Tu seras moine mon fils !
Alors que l’on célèbre la naissance de Jésus, le divin enfant, il faut rappeler qu’au Moyen Age, il y en eut d’autres, nettement moins gâtés: les oblats, contraints par leurs parents à l’état monastique. Une tradition supprimée au XVIe siècle.
La stricte règle de Saint Benoît
Les moines se réunissent au minimum 8 fois par jour pour les offices. Quand la cloche retentit, ils doivent abandonner toutes activités et rejoindre leur église.
Toute faute contre la règle doit être dénoncée et fait l’objet d’une punition: jeûne renforcé, exclusion des offices, châtiment corporel.
Les moines ne se lavaient pas
ou très peu. La règle ne mentionne que l’obligation de se laver les mains avant de passer à table et le rituel du mandatum le samedi (lavement des pieds des moines entre eux).
Pour communiquer entre eux les cisterciens élaborent un code gestuel composé de 227 signes.
Ils ont une très mauvaise santé. En cause: l’hygiène défaillante, les saignées intempestives, un régime alimentaire déséquilibré et une ascèse souvent excessive
En l’an 1080, un certain Vivien donne son fils Boson au monastère.
Dans la charte de donation, il explique : Mon fils Boson, que je vous remets à perpétuité, en accord avec mes héritiers et descendants, est dès à présent et dans l’avenir l’avocat perpétuel pour mes péchés afin d’apaiser la colère du Jugement que j’ai mérité… C’est pourquoi je donne mon fils afin qu’il soit fait moine sous le joug de la Règle de Dieu et qu’en ce lieu, en tout temps, il travaille pour moi et intervienne pour mes péchés.
Boson devient un oblatus, « donné ». Il ne doit pas être confondu avec le nutritus « nourri », confié aux moines pour être instruit et qui, au terme de son enfance, retourne dans le monde. L’oblat, par volonté parentale, est moine dès l’entrée au couvent. Irrévocablement. La lecture du cartulaire de Nouaillé révèle que Boson n’est pas seul; les petits Constantin, Frodon, Raynaud et Richard sont pueri monaci, enfants moines.
Dans la seconde moitié du XIe siècle, Ulrich de Cluny observe qu’après qu’ils ont une maisonnée de fils et de filles, ou s’ils ont des enfants boiteux ou estropiés, sourds et muets ou aveugles, bossus ou lépreux, ou encore des enfants qui ont la moindre tare qui les rendrait moins désirables dans le monde laïc, les parents les offrent comme moines avec les plus pieux des voeux […] en sorte qu’ils se trouvent dispensés de la peine de les éduquer et de les nourrir, ou parce que cela tourne à l’avantage de leurs autres enfants.
Les enfants du péché sont légion, et d’abord les enfants de prêtres ou de moines, qui rachètent ainsi à peu de frais une faute qui est aussi sociale. Dans un premier temps, les autorités ferment les yeux, à condition que les rejetons, fruit de pareille pollution, n’aient point part aux biens de leurs parents, et demeurent à jamais asservis à l’Eglise à laquelle appartient le prêtre ou le religieux qui les a ignominieusement engendrés, comme le prescrit le IXe concile
Comment vivent ces enfants moines ? En principe, comme leurs frères adultes, « sous le joug de la Sainte Règle ». En réalité, la présence de bambins pleurant, babillant et s’agitant est pour moniales et moines une charge très lourde. Mais c’est aussi, souvent, le seul exutoire à une tendresse humaine qu’il leur est par ailleurs interdit d’exprimer.
Jusqu’à 15 ans, les enfants sont confiés au cellérier, comme les vieillards et les hôtes. Il leur fournit au réfectoire ce que réclament les égards dus aux enfants et aux vieillards, surtout pour la nourriture. Ils ne sont pas dispensés de petit déjeuner, et le lait est autorisé une fois par semaine. Au chœur et à table, les enfants occupent parmi les moines la place qui correspond à leur date d’admission.
Au dortoir, on peut ne pas suivre cet ordre mais il convient de ne pas laisser leurs lits trop rapprochés les uns des autres et il est prudent de les intercaler parmi ceux des anciens, qui sont toujours au moins deux. Ils ne doivent jamais être livrés à eux-mêmes ou laissés en compagnie d’un seul maître.
Si, la nuit, un garçon doit sortir pour ses besoins, il doit être accompagné par un maître et un autre garçon avec une lanterne. Enfin, les garçons ne doivent jamais se toucher l’un l’autre et il est interdit à tout moine d’avoir le moindre contact physique avec eux, et même de toucher leurs vêtements.
Comme les adultes, les enfants ne peuvent parler que s’ils en ont la permission. La règle les associe cependant à tous les exercices de la communauté : assis sur des troncs d’arbre, des tabourets ou à même le sol, ils sont témoins d’actes administratifs et participent aux délibérations capitulaires car la sagesse peut sortir de leurs lèvres. C’est ainsi que l’évêque Herman de Verdun demande aux enfants de la communauté de Saint-Vanne de désigner le prochain abbé et suit leur conseil.
Pendant la liturgie quotidienne, les oblats ont la charge spéciale de réciter le martyrologe où sont mentionnés les moines défunts, liant ainsi la nouvelle génération aux disparus; pendant la messe, même le baiser de paix
(le seul contact physique autorisé aux moines adultes) est explicitement interdit aux oblats.
S’ils commettent une offense en chantant les psaumes ou de quelque autre façon, on les frappe avec une canne légère et polie. La règle revient plusieurs fois sur les modalités de correction des enfants d’âge tendre. Tous les matins, le maître doit brandir sa verge au-dessus de leur tête. L’abbé doit tenir compte de leur âge quand il est obligé de les punir. La règle affirme qu’une peine afflictive impressionne toujours plus les enfants qu’une humiliation. Concernant l’ordre dans la communauté, les petits sont soumis à la surveillance de tous les frères, demandant le plus expressément de les traiter avec modération.
Les familles destinent les enfants estropiés à la religion.
Echange petit garçon contre salut éternel. Le don parental va dans le sens du bien de l’enfant puisque l’on enchaîne sa liberté pour lui éviter l’esclavage du péché. En réalité, il s’agit surtout de racheter les fautes des parents.
Les familles destinent les enfants estropiés à la religion.
Echange petit garçon contre salut éternel. Le don parental va dans le sens du bien de l’enfant puisque l’on enchaîne sa liberté pour lui éviter l’esclavage du péché. En réalité, il s’agit surtout de racheter les fautes des parents.