La chasse au Bismarck et au Prinz Eugen en mai 1941

L’Angleterre n’ignorait rien des mouvements et des intentions de la Kriegsmarine. Le croiseur lourd Prinz Eugen a à peine rejoint le cuirassé allemand Bismarck dans un fjord de Norvège que déjà des avions de la Royal Air Force les pistent !
L’affrontement était dès lors inévitable.

Le 23 mai 1941, le Bismarck et le Prinz Eugen sont repérés par les Anglais

Le 23 mai 1941, le Bismarck et le Prinz Eugen sont repérés par les Anglais

Le 23 mai 1941, à midi, le Bismarck et le Prinz Eugen pénétrèrent dans le détroit de Danemark. Le temps n’était pas tout à fait aussi favorable à sa mission que l’amiral Lütjens l’espérait ; ils rencontrèrent une brume coupée de larges éclaircies, au lieu du brouillard annoncé par les météorologistes. La banquise du Groenland, qui s’étendait jusqu’à moins de 80 milles de l’Islande, et les champs de mines britanniques au large de la côte nord-ouest de l’île obligèrent les deux navires à emprunter le milieu du détroit, où le temps était exceptionnellement clair. C’est dans ce passage, l’après-midi du 23 mai, que le croiseur britannique Suffolk patrouillait sans forcer ses machines, à la vitesse de 18 nœuds.
Tard dans la soirée, le Bismarck et le Prinz Eugen longeaient la bordure de glace du Groenland ; c’était la route la plus courte pour descendre vers l’Atlantique. A 19 h 22, le Suffolk repéra les deux navires à une distance de 7 milles et lança aussitôt un message signalant la présence de l’ennemi, puis vira au sud-est, vers la brume qui enveloppait la côte islandaise du détroit. Le Norfolk reçut le message et s’approcha afin d’établir le contact. Une heure plus tard, il repérait lui aussi les deux navires allemands qui se trouvaient à une distance de 6 milles. Le Bismarck, virant pour pouvoir élargir son champ de tir, envoya environ cinq salves sur le Norfolk. Toutes manquèrent leur but, et le croiseur anglais vira de bord pour s’éloigner.
L’amiral Lütjens comprit alors qu’il avait été repéré. La première fois, il n’avait pas aperçu le Suffolk et ignorait donc qu’il avait affaire à deux croiseurs. Mais il dut se rendre bientôt à l’évidence lorsqu’il constata que deux navires envoyaient des messages de contact.

Filature du Bismarck au radar

filature du Bismarck au radar

Tout d’abord, le fait d’avoir été repéré et suivi ne causa aucun souci à l’amiral Lütjens. D’après ses calculs et en s’abritant derrière cette brume intermittente, il pourrait se dérober à la vue de ses ennemis en augmentant sa vitesse. Mais quand il constata l’échec de cette manœuvre, il en fut sérieusement ébranlé. L’état-major allemand ne croyait pas que la flotte britannique possédât des radars efficaces à longue distance. Mais les messages du Suffolk, transmettant chaque fois ses changements de direction et de vitesse, firent comprendre à Lütjens que ce bâtiment au moins en possédait un.
Cette constatation modifiait les perspectives de l’opération Rheinübung. L’amiral Lütjens, finalement, décida de poursuivre sa course vers l’Atlantique.
Il ordonna au commandant Brinckmann à bord du Prinz Eugen de naviguer à l’avant du Bismarck afin d’éviter d’être touché par lui au cas où les deux croiseurs ouvriraient le feu. Il se produisit presque une collision entre les deux navires lorsque le Prinz Eugen rejoignit sa nouvelle position : le gouvernail du Bismarck se coinça et le fit dériver sur bâbord, juste au moment où le Prinz Eugen le dépassait. Les deux bâtiments naviguèrent de manière à se rapprocher le plus possible de la banquise, afin que les deux croiseurs britanniques ne pussent les suivre en se plaçant chacun d’un côté.

Le Hood et le Bismarck parés au combat

Le Hood et le Bismarck parés au combat

La nuit suivante, à. bord du Hood, l’amiral Holland continua à recevoir du Suffolk les messages de localisation de l’ennemi. A minuit, la distance se trouvait réduite à 120 milles, si bien que le contact devait se produire, apparemment, deux heures plus tard environ. Ce fut à cet instant que le Norfolk et le Suffolk perdirent momentanément la trace du Bismarck ; le flot des messages de position s’interrompit. Le 24 mai, à 2h 03, toujours privé d’informations récentes concernant l’ennemi, l’amiral Holland mit cap sud-ouest, pour éviter de passer à l’arrière du Bismarck et de le perdre dans l’obscurité. Il ordonna à ses destroyers de continuer leur course au nord-ouest, en ligne de recherche, et la chasse se poursuivit.

A 2 h 47, le Suffolk reprit contact avec le Bismarck. Vers 4 heures, la marche du navire ennemi allait le placer à 20 milles au nord-ouest du Hood, si bien que leurs routes devraient se croiser vers 5 h 30.
Entre-temps, l’amiral Lütjens avait appris que plus de deux navires britanniques se trouvaient dans les parages. La radio du Bismarck avait intercepté les messages échangés entre le Hood et les autres poursuivants, et bien qu’indéchiffrables, ils lui avaient révélé que le combat pouvait être engagé le jour venu. Il s’y était d’ailleurs préparé.
Le vent soufflait fortement du nord et soulevait une houle modérée. Peu après minuit, le Hood et le Prince of Wales avaient hissé leurs pavillons de bataille ; à 5 heures, ils étaient entièrement parés à leurs postes de combat. Vers 5 h 30, le jour se leva après une aube grise ; cinq minutes plus tard, les vigies des deux navires pouvaient distinguer, au nord-ouest, la silhouette des deux adversaires. C’étaient le Bismarck et le Prinz Eugen, ce dernier en tête ; 17 milles les séparaient de l’ennemi.
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