Après des mois d’interrogatoire, Gustave, le fils, craque. Il accuse son père. Clovis, le frère, charge lui aussi son père. Ce dernier commence par nier avant de passer aux aveux. Le mobile du crime? Gaston se serait rapproché d’Anne Drummond pour tenter de la séduire. Surpris par le mari, il aurait tué tout le monde. Cette nouvelle version ne semble pas plus crédible que les précédentes.
D’autant que le cadavre d’Anne a été retrouvé entièrement habillé. Un mois plus tard, Gaston revient encore sur ses aveux.
L’enquête s’embourbe et s’oriente vers deux directions : éplucher systématiquement les centaines de lettres anonymes qui affluent et s’intéresser à Gustave Dominici. Les déclarations du jeune paysan semblent embrouillées. Il confirme avoir découvert le corps d’Elizabeth mais nie avoir aperçu ceux de ses parents. Il soutient ne s’être pas approché de la voiture des Anglais alors qu’un autre témoin, Jean-Marie Olivier, avance le contraire. Pointant ces contradictions, le commissaire Sébeille met sur pied ce qu’il définit lui-même comme la stratégie des petits pas. Amener petit à petit, Gustave Dominici à l’aveu. Pourtant au bout d’un an, le commissaire marseillais n’a toujours rien. Il faut attendre le 14 novembre 1953, quatre cent soixante-cinq jours après la découverte des corps, pour que l’enquête rebondisse. En effet, après deux jours d’interrogatoires, Gustave et son frère aîné Clovis accusent leur père du triple crime.
Si le commissaire Sebeille était de plus en plus persuadé de tenir un coupable, en la personne de Gaston, il fallait étoffer le dossier et trouver un mobile. Le vieux Dominici, robuste et encore « vert », n’avait-il pas été « émoustillé » lorsque la jeune femme et sa fille étaient venues chez lui pour puiser de l’eau à son puits ? Ne se crut-il pas autorisé à jeter un œil sur leur déshabillage avant le coucher ? N’avait-il pas été surpris par l’Anglais qui l’aurait insulté ou molesté ? Son caractère irascible reprenant le dessus il serait alors parti chercher l’arme dans la grange proche et il aurait tiré sur les adultes puis poursuivi la gamine, seul témoin gênant du drame…
Sebeille était persuadé de la véracité de ce scénario mais il savait qu’on lui reprocherait sa « construction » personnelle. Il lui restait à poursuivre son harcèlement et à faire part de sa conviction aux magistrats et en particulier au juge d’instruction. Le devançant, la presse annonçait déjà la culpabilité probable du Vieux ce qui ne servait pas nécessairement les desseins du policier.
Pendant les longs échanges entre Gaston et le commissaire, une sorte de complicité s’était établie. Finalement, la technique du Marseillais se révéla payante une fois de plus, après il est vrai des mois de travail acharné. Au cours d’un ultime entretien – peut-on encore parler d’interrogatoire ? – le Vieux s’exclama : « Tu as gagné Petit ! » Et il raconta confirmant les soupçons de Sebeille.
Gaston proposa par la suite différentes versions, entrecoupées de rétractations. La somme de ces aveux, demi-aveux des uns et des autres, formait pourtant un ensemble cohérent. Le juge Peries, dont l’intégrité était connue, avait fait sienne la thèse du commissaire et il n’était pas homme à donner raison à un policier par simple esprit de complaisance. La confiance régnait entre les deux hommes mais dans le respect absolu de leurs responsabilités respectives. Le juge pouvait-il oublier qu’il y allait certes de la réputation d’un homme mais peut-être aussi de sa vie. La peine de mort n’étant pas exclue pour un triple assassin.
La reconstitution des faits fut mouvementée. Gaston Dominici échappant à la vigilance de ses gardes, enjamba le parapet du pont sur la Durance où on le retint avant qu’il ne se jette dans le lit de la rivière. Était-ce un remords tardif, qui se révélait sur le lieu même où avait été assassinée la fillette ?