Les chouans n’avaient généralement pas d’uniformes. Seuls, parfois, le chapelet ou la cocarde blanche trahissaient leur engagement.
A la moindre alerte le prêtre disparaissait dans une cache. Les chapelets, les fusils, le sacré cœur cachés, il ne restait que des paysans se chauffant au coin du feu.
Le costume des campagnes semble avoir été d’ailleurs à cette époque beaucoup moins divers qu’aujourd’hui. Dans le Maine comme dans la Cornouaille, on retrouvait chez les paysans ce bonnet de laine bleue ou rouge d’où coulaient jusqu’aux épaules de longs cheveux plats ou bouclés et que remplaçait, les jours de fête, le grand chapeau à cuve, cette veste brune ou grise doublée en hiver par une peau de bique ou de mouton, ces braies courtes et larges de berlinge, nommées bragou-braz en Bretagne, ces guêtres de cuir jaune, ces jarretières de couleur tranchante, ces sabots ou ces souliers ferrés pour les longues marches.
C’était là indistinctement et à quelques nuances près le costume de toute la paysannerie masculine de l’Ouest. Rien là de militaire, rien de significatif. Dans les expéditions, dans la bataille seulement, les signes distinctifs du clan apparaissent : des parements mobiles de diverses couleurs, le Sacré-Coeur accroché sur la poitrine ou porté en brassard, le chapelet à la ceinture ou au gilet, la médaille ou la statuette bénite de plomb fixée au chapeau avec la cocarde blanche. Et le porteur de hoyau de tout à l’heure se révélait le fusil de chasse au poing et la poire à poudre en sautoir. Mais que la poursuite commence, que le détachement des Bleus ou des gardes nationaux franchisse la haie et tombe sur l’assaillant embusqué derrière, tout disparaît à la seconde, fusil, poire à poudre, cocarde, amulettes, Sacré-Cœur : il n’y a plus qu’un nigot quelconque qui, à toutes les interrogations, répond par son décourageant nentenket (« je ne comprends pas »).
Sur les camps ou campements chouans, il n’est pas plus facile de se faire une opinion précise que sur les costumes. Peut-on même dire que ce fussent là des camps ?
Ce sont tantôt des carrières abandonnées comme les caves de Laudéan, dans la forêt de Fougères ; tantôt des souterrains de fraîche date comme ceux d’Hubert dans la forêt de Vitré, aménagés en dortoirs au revers d’une faible éminence et où l’on n’accédait qu’après avoir marché plus de cent pas dans un ruisseau; tantôt une série d’alvéoles profondes, recouvertes de branchages et creusées derrière le rempart de quelque talus, comme à Saint-Bily; tantôt des baraques de planches, sept ou huit, avec chacune vingt-cinq couchettes , comme à Boscény ;
tantôt enfin (mais seulement après des razzias républicaines ou en cas d’émigration) de vrais villages sylvestres comme celui qu’a décrit Souvestre sous le nom de Placis de la Prenessaye et où cent huttes de charbonniers, dans une clairière, entouraient quelque grand chêne druidique exorcisé par les saintes images et par l’autel de verdure qui s’adossaient à son tronc.