Les gladiateurs sont recrutés parmi les prisonniers de guerre, les esclaves ou les criminels (condamnés aux jeux). Attirés par la gloire et la fortune, des hommes libres s’engagent parfois aussi volontairement dans la carrière; ils renoncent alors à leur citoyenneté pour une période d’au moins trois ans. Formés aux techniques de combat dans des écoles dirigées par des lanistes, des maîtres d’armes, les concurrents sont des sportifs accomplis. Contrairement à l’idée reçue, ils ne trouvent pas systématiquement la mort dans l’arène: cela coûterait trop cher à leurs propriétaires !
Armatura: Armure. Tenue sous laquelle combat un gladiateur et qui définit son genre.
Julianus: Gladiateur appartenant à la famille impériale.
Stans: Debout. Se dit d’un gladiateur qui a fini un combat ex aequo.
Avec l’Empire, avec sa diffusion dans les provinces, le « munus », (c’est le terme technique), constitue une pièce essentielle de toute carrière politique (son origine funéraire est totalement oubliée) : c’est avec lui que l’on devient populaire ou que l’on tient son rang. Telle une traînée de poudre, la gladiature se répand partout, des amphithéâtres se construisent, y compris dans de petits centres, les combats se multiplient, des sommes fantastiques s’engouffrent dans leur organisation et dans les monuments qui les accueillent. Le succès de la gladiature vient donc de ce qu’elle plaît et de ce que le notable, pour plaire à son tour, doit passer par elle : pour réussir une carrière, il faut offrir des jeux.
Un tiers des hommes de la caserne sont des condamnés à mort, ou à la déportation dans les mines, ce qui est bien pire qu’une exécution immédiate. Un ramassis de bandits de grands chemins, d’assassins, d’incendiaires, de sacrilèges, quelques déserteurs des légions aussi, qui ont mérité cent fois tous les supplices et qui, pour y échapper, sont prêts à accepter la commutation de leur peine en trois ans de gladiature, même s’ils savent que survivre trois ans n’est pas fréquent. Dans le tas, il y a également des voleurs à la tire ou des cambrioleurs, pas bien dangereux, qu’un magistrat provincial a condamnés au ludus parce qu’à Rome l’empereur manque de gladiateurs. Des malchanceux en sommet
Regardés toujours avec étonnement, ou avec envie, il y a les hommes libres, les auctorati, qui ont passé un contrat avec le laniste (propriétaire des gladiateurs), et lui ont loué leur liberté et leur vie pour un nombre déterminé de combats. Des combats payés, souvent très cher quand l’homme est bon, parfois jusqu’à 30000 sesterces, une fortune, trente ans de solde d’un légionnaire en un seul duel. Ceux-là ne se battent que pour l’argent. A moins, mais ils ne l’avouent jamais, qu’ils aiment tuer, tout simplement, et n’aient pas d’autre moyen légal pour satisfaire leurs pulsions.
La première chose à faire, lorsqu’une nouvelle recrue arrive à la caserneécole où sont formés les gladiateurs, c’est de changer son nom.
L’usage le veut ainsi. Tout le monde, dans le métier, s’affuble d’un pseudonyme, le plus claquant possible. Il paraît que cela fait mieux sur les affiches que l’on placarde dans les rues et au forum, quinze jours avant le spectacle. Les autres se sont fait un plaisir de se présenter sous ces identités d’emprunt : Hector, Ajax, Achille, Hercule… Narcisse et Adonis, ce n’est pas la peine de leur demander pourquoi ils ont choisi ces noms-là : ils sont beaux à tomber, la coqueluche de toutes les filles qui traînent autour de la caserne, et même de ces grandes dames discrètement voilées qui se font déposer devant la porte par des litières aux rideaux tirés.
Smaragdos l’Emeraude et autres Perle, Béryl ou Améthyste, disent qu’ils valent leur pesant d’or, pour les parieurs. Victor le Victorieux, Triumphus le Triomphant, Polynice, l’homme aux nombreuses victoires, Invictus l’Invaincu, ont choisi des prénoms propitiatoires, destinés à attirer et garder la chance.
Pikridis le Cruel,Tigris le Tigre, Ferox le Féroce, Leo le Lion, Anemios l’Ouragan cherchent à faire peur d’avance à l’adversaire. Pinnas l’Emplumé a brandi un casque couvert de plumes, son fétiche.
Le gladiateur entre dans une troupe, possédée et dirigée par un personnage qu’on appelle le lanista (littéralement le boucher, le marchand de chair humaine, profession entourée d’un mépris profond). L’esclave, lui, est vendu par son maître: l’homme libre conclut une sorte de contrat précisant les conditions de l’engagement (durée, rémunération) et stipulant qu’à l’instar de l’esclave il peut être brûlé, enchaîné, frappé, tué, les trois premiers châtiments étant liés à des fautes professionnelles, la mort, elle, tenant à l’issue des combats.
Dès lors, le nouveau gladiateur, s’il appartient à une bonne troupe, va être soigneusement formé, entraîné, soigné par des spécialistes (doctores). Il vivra dans le centre que le laniste possède ou, au hasard des déplacements, dans les locaux mis à la disposition des troupes par les municipalités (on connaît ceux de Pompéi, improprement appelés casernes), éventuellement accompagné par sa femme, sa concubine et ses enfants.
Si une flamboyante réussite s’attache à lui, il peut gagner une immense popularité, non seulement auprès du public mais aussi d’hommes de lettres, séduire une très grande dame, être apprécié d’un haut personnage ou de l’empereur. Et pourtant, dans le même temps, il est réputé infâme, il a perdu tous ses droits civiques (s’il était libre), et, le plus souvent, on l’enterrera à part. Objet de fascination et de répugnance : il accomplit des exploits hors du commun, mais il s’est placé en marge de la société.
Mal logés, mal nourris, mais suivis par des médecins, dorlotés par des masseurs, les gladiateurs novices sont, en revanche, bien entraînés. Ils représentent un investissement. Si, au terme de leurs deux années d’apprentissage,le minimum pour former un professionnel, ils gagnent leur premier combat, se font remarquer du public, ces novices vaudront de l’or.
Le laniste les revendra dix fois ce qu’il les a achetés. A moins qu’il préfère les garder dans son écurie, sa famille dit-il, et engranger grâce à eux un maximum de bénéfices. Le tout étant de les revendre avant que leur cote s’écroule : il suffit d’une blessure, d’un accident, de l’âge qui vient, pour leur faire perdre toute valeur et les réduire à l’état de gladiateurs à trois sous loués pour des fêtes de village.
Assez souvent, le vaincu, s’il s’était battu courageusement, obtenait la faveur du public et la vie sauve. On se souviendra des gestes : pouce levé vers le ciel pour accorder la vie, pouce tourné vers le sol pour signifier au gladiateur triomphant d’achever son adversaire. C’est par leur intermédiaire que le magistrat qui présidait aux festivités pouvait être amené à régler l’issue d’un combat, se laissant alors souvent guider par les acclamations du public : démagogie oblige !