Le camouflage dans les tranchées en 1914-1918

Dans chaque camp, les artistes peintres et les sculpteurs sont mobilisés au sein d’unités spéciales pour camoufler les axes de ravitaillement, les postes de commandement, les batteries d’artillerie et tout point stratégique.

Le camouflage c'est voir et combattre sans être vu

En instaurant le voir et combattre sans être vu, le camouflage met fin à la tradition séculaire du voir et se faire voir, où la force et la bravoure tiraient leur efficacité psychologique de leur visibilité et qu’incarnaient encore, à l’été 1914, le pantalon rouge et les plumes du casque. Son irruption mais surtout sa généralisation coupent l’histoire en deux. L’arme qui trompe, en effet, sonne le glas et confirme la caducité d’un certain rite de la guerre, d’un certain mythe du combattant.
Son introduction et son développement à grande échelle constituent, en cela, une révolution psychologique et morale, agissant directement tant sur la pensée de la guerre que sur le code d’honneur de la société militaire. Solution de dernier recours entachée de faiblesse voire de lâcheté, l’emploi, non plus ponctuel et contingent, de la ruse, de la dissimulation, signale donc un renversement de valeurs sans précédent, que seule la révélation de la puissance dévastatrice et meurtrière de la guerre industrielle aura rendu admissible et possible.
Car dès avant la guerre, la question de l’invisibilité fut posée. Mais toutes les tentatives, à partir de 1903, pour doter l’armée française d’une tenue de teinte neutre échouèrent, alors même que les Britanniques
avaient adopté le kaki en 1900, les Américains en 1902, les Russes en 1909, les Allemands le Feldgrau en 1907, les Autrichiens le gris-brochet en 1909 et, la même année, les Italiens le gris-vert.
En 1912, alors que l’armée allemande menait déjà des expériences de dissimulation, le commandant Anatole Kopenhague concevait le prototype d’un filet-abri destiné à dérober troupes et matériel à l’observation aérienne. Le 22 août 1914, le ministère de la Guerre rejetait la proposition : l’état-major de l’armée n’en voyait pas l’utilité.

Guirand de Scévola, inventeur du camouflage

Guirand de Scévola, inventeur du camouflage

C’est le peintre Guirand de Scévola qui, le premier, eut l’idée de cacher des canons en exploitant les procédés des artistes cubistes, lesquels, en travaillant sur le rapport de l’objet avec la lumière, cherchaient à le révéler par la distorsion de ses formes et de ses couleurs. Scévola camoufla donc les engins de guerre sous des toiles bariolées dont les teintes se fondirent avec la nature environnante et dont le graphisme modifia la silhouette réelle.
Le 4août 1915, un détachement de 125 réservistes, ouvriers peintres, décorateurs ou en bâtiment, fut mis à sa disposition. L’unité des « trompe-la-mort» était née. Sur tout le front, on recruta menuisiers, charpentiers, tôliers, ajusteurs, mécaniciens, plâtriers. Pas fâchés de quitter l’enfer des tranchées, quantité de peintres, de sculpteurs ou d’illustrateurs, rejoignirent la section.

Faux cadavres, faux arbres et faux corbeaux

Faux cadavres, faux arbres et faux corbeaux

Faux arbres creux qui sont en réalité des guérites d’observation et qu’il faut prendre soin de placer à l’endroit même où il y avait déjà un arbre la veille, tas de bois factices et démontables, bâches bariolées de motifs pour dissimuler les canons, etc. : il est nécessaire de faire preuve de plus en plus dïmagination à mesure que le no man’s land entrn les deux fronts se désertifie.
Après l’été, fini les meules de foin creuses abritant des observateurs, fini les filets recouverts de branchages feuillus.
Les soldats prennent place alors dans de faux cadavres de chevaux … C’est le retour du cheval de Troie! Les pigeons voyageurs sont teints en noir pour ressembler à des corbeaux, car l’ennemi ne doit pas mettre la main sur leurs précieux messages. Des chevaux blancs sont passés au bleu de méthylène pour tracter les canons dans la nuit. En hiver, une simple toile de calicot blanc rend invisible la tranchée creusée dans un champ enneigé.
Guirand de Scevola reprend même l’idée de Guingot en dessinant pour les artilleurs une nouvelle tenue qui ressemble à une longue tunique de pénitent assortie d’une sinistre cagoule brune 

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