Les tortures de l'inquisition au Moyen Âge

Les Inquisiteurs.

Bernard Gui
Dominicain nommé inquisiteur de Toulouse en 1307, à 46 ans, il a inspiré le personnage de fanatique caricatural du film Le Nom de la rose. A la différence de la fiction, il pratiqua une inquisition méthodique sans excès de zèle qu’ il jugeait néfastes. « Seulement » 42 hérétiques brûlés sur 500 ou 600 arrestations, en seize ans de carrière.

Jacques Fournier
Cistercien, et futur pape Benoît XIl, c’est un inquisiteur atypique. Fils d’un meunier ariégeois devenu abbé, il se fait connaître en défendant un confrère franciscain devant l’Inquisition dominicaine avant d’officier en tant qu’évêque. Les procès-verbaux qu’ il a accumulés au cours de 94 interrogatoires forment un témoignage unique.

Tomas de Torquemada
Surnommé le Marteau des hérétiques, il catalyse à lui seul les fantasmes qui entourent l’Inquisition. En réalité, ce n’est ni un pervers ni un fanatique, mais un haut fonctionnaire au service d’une froide politique d’ Etat. Torquemada ne se déplaçait jamais sans sa redoutable escorte de 200 soldats et 40 cavaliers, d’où la légende.

Brûlée dans son lit
En 1234, un fait horrible se passe à Toulouse. L’évêque vient de célébrer la messe ; il va passer au réfectoire avec les frères. On lui dit qu’on se prépare à brûler, une vieille femme infirme, qui est au lit, avec la fièvre. L’évêque et le prieur, par scrupule, veulent se rendre compte par eux-mêmes de la chose. Ils vont chez l’infirme, s’approchent d’elle et l’interrogent.
Celle-ci, prenant l’évêque pour celui des cathares, confesse sa foi. L’évêque se fait reconnaître pour ce qu’il est, non cathare. L’ infirme persévère. Ainsi convaincue d’hérésie, elle est livrée au vicaire du comte (bras séculier) qui la fait transporter sur l’heure au Pré-le-Comte où elle est brûlée dans son lit. Après cela, l’évêque et les inquisiteurs s’en vinrent au réfectoire et mangèrent avec joie ce qui était préparé, rendant grâces à Dieu et au bienheureux Dominique

La croix jaune pour les infâmes

L'inquisiteur pouvait appliquer des peines secondaires dont la prison ou la croix jaune pour les infâmesL’inquisiteur pouvait appliquer des peines secondaires. La prison d’abord. La prison était dure. Non seulement la prison préventive (nuit, humidité, chaînes, secret, jeûne) qui n’était qu’une torture camouflée, mais la prison perpétuelle ou temporaire, « au pain de douleur et à l’eau d’angoisse ». Deux prisons en principe : le « mur large » au régime adouci qui permettait un contact contrôlé avec le dehors, et le « mur étroit », celui-ci véritable emmurement avec les entraves et les fers. La tentative d’évasion, bien entendu, était punie de mort.
Bientôt fut généralisé le port de croix de pénitence. Déjà, en 1206, Dominique, ayant voulu que la pénitence fût visible, avait imposé à l’hérétique Roger Pons le port d’un habit spécial, de grossière étoffe, sur lequel devaient être cousues deux petites croix de chaque côté de la poitrine. Ces deux petites croix deviendront par la suite les deux grandes croix de feutre jaune de la justice inquisitoriale. On les plaça d’abord par-devant, de chaque côté de la poitrine, puis l’une par-devant, au milieu de la poitrine, l’autre par-derrière entre les épaules. Aussi en 1233, au concile de Béziers, elles seront reprises par le légat du pape, Gautier de Tournai.
Les signes d’infamie présentaient les distinctions les plus précises et les plus curieuses. Par exemple, le prêtre qui avait baptisé deux fois un enfant, ce qui laissait supposer qu’il n’avait pas le sens du sacrement, celui-ci étant ineffaçable, devait porter deux morceaux de feutre jaune en figure de vase, l’un par-devant, l’autre par-derrière; le prêtre qui avait baptisé des figures de cire, quatre vases, deux devant, deux derrière; le prêtre qui avait distribué la communion pascale avec des hosties non consacrées, deux gros morceaux de feutre de forme ronde, l’un par-devant, l’autre par-derrière. L’étoile jaune, imposée par Hitler aux Juifs, n’était, on le voit, qu’une réminiscence des signes extérieurs d’infamie imposés tant par les rois de l’époque aux Juifs, que par l’Inquisition aux hérétiques.

La confiscation des biens

Une peine fréquemment appliquée était celle du fouet. Elle l'était surtout aux femmes dans le but de les faire avouer

Une peine fréquemment appliquée était celle du fouet. Elle l’était surtout aux femmes dans le but de les faire avouer, et elle prenait place alors dans le grand système des contraintes. Elle pouvait être aussi appliquée à titre de pénitence. Le coupable était fouetté publiquement les dimanches et jours de fête entre l’Epître et l’Évangile, après le prône ou le chant de l’Offertoire; il se présentait au célébrant, un cierge à la main, des verges dans l’autre. Il offrait le cierge, s’agenouillait et recevait le fouet.
Le pénitent devait prêter aide et assistance aux inquisiteurs, dans la répression de l’hérésie et la capture des hérétiques. Le loup était devenu un chien et, traité comme un chien, poursuivait les loups.
Les peines pécuniaires (amendes, confiscation) procuraient à l’Inquisition d’abondantes ressources, surtout les confiscations faites au profit du roi ou de l’Église, et dans ce dernier cas, au profit d’œuvres pieuses, églises, couvents, hospices.
L’hérétique endurci ou le relaps, même s’il avait échappé au bûcher, et qu’il vécût emprisonné et pénitent, perdait tout. De même, celui qui ne répondait pas à la citation de l’inquisiteur, contumace par conséquent.
Le condamné (même réconcilié avec l’Églïse) était frappé en vertu des bulles pontificales et notamment des dispositions de Grégoire IX, d’incapacité quant aux charges ecclésiastiques et civiles. Au Moyen âge, l’incapacité frappait même le descendant du condamné jusqu’à la deuxième génération en ligne paternelle et Jusqu’à la première seulement en ligne maternelle. Cependant, on verra des hérétiques devenir inquisiteurs. C’est qu’ils avaient donné des gages et continuaient d’en donner.
L’inquisiteur restait maître de remettre ou de commuer toute peine, même la peine capitale. Les remises absolues et perpétuelles n’avaient jamais lieu. La menace subsistait au-dessus de l’homme lâché à demi et comme tenu à la corde. En prison, il fallait rendre des services, dénoncer des évadés, servir de mouton. Moyennant quoi, il arrivait qu’on fût libéré. Mais l’insigne d’ignominie, le marteau, était toujours là, menaçant. Si l’inquisiteur pouvait n’en pas exiger le port, il pouvait, à tout instant, exiger de l’homme qu’il le prît ou le reprît pour sa honte.
L’erreur serait cependant de croire que tous ces juges ainsi pourvus d’une autorité quasi sans limite étaient impitoyables. Il arrivait que l’inquisiteur fût relativement indulgent, cela dépendant beaucoup du danger couru par l’Église. Selon Henri Charles Leu (Histoire de l’Inquisition au Moyen Age), dans le registre de ses sentences, de 1246 à 1248, on ne trouve pas un seul cas d’un coupable. Il s’en tenait à la prison, perpétuelle ou non. Sans doute, l’époque du grand péril hérétique était passée. Il arrivait d’ailleurs que les fonctionnaires royaux ne tenaient pas compte de la sentence adoucie, et quand l’homme leur était abandonné, le brûlaient pour aller au plus court. La vie humaine avait alors peu de prix.

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