Dès le 13 janvier 1942, les représentants de neuf pays occupés par l’Allemagne avaient signé la «Déclaration de Saint James», par laquelle ils s’engageaient à faire punir « par tout processus judiciaire régulier les coupables de crimes de guerre. » En octobre 1943, ce sont dix-sept nations en guerre contre l’Allemagne et le Japon qui fondaient la « Commission des nations unies sur les crimes de guerre » , chargée d’établir une première liste de suspects.
A la fin de mars 1945, un député travailliste, Ivor Thomas, posait une question devant la Chambre des communes : « Si jamais un soldat britannique met la main sur Hitler, doit-il l’abattre sur place ou le faire prisonnier ? Je préfère laisser la réponse au soldat en question », répondit le ministre des Affaires étrangères, Anthony Eden, au milieu des rires et des applaudissements.
A cette date, la commission des crimes de guerre des Nations unies, réunie à Londres, disposait déjà d’une liste d’un million de personnes. Et au fur et à mesure de l’avance des troupes alliées, les services de renseignements entreprenaient de rechercher et de découvrir les criminels de guerre.
Dans l’état de décomposition où se trouvait l’Allemagne, la tâche se révéla particulièrement ardue. Un grand nombre d’individus réussirent à déjouer les recherches pendant de longues semaines et même à passer définitivement à travers les mailles du filet. Mais la plupart durent rendre compte de leurs actes devant un tribunal.
L’idée de juger les responsables du IIIe Reich apparut au cours du conflit, quand on s’aperçut que les Allemands ne respectaient pas les lois de la guerre. En octobre 1941, Churchill déclara : « Le châtiment doit constituer un de nos principaux objectifs. » En janvier 1942, les gouvernements en exil à Londres repoussèrent des « actes de pure vengeance » contre le peuple allemand, mais décidèrent de « juger les principaux responsables ».
Le 30 octobre 1943, les ministres des Affaires étrangères américain, britannique et soviétique, réunis à Moscou, acceptèrent une déclaration de Churchill : « Les puissances alliées poursuivront les coupables jusqu’aux antipodes et les livreront à la justice. » En outre, on décida que les criminels recherchés par plusieurs pays seraient punis en vertu d’une « décision commune » des Alliés.
C’est sur la base de cet accord que les Alliés décidèrent, le 8 août 1945, de réunir à Nuremberg un tribunal militaire chargé de juger les principaux criminels de guerre. En réalité, cette décision cachait de profondes divergences entre les Occidentaux et les Soviétiques. A Téhéran, en novembre 1943, Staline avait porté un toast « pour une justice expéditive : « Je lève mon verre, avait-il dit, à la justice du peloton d’exécution. » Il avait ajouté que 50 000 officiers allemands devaient être passés par les armes. Churchill ne dissimula pas son indignation et Roosevelt eut du mal à lui faire admettre qu’il s’agissait d’une simple boutade.
En fait, le point de vue soviétique rejoignait celui des Alliés : il fallait dénoncer les crimes les plus flagrants et ne pas hésiter à appliquer les sentences.
Les procès de Nuremberg (il y en eut treize au total) ne représentent qu’un chapitre de la tentative de dénazification de l’Allemagne. 199 personnes seulement furent jugées à Nuremberg, alors que des milliers d’autres comparurent devant des tribunaux militaires alliés ou devant les cours de justice de leurs propres pays, voire devant des juridictions étrangères, comme ce fut le cas d’Eichmann en 1961.
Les Alliés s’efforcèrent également de purger les. administrations de tous les éléments nazis, avec des résultats variables d’une zone d’occupation à l’autre. Dans la zone américaine, près de quatre millions de personnes furent soumises au fameux « questionnaire » qui avait pour objet de déterminer leur rôle politique au cours des quinze dernières années. Cette méthode fut plus ou moins appliquée par les deux autres puissances occidentales, Quant aux Soviétiques, ils pratiquèrent une politique de « dénazification » dans la mesure de leurs intérêts, n’hésitant pas à laisser en place certaines personnalités importantes, alors que d’autres étaient déportées ou exécutées sans le moindre procès.
La cité médiévale de Nuremberg, vitrine dix ans plus tôt du nazisme triomphant, va donc devenir
le théâtre de son agonie définitive. En fait, cette ville n’a pas été choisie pour le symbole, mais uniquement parce qu’elle a conservé au milieu de ses ruines un palais de justice, une prison et un
hôtel encore intacts. C’est là que sont amenés au cours du mois d’août 1945 les vingt-deux principaux dirigeants nazis mis en accusation : Hermann Goering, Joachim von Ribbentrop, Rudolf Hess, Alfred Rosenberg, Albert Speer, Wilhelm Keitel, Alfred Jodl, Karl Doenitz, Erich Raeder, Franz von Papen, Hjalmar Schacht, Julius Streicher, Fritz Sauckel, Hans Fritzsche, Hans Frank, Ernst Kaltenbrunner, Wilhelm Frick, Constantin von Neurath, Baldur von Schirach, Robert Ley, Walther Funk et Arthur Seyss-lnquart.
Deux mois vont encore s’écouler avant l’ouverture du procès, car pour servir de base à l’accusation, il faut réunir, trier et traduire les innombrables documents allemands capturés par les Alliés, puis procéder à la sélection comme à l’interrogation prélimaire des témoins de l’accusation et de la défense. Les prisonniers devront donc attendre dans les cellules spartiates de la vieille prison, étroitement surveillés par les soldats sévères et truculents de la 1re division d’infanterie américaine, sous la haute responsabilité du colonel Burton C. Andrus.
De forme plutôt rectangulaire et étroite , la salle du tribunal crée une grande proximité dans la répartition des places occupées par la cour, la défense et l’accusation. Kiley est non seulement chargé d’aménager la salle, mais aussi de dessiner et de fabriquer le mobilier. Dans un premier temps, il conçoit le box des accusés de manière que leurs bancs soient inconfortables, car dépourvus de dossiers ; mais, étant donné la longueur des audiences, il devra rapidement les améliorer. Devant les grandes baies vitrées, il fait placer des rideaux de couleur verte.
John Dos Passos, qui assiste au procès lors de son ouverture pour le journal Life, écrit le 10 décembre 1945: « La salle d’audience fraîchement redécorée avec ses rideaux vert sauge et ses chaises pourpres semblait chaleureuse et luxueuse, et dégageait une blanche lumière de soie. […] Le plafond projetait de grands rais de lumière. Un GI lisse les ors des quatre drapeaux qui se tiennent derrière le dais du juge. » Même si cette attention aux détails décoratifs n’était pas prioritairement destinée au filmage des audiences, il est certain qu’elle favorise le confort visuel des futurs spectateurs. L’une des priorités de Kiley est de créer des espaces le plus discrets possible pour placer les caméras, les appareils photo et installer les équipes techniques de l’OSS chargées de filmer le procès.