Pillage et vandalisme à Pompéi
Difficile de trouver à Pompéi un édifice qui n’ait pas connu de vols d’objets, voire même de peintures murales comme dans les années 1990. Plus récemment encore, des touristes ont tenté de sortir des objets sous leurs vêtements…
Outre le pillage, Pompéi a souffert de méthodes de fouilles peu scrupuleuses. En 1847, l’architecte Edward Falkener critiqua durement dans un écrit les agissements douteux des autorités de Pompéi: les découvertes réalisées lors des fouilles étaient soigneusement recouvertes jusqu’à l’arrivée d’un personnage important, puis opportunément exhumées en son honneur.
A l’intérieur de l’enceinte de Pompéi, la prestigieuse maison de Ménandre, propriété du riche Quintus Poppaeus (absent ce jour-là), recélait un trésor exceptionnel: une caisse dissimulée dans un des souterrains proches des bains, comportait 118 pièces d’argenterie, enfermées dans une grossière couverture de laine. Au total, 24 kilogrammes ! Au moment de l’éruption, des travaux étaient en cours dans la demeure: ce qui expliquerait pourquoi l’argenterie fut cachée (en même temps qu’un coffret contenant des bijoux et un magot d’or et d’argent), à moins que ce ne soit pour ne pas gêner les ouvriers. Travaillés en repoussé, les motifs des pièces sont d’une grande richesse.
L’exploration moderne a montré que des tentatives d’accéder aux bâtiments ensevelis ont été entreprises presque aussitôt : les rescapés tentèrent de récupérer une partie au moins de leurs biens perdus, et ces fouilles avant la lettre ont laissé de nombreuses traces.
Un cas célèbre et particulièrement émouvant est celui de la maison du Ménandre, l’une des habitations aristocratiques les plus belles et renommées de la ville. Dans son triclinium (salle à manger), on a retrouvé un groupe de squelettes près duquel gisaient des outils servant à creuser et une lanterne. Un trou dans le mur indiquait le chemin suivi par les intrus pour parvenir jusque-là. Nous sommes probablement en présence d’une tentative de récupérer le superbe trésor de pièces d’argenterie de la maison, découvert par le surintendant de Pompéi Amedeo Maiuri pendant les fouilles de la maison, en 1926-1934, et actuellement conservé au Musée archéologique de Naples. Cette opération, menée peut-être par les propriétaires eux-mêmes, fut tragiquement interrompue par la mort par asphyxie des malheureux explorateurs.
Par ailleurs, des opérations sur une bien plus vaste échelle durent avoir lieu dans les zones publiques de la ville. Nous savons que l’empereur Titus, sous le règne duquel se déroula l’éruption, envoya une commission d’enquête pour tenter de réparer les immenses dégâts, mais le rapport présenté découragea toute velléité de reconstruction des cités détruites. On mit alors en oeuvre, à la suite d’une autorisation impériale, de véritables chantiers visant à récupérer le matériel lapidaire, en particulier les précieux marbres. La couche de cendres, d’environ 4 mètres de hauteur, n’avait en effet pas entièrement recouvert les bâtiments les plus élevés, dont les parties supérieures devaient être encore bien visibles.
Aujourd’hui encore, le pillage est particulièrement visible sur le Forum, totalement dépourvu de son décor en marbre. Un fait qui ne peut être expliqué par une progression très lente des travaux de restauration entrepris à la suite du tremblement de terre de 62 ap. J.-C. Il s’agit bien d’une déprédation systématique menée dans les années qui ont immédiatement suivi l’éruption. Ce que démontrent les nombreuses traces de chantiers ouverts pour retravailler le marbre, reconnaissables dans plusieurs parties du Forum. Par exemple, la statue de culte de Jupiter, appartenant au Capitolium, a été sciée en morceaux pour être réutilisée : un fragment présente au verso un relief inachevé. Les premiers à fouiller Pompéi furent ainsi les habitants de la ville qui avaient survécu à l’éruption du Vésuve et leurs contemporains qui tentaient de grappiller les richesses encore exploitables du site.
À n’en pas douter, des particuliers cherchèrent à retrouver leurs biens ou ceux des autres victimes, quitte à mourir dans l’effondrement de tunnels creusés dans le matériel éruptif. Telles furent les premières fouilles de Pompéi, placées sous le signe de la spoliation et de la récupération.
On aurait pu croire que l’archéologie n’eut qu’à se féliciter de la découverte. Hélas, les fouilles, au début, en 1738, ne furent pas dans l’intérêt de la science, mais dans celui du roi Charles III de Bourbon, qui les finance. Il espère trouver, pour lui ou son musée, des objets précieux, des bijoux d’or, à la rigueur des fresques.
Sitôt donc qu’on a vidé une maison de son contenu, on referme sur elle le chantier. Ainsi fait-on, par exemple, pour la villa de Julia Fax, qu’on ne redécouvrira que deux siècles plus tard. Si, en outre, les fresques ne semblent pas convenir au musée royal et que les murs qui les portent gênent les excavations, on n’hésite pas un instant à les démolir à coups de pioche.
Il fallut attendre le début du XIXe siècle et l’arrivée à Naples de Caroline Murat pour que l’exploration de Pompéi sorte des simples passions antiquaires pour se diriger doucement vers une recherche plus scientifique. La reine, grande amatrice d’antiquités, eut le projet de faire dégager l’intégralité de la ville en quatre ans. Si l’on peut désormais être rassuré concernant la non-réalisation d’une telle entreprise, les travaux furent relancés et, surtout, la reine réduisit la limitation des études et des dessins en permettant au jeune architecte François Mazois de représenter les vestiges et d’en proposer une interprétation, fondée sur une lecture parallèle des textes antiques. La chute du royaume de Naples altéra peu cette évolution dans les pratiques. s véritables dirigeants de la
1830 les années qui suivirent apparaissent, depuis le XXI’ siècle, marquées par une impression de désorganisation et de progression parfois erratique. Il semble plus aisé de dresser la liste des touristes diplomatiques assistant à des fouilles mises en scène pour l’occasion, et repartant souvent avec des souvenirs à exposer dans leurs musées, que d’appréhender les objets découverts dans les différentes maisons alors dégagées.
Mais à partir de 1861 et avec l’unité italienne, la direction des fouilles fut confiée à Giuseppe Fiorelli, qui laissa une empreinte durable sur le site.
Fiorelli était un archéologue doublé d’un numismate. Dix ans auparavant, il avait attiré sur lui l’attention et l’estime d’un grand amateur d’art : le comte de Syracuse, frère du roi des Deux-Siciles. Il avait aussitôt décelé une supercherie dont ce dernier avait été victime : on lui avait en effet présenté, découverts aux abords de Cumes, des cadavres de Romains à la tête admirablement conservée.
Fiorelli démontra au comte que si les squelettes étaient peut-être romains, le visage, lui, était tout napolitain, remodelé comme il venait de l’être à la cire ! Devenu roi d’Italie, Victor-Emmanuel se souvint de lui et en fit son directeur des fouilles.