrée fut la première route gardée, à consignes de circulation sévères. Elle était d’ailleurs réservée aux automobiles, les voitures hippomobiles empruntant les routes secondaires ou les pistes, à droite et à gauche.
Le service automobile de l’armée et la commission régulatrice de Bar-le-Duc, qui réalisèrent ce tour de force, employaient à la fin de février 300 officiers, 8 500 hommes et 3 900 voitures…

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Témoignage
Ces braves pépères !

En montant en ligne, nous fûmes réconfortés en voyant de braves Poilus d'une batterie d'artillerie à tir rapide, en manches de chemise et tout en sueur armant, tirant, déchargeant leurs pièces avec toute la célérité possible pour répondre à l'appel d'un tir de barrage de mandé par la première ligne. Ils nous adressaient des paroles fraternelles, et nous leur étions reconnaissants de leur soutien et de leur entrain.
Peu après nous entrâmes dans les boyaux encombrés de territoriaux chargés de matériel. Ces braves pépères étaient, de même que les artilleurs, réconfortants à voir, et c'est avec émotion que je me souviens de leur besogne pénible, obscure et meurtrière.

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