Charette est cerné, blessé et capturé en 1796

Charette est cerné de tous côté par les bleus de Travot

Charette est cerné, blessé et capturé

Charette, sans même reprendre ses pistolets, attrape son espingole au vol et saute par la fenêtre. Avec trois de ses hommes, il se cache dans un taillis, juste le temps de tirer sur le général Valentin, de le rater, et de repartir en courant. Un quart d’heure plus tard, il rejoint ses hommes au hameau de La Boulaye.
Au même moment, le général Travot et 80 chasseurs entrent au château de La Chabotterie. A vol d’oiseau, il se trouve à peine à deux kilomètres de La Boulaye. Le château, à moitié incendié par la guerre vendéenne, se trouve sur la route qui monte de Belleville à Clisson. Travot décide une halte.
Au moment où il se met à table, on lui amène un paysan qui a des révélations à faire. C’est un traître. On pense qu’il s’agissait du nommé Buet, et qu’il voulait venger la mort du curé de la Rabatelière abattu par les hommes de Charette. A l’entendre, il sait où se cache Charette, il est prêt à le livrer. Travot saisit ses armes et accompagné du capitaine Verges à la tête des quatre-vingt chasseurs, il part en courant avec le paysan.
Tout près de là, au hameau de La Boulaye. les Blancs se heurtent à la colonne du commandant Dupuy. Obligés de fuir à nouveau, ils foncent vers le nord-est, traversent au pas de course le village de La Morinière, puis enfilent un chemin passant au sud du château de La Chabotterie. li est midi.
Sous les yeux ébahis des habitants, Charette et ses compagnons dévalent la petite route traversant le hameau du Fossé et s’engloutissent dans les taillis de La Chabotterie. Il suffit de les traverser pour atteindre le bois de l’Essart d’où il pourra gagner cette forêt de Gralas où il sera en sûreté. Mais le chemin qui traverse les taillis est fermé aux deux extrémités par ce que les Vendéens appellent des « échaliers « . Ce sont des clôtures épaisses formées de ronces et d’épines, qui ne s’ouvrent que difficilement. On ne les déplace que pour le passage des charrettes et carrioles.
L’escalade du premier échalier se fait sans trop de mal. Il faut vite gagner l’autre bout du chemin. Encore une escalade, déjà plus pénible, puis Charette et ses derniers fidèles tombent sur le sol. se ramassent et détalent à toutes jambes.
Mais. juste devant eux, surgissent Travot et ses chasseurs. Charette fait demi-tour, se hisse a nouveau sur l’espalier, non sans mal car son épaule droite a été atteinte par une balle la veille. et réussit à retomber de l’autre côté. Mais les deux issues sont bouchées, et quatre cents cavaliers cernent ce taillis de trois hectares.
Charette prend le parti d’essayer une sortie à travers la broussaille, vers le pré de la Musse. Mais il tombe sur le capitaine Vergés à l’affût. Le capitaine saisit ses deux pistolets et tire des deux mains a la fois en se précipitant sur le fugitif. Charette recule précipitamment, la figure inondée de sang car une balle l’a atteint au front, labourant le front en diagonale. Une autre penétre dans son épaule déjà blessée.
Les forces lui manquent. Depuis le matin il court presque sans une halte dans une boue épaisse qui colle a ses bottes. Il n’en peut plus, il tombe et perd conscience. Son fidèle Bossard le prend sur ses épaules mais il n’a pas fait cinq pas qu’une balle l’abat raide mort. Samuel de l’Espinay se précipite alors et saisit le corps de son général sous les aisselles. Il veut le dissimuler derrière un fourré. Les Bleus surgissent de tous côtes. L’Espinay descend le premier, presque à bout portant, puis, criblé de balles s’écroule.

Charette prisonnier

Charette est prisonnier en mars 1796

C’est alors que le Vendéen retrouve ses esprits. Toujours allongé dans la bruyère, il tend la main gauche vers le pistolet de l’Espinay, mais le sabre du capitaine Vergès s’abat et lui coupe le pouce et deux doigts.
A ce moment-la arrive Travot. Il court, il n’en peut plus. Il voit le blessé couché aux pieds de Vergès. Est-ce bien Charette cet homme couvert de boue et de sang. qui ne se défend plus… ? Travot se jette sur lui et le couvre de son corps, tant il a peur que le fugitif ne disparaisse encore. pour la centième fois, alors qu’on croit le tenir.
— Comment t’appelles-tu ? demande-t-il.
Un de ses chasseurs. qui a approché le chef vendéen lors du traité de La Jaunaie, se penche sur le blessé, essuie le sang sur le visage et assure :
— Tenez ferme. c’est notre homme . Epuisé, Charette finit par répondre à Travot qu’il est bien celui qu’il espère.
— Oui, foi de Charette,
Alors des cris s’élèvent de tous côtés :
— Charette est pris ! Charette est pris !
Le général Travot traite son prisonnier avec tous les égards d’un vainqueur devant le plus prestigieux de ses ennemis. et Charette lui en sait gré. Dès qu’il apprend l’identité de celui qui le tient prisonnier, le chevalier lui adresse ses félicitations :
— Je préfère être pris par toi que par tout autre. Travot s’incline devant un tel compliment. Il va du reste se laisser séduire par la personnalité de ce glorieux prisonnier.
Il est midi et demi. Des conjurés partis le matin de la ferme de La Pelleriniére, trente-cinq sont morts dans les bois et les prés en escortant leur chef.

Ranimé par un peu de rhum, le grand vaincu retrouve toute son énergie. Il refuse la civière que Travot vient de faire confectionner, et fait à pieds les 500 mètres qui le mènent au château de La Chabotterie. Il est conduit dans la vaste cuisine, soigné, restauré, fouillé. Il supporte tout avec un calme qu’il conservera jusqu’à son exécution, Travot, qui éprouve une admiration de plus en plus vive pour son prisonnier, recommande qu’on le traite avec beaucoup de ménagement.
Le lendemain, le chef vendéen est conduit à Angers, en deux étapes. Sur tout le parcours s’attroupent soldats et paysans. Beaucoup suivent l’imposant cortège qui entoure Charette. Ses habits recouverts de boue et de sang séchés, le bras gauche soutenu par une écharpe formée de grands mouchoirs de Cholet. coiffé de l’informe chapeau de Pfeiffer, il a une fière allure qui impose le silence à tous ceux qui sont accourus pour le voir. Sur sa veste sont brodées trois fleurs de lys d’or, aux côtés de sa croix de Saint-Louis et de son crucifix.
Le général de brigade d’Hédouville, chef d’état-major de Hoche, attend le Vendéen dans le grand salon de l’hôtel de Lantivy, siège de son commandement à Angers. « Lorsque Charette parut, suivi de Travot qui l’arréta et de ses adversaires Grigny et Valentin, tous se trouvèrent gênés et comme honteux dans Ieurs uniformes de grande tenue dont les dorures étincelaient sous les lustres, devant ce vaincu, couvert de poussière et ensanglanté.
D’Hédouville traite son prisonnier avec la plus grande humanité. Il offre même un grand dîner en son honneur, et les convives ne cachent plus l’admiration que leur inspire le comportement digne. et même enjoué. du futur condamné. On lui demande :
— Nous ne croyions pas. général que vous vous laisseriez prendre vivant. — Ma religion, monsieur, m’interdit le suicide. Je ne tarderai pas. d’ailleurs, à vous montrer que je ne crains pas la mort.

Le 27 mars. à 9 heures du matin, Charette monte dans une grande barque, surchargée de soldats, qui le conduit à Nantes. C’est là qu’il doit être jugé. Le général Duthil, qui commande la place, est un ancien caporal de l’armée de Mayence. C’est un homme grossier. Il va se déconsidérer par le traitement barbare qu’il impose au Vendéen. En effet, celui-ci est promené à travers la ville comme une bête curieuse.
— Ils (les Nantais) l’ont vu et acclamé lors de son entrée triomphale a Nantes, apres la paix de La Jaunaye, ils le reconnaîtront…
Pour accompagner le Vendéen qui marche sans liens encadré par quatre officiers de gendarmerie, Duthil mobilise les grenadiers et les chasseurs de la Garde nationale, deux compagnies d’infanterie et deux compagnies de la légion nantaise, cinquante tambours et toutes les musiques de la garnison, enfin tous les généraux en grande tenue. Mais s’il espérait provoquer des huées, Duthil se trompe : un silence respectueux, coupé de quelques « Vive la République ! » accompagne cette sinistre promenade. Epuisé par trop de sang perdu et mourant de soif, Charette sur le trajet du retour craint de s’écrouler. Il demande une halte. On le fait entrer dans une épicerie, on lui offre un verre d’eau. Quelques minutes lui suffisent pour reprendre suffisamment de forces. Il se lève, il sort de l’épicerie.
Là, se tient le général Duthil, près de la porte.
— Si je vous avais pris, dit Charette avec mépris, je ne vous aurais pas promené. Je vous aurais fait fusiller tout de suite.
Il n’aura pas d’autre plainte.
Derniers articles
Le vitrier dans les années 1900 - 1950
Les petits vendeurs ambulants vantent leur marchandise en criant
Les vendeurs ambulants dans les années 1900
Rien ne résiste à la meule du rémouleur
Le rémouleur dans les années 1900
La porteuse de pain et sa voiturette
La porteuse de pain dans les années 1900
Dernières catégories
La porteuse de pain et sa voiturette
Les métiers oubliés
intro-question-noire
La question noire aux Etats-Unis
intro-dictateurs
Les dictateurs du XXe siècle
intro-malades-gouvernent
Ces malades qui nous gouvernent
Articles populaires
Face à ces hommes décidés que sont les paysans vendéens les régiments républicains composant la pitoyable armée des Côtes sont pour le moins hétéroclites
L' armée de la République pendant la guerre de Vendée
Les Vendéens profitent des hautes haies et des taillis de genêts pour se cacher et attaquer l'adversaire par surprise.
La tactique de la guérilla chez les Vendéens
Victoire de La Rochejacquelein suit la Révolution dans le camp royaliste. Toujours aux premières loges. Elle vit ce qu'elle raconte.
L'odyssée de Victoire de La Rochejacquelein
On trouve des femmes et des filles de conditions très différentes. De nobles dames, mais aussi un grand nombre de paysannes, de marchandes de volailles, de lingères
Des femmes dans la tourmente pendant la guerre de Vendée