L’histoire des jeux de gladiateurs est une chronique de brutalités qui sont allées croissant d’un empereur à l’autre
Le spectacle est dans la salle
En l’an 59 de l’ère chrétienne, une rixe sanglante éclate dans l’amphithéâtre de Pompéi. Lors d’un combat de bestiaires (hommes contre taureaux), les Pompéiens prennent parti pour un combattant, des spectateurs accourus des bourgades voisines (notamment de Nocera) pour un autre. Une bagarre s’engage, qui laissera dans l’arène plusieurs victimes. Les habitants de Nocera portent plainte, et le Sénat romain prohibe les jeux à Pompéi durant 10 ans. L’interdiction sera cependant levée puisque la ville organise de nouveaux jeux dès 64 apr. J.-C., en l’honneur de Néron.
Le service des eaux, au IVe siècle, était confié à un fonctionnaire spécial, dont l’importance était telle qu’on ne le choisissait pas par tirage au sort, comme la plupart des magistrats, mais par élection. Il devait être riche pour pouvoir contribuer de ses deniers aux devoirs de sa charge.
L’Histoire a retenu l’empereur Vespasien (69-79) comme le bâtisseur du Colisée. Il est mort avant d’avoir vu son chef-d’œuvre achevé : c’est son fils Titus (79-81) qui inaugurera l’amphithéâtre, par des tournois qui dureront cent jours, un véritable carnage. En une seule journée, quelque 5 000 animaux furent tués pendant les chasses. Comme l’arène ne disposait pas encore d’un sous-sol, elle pouvait être inondée pour qu’on puisse y organiser une joute navale (naumachie). Jamais autant de gladiateurs n’étaient morts auparavant au cours d’un seul spectacle.
Les nouveaux empereurs fixèrent de nouvelles règles. Sous le règne de Domitien (81-96), frère de Titus et premier empereur à se faire appeler Dieu, le public était autorisé à réclamer deux combattants supplémentaires. Le programme nocturne était une nouveauté : des femmes se battaient à la lumière des torches ou, à titre exceptionnel, contre des nains, un spectacle fort apprécié de la plèbe.
L’expansion de la puissance impériale entraîna un afflux d’effectifs humains. L’empereur Trajan (98-117) célébra son triomphe sur les Daces par quatre mois de jeux auxquels participèrent 10 000 gladiateurs. Et plus de 11 000 animaux mourront pendant les chasses. Deux ans plus tard, Trajan fêtera l’inauguration de ses thermes durant cinq mois, avec 8 000 duellistes et plus de 10 000 animaux.
Les dernières années de l’Empire romain connurent des empereurs et des combats de plus en plus décadents. On a même cru que Commode (180-192), le fils de Marc Aurèle, était en réalité le fils d’un gladiateur ; cela n’a pas été prouvé. Selon la rumeur, sa mère, Faustina, avait un faible pour le personnel combattant. Commode lui-même avait subi un entraînement de gladiateur et apparaissait parfois dans l’arène, habillé en Hercule, tuant plus de cent animaux avec un arc et des flèches.
Avec le christianisme, la situation allait changer. Le premier empereur qui se convertit à la nouvelle religion joua le rôle de « rabat-jeu ». Sous Constantin le Grand (306-337), les criminels ne furent plus condamnés à subir l’entraînement de gladiateur, mais aux travaux forcés dans les mines et les carrières. Si les jeux n’avaient pas pour autant complètement disparu, le sang posait problème. La conception chrétienne du monde se heurtait encore à une certaine résistance. Quand le courageux moine Télémaque tenta, en 390 de notre ère, d’empêcher un combat de gladiateurs à Rome, il fut mis à mort par une foule en furie. Le monopole de la violence se déplaça. L’Église interdisait le péché. Après sa conversion, saint Augustin (354-430) demanda que l’on refuse le baptême aux prostituées, aux proxénètes et aux gladiateurs. Ce fut le début de la période de transition entre plaisir païen et coutume chrétienne. Au Moyen Âge, les jours de marché et les jours fériés donnèrent lieu à de grandes manifestations avec exécutions publiques, bûchers destinés aux sorcières et tortures. Même les combats publics redevinrent à la mode ; néanmoins, les protagonistes portaient une armure pour diminuer les risques de blessure. Ce n’étaient plus des esclaves privés de droit qui se battaient avec des lances, mais l’élite de la chevalerie.