Noms donnés aux tranchées de 1914 à 1918

Les lignes et abris des tranchées recevaient des noms plusou moins ironiques : tranchée du Paradis, villa desGersois, villa des Revanchards .

L’éloignement familial, le souvenir des copains blessés ou disparus, le spectacle du charnier côtoyé en permanence, les ordres et les contrordres pas toujours judicieux firent que la misère morale, le cafard et la dépression guettaient. Pour échapper à cela, l’humour poilu se développa. Un riche argot des tranchées apparut alors. Le vocabulaire des poilus reflétait bien leur environnement : cagnas, gourbis, marmites, pruneaux, crapouillot, civelot, boche, cambuse, perlot, cabot, bleusaille, etc., autant de néologismes justifiés par des besoins ou des objets nouveaux, autant de mots issus des différentes provinces ou importés par les coloniaux. Certains font aujourd’hui partie de notre vocabulaire courant.
Les PCDF ou « pauvres couillons du front », comme ils se nommaient eux-mêmes, bonhommes, avaient donc institué un langage commun qui, au milieu des atrocités de la guerre de tranchées, était un signe de reconnaissance.

Des noms de tranchées comme la place de l'Opéra à la tranchée Zigomar

Des noms des tranchées qui s'inspiraient du langage des poilus

Dès que le commandement put organiser la guerre de tranchée, il manifesta ses tendances naturelles, en lui imprimant un caractère d’administration militaire. Il commença par le plus facile : il donna des noms empruntés au langage réglementaire à ce qui n’était qu’une variété naturelle du terrain et ne révélait jusque-là qu’une simple dénomination géographique.
Les sommets, qui étaient déjà des cotes numérotées suivant leur altitude, devinrent des crêtes, agrémentées, le cas échéant, de contre-crêtes. Les ravins furent baptisés cheminements, les bois, couverts. Les champs de blé ne furent désormais que des champs de tir ; les points de vue, les observatoires et les clochers, s’ils n’étaient pas détruits, des données de repérage. L’armée s’étant mise à rebaptiser la nature, combien plus obligatoirement encore, pour la clarté des ordres à donner et des missions à remplir, se devait-elle de dénommer les avenues et rues des cités que la guerre avait imposées aux hommes pour y vivre : les tranchées et les boyaux.
Il arriva que les noms fussent simplement empruntés à la consistance ou à la forme du terrain : bois en « H », boyau de « l’escargot », tranchée des « sables » ; au souvenir des actions passées ou d’un chef tombé dans des circonstances mémorables : tranchée des « zouaves », boyau « Barca » (surnom d’un héroïque colonel). Une des grandes places d’armes, créée près de Perthes pour les attaques du 25 septembre 1915, et consolidée par 20 000 sacs à terre, avait été anonymement, mais unanimement, baptisée «Place de l’Opéra».

Des noms de tranchées qui s'inspiraient du langage des poilus

Les soldats répugnaient aux simples dénominations algébriques, les S’, S », les A1 et les B2. Ils n’y comprenaient pas grand-chose et s’y perdaient facilement, au double sens du mot. Ils préféraient de beaucoup des noms qui s’inspiraient de leur propre état d’esprit : tranchée de la « Misère » ou de la « Poisse », boyau des « Déserteurs » ou du « Désespoir » , tranchée des « Mécomptes », de la « Disgrâce », des « Eprouvés » ou boyau de la « Rancune », ou d’allusions à un décor romancé, sinon aux feuilletons alors à la mode : Il y avait le bois du « Satyre » aussi bien que la tranchée « Zigomar ».

Pour les Allemands des noms de tranchées empruntés à l'histoire

Nos adversaires agissaient de même, et, sur les plans directeurs, ce n’était pas sans raison que nos états-majors, s’inspirant de ce qu’ils avaient pu découvrir par les deuxièmes bureaux ou les prisonniers, avait choisi, pour les lignes tenues par les Allemands, des noms soit empruntés à leur histoire, leur géographie ou leur littérature, comme « Bismarck, Wurtemberg, Bayreuth, Nietzsche, Leibniz », soit d’un pittoresque plus troupier, comme boyau « Gretchen », tranchée des « Vandales » ou de la « choucroute ». D’ailleurs, la fameuse ligne Hindenburg n’était-elle pas constituée des positions « Hermann, Brunehilde, Kriemhilde, Wotan », tous les dieux et héros de la légende wagnérienne, noms dont le monde germanique baptisait alors la terre française ? De même que, vingt ans plus tard, La ligne Siegfried fit face à notre (soi-disant invincible) ligne Maginot.

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