La Royal Air Force avant la bataille d'Angleterre en 1940

Au début de la bataille, le Fighter Command disposait de 54 escadrilles, dont 27 étaient équipées de Hurricane, 19 de Spitfire, 6 de chasseurs de nuit Blenheim et 2 de Defiant, chasseurs biplaces qui donnèrent lieu à de sévères mécomptes.

Sir Hugh Dowding, chef de la Royal Air Force

La chasse dépend du Fighter Command à la tête duquel se trouve Sir Hugh Dowding depuis juillet 1936.
Dowding est un personnage curieux. Abandonnant toute forme de vie sociale après le décès prématuré de sa jeune femme l’ayant laissé seul pour élever son fils de deux ans, il se réfugie dans le travail. En quatre années, œuvrant à contre-courant de la « pensée unique » prévalant au sein de la RAF, qui, sous l’influence de son mentor, Sir Hugh Trenchard, mise sur le « tout stratégique », il développe un réseau intégré unique au monde de défense aérienne (radars, observateurs au sol, stations de contrôle aérien et chasseurs). Alors que ses détracteurs ne ménagent pas leur peine pour faire disparaître un Fighter Command qu’ils jugent superflu, lui augmente le nombre d’escadrons de chasse et d’aérodromes (principaux et auxiliaires) et promeut la mise en service des chasseurs les plus modernes de leur époque.
Dowding embarrasse. C’est à lui qu’aurait dû échoir le poste de chef d’état-major de la RAF en 1937, mais son allergie à la doctrine officielle lui fait préférer Newall, plus dans le moule. Toutefois, alors qu’il doit prendre sa retraite en juin 1939, à 57 ans, Newall lui demande à deux reprises de prolonger son service. Le 5 juillet 1940, à dix jours de son départ définitif, Churchill exige qu’il reste en poste jusqu’en octobre. La Bataille d’Angleterre va commencer et la défense des îles britanniques repose sur le seul Fighter Command. Ce commandement, c’est son « bébé » et remplacer un homme de cette trempe à une période aussi critique de la guerre serait une grave erreur.
Dowding a créé cinq Groups pour assurer la défense de la Grande-Bretagne, un sixième venant s’y ajouter début août. Le grand atout du Fighter Command est l’extrême perméabilité des Groups et la souplesse du système permettant d’affecter, parfois même pour une très courte durée, des Squadrons entiers ou de simples détachements en fonction de la pression subie par tel ou tel Group. C’est la raison pour laquelle il n’est pas significatif de faire figurer les escadrons de chasse britanniques sur une carte.

La défense aérienne de l'Angleterre en 1940

Si la défense aérienne de l'Angleterre s'était renforcée, elle présentait encore bien des points faibles.

Les effectifs des appareils de la chasse anglaise avaient doublé au cours des dix semaines qui suivirent l’évacuation de Dunkerque grâce au nouveau « ministre responsable de la production des avions », lord Beaverbrook.
Au cours de ces mêmes dix semaines, il avait fallu réorganiser complètement le système défensif aérien, car il avait été élaboré contre un ennemi opérant à partir de l’Allemagne ou à la rigueur des Pays-Bas. Heureusement, le haut commandement avait déjà étudié et mis au point les dispositifs à mettre en place contre des attaques venant de France et de Norvège. Aux trois groupes de chasse existants on ajouta un quatrième. Il ne suffisait pas d’augmenter le nombre des avions de chasse et celui des pilotes. Il fallait aussi étendre le réseau de radars qui couvrait les côtes en l’équipant d’appareils capables de détecter les avions volant bas. Il fallait encore multiplier les postes du corps d’observation dans les comtés du sud-ouest et de l’ouest du Pays de Galles pour le repérage des avions ennemis. Enfin, il convenait d’aménager de nouveaux terrains d’aviation pour les chasseurs, d’installer la D.C.A. et les projecteurs, et d’établir des barrages de ballons.
Si la défense aérienne de l’Angleterre s’était renforcée, elle présentait encore bien des points faibles. Déjà avant la guerre, on estimait que la protection efficace du pays exigeait 4 000 canons antiaériens. Or le commandement de la D.C.A. n’en possédait que 2 000. Les systèmes d’alerte et de repérage étaient insuffisants dans l’Ouest et dans certaines parties de l’Ecosse. On manquait de pilotes de chasse, au point que la production d’appareils se faisait à un rythme plus élevé que la formation des pilotes. Mais les faiblesses du système défensif de jour n’étaient rien comparées à celles du système de nuit, pour lequel on ne pouvait utiliser les chasseurs ordinaires que par un clair de lune exceptionnel. De plus, la nuit, les hommes du corps d’observation devaient se fier à des appareils acoustiques primitifs au lieu d’une bonne paire de jumelles.
Pourtant, bien que très incomplet, le système de défense aérienne de l’Angleterre était le meilleur du monde sur le plan technique. Il avait été établi de manière à épargner aux chasseurs d’inutiles patrouilles en leur assurant les meilleures chances d’effectuer leurs interceptions. En effet, les stations au sol centralisaient les renseignements fournis par le corps d’observation et le système radar (il pouvait détecter l’ennemi avant même qu’il ne franchît les côtes françaises), pour les répercuter ensuite sur les escadrilles avec lesquelles elles gardaient un contact permanent.

Les stations radar en Angleterre en 1940

Les Allemands connaissaient le radar. Ils appelaient leur propre système Freya, du nom de la déesse germanique qui protégeait les soldats tués dans les batailles; sur certains points, ils avaient de l’avance sur les Britanniques dans la technologie du radar.
Malheureusement pour les Allemands, le développement de leur système radar avait été confié à la marine. Les amiraux de Hitler comprirent son intérêt dans le domaine de l’observation maritime, mais ils ne surent pas en apprécier la portée sur le plan aérien. Au contraire, les promoteurs du radar en Angleterre avaient toujours considéré celui-ci comme la bonne fée de la R.A.F. et de la défense antiaérienne. Citons parmi eux: Watson-Watt, physicien écossais, responsable de la recherche radio pour le Laboratoire national de physique, et sir Henry Tizard, conseiller scientifique pour le ministère de l’Air. Watson-Watt et son équipe de savants, qui comptait quelques réfugiés ayant fui le régime nazi, travaillèrent d’arrache-pied pendant toute l’année 1939 et le printemps de 1940 à l’amélioration de la chaîne de radars déjà installée autour de l’Angleterre, en perfectionnant la portée et la définition.
Bien avant le début de la bataille d’Angleterre, Watson-Watt fut en mesure d’affirmer, lors d’une réunion du Conseil scientifique auprès du gouvernement, que les stations radar pouvaient désormais repérer un avion à une distance de 250 kilomètres. L’un des membres du Conseil eut un haussement d’épaules. Ce sceptique n’était autre que le professeur Lindemann, depuis longtemps ami intime de Churchill et, à l’époque, son conseiller scientifique le plus influent. Depuis l’arrivée de Churchill au 10 Downing Street, toutes les décisions scientifiques prises par le gouvernement devaient d’abord être approuvées par Lindemann. Ce dernier ne faisait pas grand cas des projets appuyés par sir Henry Tizard, autrefois son ami et aujourd’hui son rival détesté. Aussi s’opposa-t-il à ce que la priorité absolue fût donnée au radar, comme le demandaient ses partisans. Lindemann avait lui aussi une solution à présenter pour l’interception de bombardiers ennemis tentant de pénétrer sur le territoire. Il préconisait leur détection, au moyen de dispositifs à infrarouge, et le bombardement aérien de ces formations.
Si Churchill était devenu Premier ministre plus tôt, avant le début de la Seconde Guerre mondiale, l’opposition de Lindemann aurait pu empêcher que le radar ne jouât un rôle déterminant dans la bataille d’Angleterre. Mais, au cours de l’été 1940, il était déjà trop tard pour que Lindemann pût entraver le développement de cet instrument. Les observateurs se tenaient en alerte dans toutes les stations situées depuis Land’s End à l’extrémité ouest de la côte de la Manche jusqu’à la mer du Nord. Ces stations surveillaient les activités aériennes de l’ennemi en France occupée, et rendaient compte des mouvements d’avions dans la Salle du centre d’opérations du quartier général de la R.A.F., au prieuré de Bentley, dans la banlieue de Londres.
Dans la salle, les auxiliaires féminines de l’aviation (W.A.A.F.’s) déplaçaient des plaquettes de marquage sur une carte immense représentant la zone sous couverture radar, en fonction des renseignements provenant des stations côtières. Des rapports téléphoniques supplémentaires étaient communiqués par les guetteurs qui observaient les avions du haut des collines, des clochers d’église et d’autres points surélevés. Ils constituaient, avec les radars et les observateurs de la R.A.F., la source principale d’information sur l’activité de l’ennemi au-dessus de la Grande-Bretagne.
D’un balcon de la salle, l’Air Chief Marshal Dowding et ses contrôleurs pouvaient surveiller la grande carte placée au-dessous d’eux. Dès qu’une formation d’avions allemands décollait de France et prenait de l’altitude, les W.A.A.F.’s déplaçaient les plaquettes de marquage sur la carte, et la R.A.F. prenait les dispositions tactiques qui s’imposaient.
Pour ces dispositions, Dowding bénéficiait, en dehors du radar, d’une aide secrète inappréciable que ses adjoints eux-mêmes ne connaissaient pas. Les Anglais avaient une machine qui leur permettait de déchiffrer le code complexe utilisé par les Allemands. Dowding pouvait déterminer les objectifs recherchés par la Luftwaffe et le nombre d’avions qui prendraient part aux opérations avant même que les appareils aient décollé. Les transcriptions des communications radio allemandes étaient à sa disposition, lorsqu’il envoyait ses avions en mission.

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