Les plaidoiries de maîtres Payen, Lemaire et Isorni tentent de donner du maréchal l’idée d’un protecteur des prisonniers et des Français, mais, de nouveau, leur discours est bien faible face à la réalité des morts, victimes des rafles antisémites ou de la répression de la Milice.
A ces paroles entendues dans un profond silence, les avocats vont répondre en s’élevant eux aussi à une semblable hauteur de ton. Le bâtonnier Payen, parle de son « immense tristesse » : comment la « doulce France » peut-elle songer à condamner à mort un vieillard de quatre-vingt-dix ans, « le plus glorieux de ses fils… » ?
« Je vous assure, presque les larmes aux yeux, quelle tristesse, vraiment quelle tristesse, quand je pense aux échos de ce procès qui, dans le monde entier, vont retentir, quelle tristesse ! quelle honte ! Balayons toute cette boue, n’est-ce pas… »
Il reprend, dans sa plaidoirie, les arguments allégués dès le début des audiences : instruction mal faite, témoignages insuffisants… Beaucoup de personnalités venues à la barre ont plaidé leur propre procès plutôt que celui de l’accusé. Et il termine son discours en démontrant que l’armistice de juin 40 était nécessaire.
Maître Lemaire, dans sa plaidoirie, revient aussi sur certains incidents du procès : il prend à parti Mornet, à qui il rappelle sa participation au cabinet d’un ministre de Pétain, Ybarnegaray. Il réfute d’autres témoins, tels que Reynaud, Edouard Herriot.
Maître Isorni qui intervient en dernier, donne aussi parfois l’impression, pour défendre son client, de se muer en accusateur contre certains de ses ministres. Il traite de la politique intérieure de Pétain et montre combien celle-ci fut plus bienfaisante que la fourberie de Laval ou l’égoïsme de Darlan.
Magistrats de la Haute Cour, écoutez-moi, entendez mon appel. Vous n’êtes que des juges; vous ne jugez qu’un homme. Mais vous portez dans vos mains le destin de la France.
Pour la première fois est passé dans le prétoire un souffle d’émotion et les dernières phrases d’Isorni font rouler des larmes sur le visage de certains assistants. A la suspension d’audience, le farouche procureur général Mornet se rue sur Jacques Isorni, l’étreint chaleureusement et laisse échapper cet énorme aveu ou ce remords de conscience :
Ah! vous avez tellement dit tout ce que je pensais!
L’accusé, lui, a été fortement rémué par la péroraison d’Isorni. Quand, pendant la suspension d’audience, le jeune avocat fait visite à l’accusé dans sa chambre, Pétain, sans lui dire un mot, l’embrasse longuement. Annie Pétain confie à Isorni :
Je ne l’ai jamais vu aussi bouleversé…
Il vous considère comme un fils.
Après une conclusion du bâtonnier Payen, affirmant, avec des textes, le patriotisme de Pétain, le Maréchal prend la parole pour une ultime déclaration :
« Au cours de ce procès j’ai gardé volontairement le silence après avoir expliqué au peuple français les raisons de mon attitude.
Ma pensée, ma seule pensée, a été de rester avec lui sur le sol de France, selon ma promesse, pour tenter de le protéger et d’atténuer ses souffrances.
Quoi qu’il arrive, il ne l’oubliera pas. Il sait que je l’ai défendu comme j’ai défendu Verdun.
Messieurs les juges, ma vie et ma liberté sont entre vos mains, mais mon honneur, c’est à la Patrie que je le confie…
Disposez de moi selon vos consciences. La mienne ne me reproche rien, car pendant une vie déjà longue et parvenu par mon âge au seuil de la mort, j’affirme que je n’ai eu d’autre ambition que de servir la France. »