L'uniforme du poilu pendant la première guerre mondiale

Finies, les tenues rutilantes et les pantalons rouges. L’armée française était la seule à avoir conservé la tenue de campagne éclatante de l’époque où on allait à la bataille comme à une fête. Les hécatombes du mois d’août, le combat rapproché ont tranché le débat.

L’être social de jadis n’était plus reconnaissable dans ce combattant chevelu, barbu, couvert de boue, de crasse, rongé de poux, couvert de peaux de mouton, chaussé de bottes de tranchées.

L'uniforme du Poilu est de la couleur bleu-horizon

L'uniforme du Poilu est de la couleur bleu-horizon qu'au début 1915

Quel était l’uniforme habituel de l’homme des tranchées ? Du temps des premiers occupants, l’hiver 14-15, on fit flèche de tout bois pour remplacer au moins le pantalon rouge, cible privilégiée des hécatombes du mois d’août : on distribua des salopettes de toile bleue, pour le masquer, un manchon, coulissé également de toile bleue, pour recouvrir les képis rouges — et les casques des cavaliers — dès le début de la campagne. Si l’on manquait de salopettes, on utilisait jusqu’à des pantalons de velours brun côtelé, type maçon ou menuisier. Le fantassin Mac Orlan s’était procuré, Dieu sait comment, un élégant pantalon de pompier en drap satin noir, orné d’une bande écarlate. La tenue (veste, culotte et capote) n’en devint vraiment une, de couleur bleu horizon, ou kaki pour les troupes coloniales et d’Afrique, qu’au début de 1915.
Mais cette uniformité nouvelle n’apparut d’abord que sur les renforts arrivant des dépôts, formés surtout des jeunes classes qui prenaient leur premier contact avec le front. Les galons rouges des caporaux, les sardines dorées des sous-officiers du temps de la mobilisation, les ficelles des officiers s’étaient vite réduits à de plus modestes dimensions. Très vite, les officiers revêtirent la capote de troupe, à l’image de leurs soldats.

La bourguignotte du Poilu

Avant de les munir, un peu plus tard, de casques, on avait distribué aux fantassins, pour les porter sous le képi, des ca lottes de fer qui, d’ailleurs, leur servirent surtout d’écuelle individuelle. Le casque, c’était l’ancienne bourguignotte, réinventée par l’intendant-général Adrian, créateur aussi des baraques « préfabriquées ».
Les soldats français, comme les Belges, les Serbes et les Italiens, purent, pendant plus de trois ans, se féliciter d’être dotés de la bourguignotte, et cela contrairement à la prédiction de Joffre, qui répondait en 1914 au colonel Pénelon, venant lui proposer un modèle de casque :
— Nous n’aurons pas le temps de les fabriquer, je tordrai les Boches avant deux mois.
Peint à la couleur de la tenue, le casque, en tôle d’acier, ne constituait pas une protection sans valeur. Les balles, les petits éclats d’obus ou de grenades ricochaient souvent contre son métal.
D’ailleurs, la tête, qui risquait de dépasser de la tranchée, et qui était aussi le plus facilement atteinte quand on était couché à plat ventre dans le « bled », avait pris une telle importance qu’on avait vu, avant la période casquée, des soldats l’entourer, même en dehors de l’hiver, de cache-nez entortillés, protection purement symbolique. Sous le casque, déjà doublé d’une calotte de cuir, certains soldats se coiffaient du bonnet de police, distribué quand le képi disparut : son contact était plus agréable, et ses bords rabattus servaient d’oreillettes protectrices contre le froid.

De nombreux moyens de fortune dans l'uniforme du Poilu

Ce n’était pas seulement leurs coiffures hétéroclites qui enlevaient aux soldats toute allure militaire. Pour lutter contre les mauvaises saisons qui s’acharnèrent sur les quatre années de guerre, l’intendance imagina de nombreux moyens de fortune : vestes sans manches en peau de mouton, bottes en toile huilée à semelles de bois, qui étaient souvent happées par la boue, où il arrivait à l’homme de les suivre. L’ingéniosité des soldats et l’apport des colis envoyés par les familles ou les marraines, comme aussi les découvertes dans les villages abandonnés, y ajoutaient une pittoresque diversité : matelassage de journaux (le papier étant très protecteur) peaux de lièvres et de lapins, plus ou moins braconnés, chandails de couleurs variées, sinon multicolores, passe-montagnes de laine, tricotés par milliers dans les ouvroirs, et souvent superposés.
Contre la pluie, cirés de toute provenance, complétés par des lambeaux de toile de camouflage ; contre le froid, chiffons entortillés autour des pieds, les fameuses chaussettes russes. Pour se défendre des rigueurs du climat et des calamités de la tranchée, les soldats, transformés en blocs informes, perdaient même l’apparence humaine.

Les chaussures du Poilu

Le drap de la tenue nouvelle n’était pas imperméable à la pluie, ni à l’humidité qui suintait des parois des tranchées et des abris, pas plus qu’aux sueurs de l’effort et de la peur. Des bandes molletières, de couleur assortie à la tenue, avaient succédé aux guêtres de cuir depuis que la culotte remplaçait le pantalon. Ces molletières étaient peu pratiques, car elles se déroulaient facilement, pour empêtrer la marche de leur propriétaire.
Le cuir des godillots cloutés ne résistait guère aux pataugeages répétés dans la « mélasse », et l’assemblage molletières chaussures ne pouvait, de loin, rivaliser avec les demi-bottes des soldats allemands. Quant à la paire de souliers de repos, incluse dans le paquetage du début, ses revêtements de toile et ses semelles de corde n’auraient pas fait long feu dans les tranchées. Tout ce qui est fabriqué pour le soldat est commun, laid et de mauvaise qualité.

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