
Quand le général Arnold soumit au président Roosevelt un projet de bombardement de Tokyo, le président lui donna carte blanche. Un raid de représailles, au cœur même du Japon, aiderait à soutenir le moral des Américains et celui de tous les Alliés victimes de l’agression japonaise dans le Pacifique, mais on ne pouvait s’attendre que l’engagement d’une force aussi limitée causât de grands dommages matériels.
Etant donné qu’aucune base aérienne alliée n’existait à « distance de bombardement » de Tokyo, l’armée de l’air américaine décida de faire décoller d’un porte-avions des bombardiers — exploit encore jamais réalisé. Ce bombardement jetterait doublement la confusion dans l’esprit des Japonais : ils ne s’attendraient pas à une attaque des unités aériennes basées en Chine, et pas davantage que la flotte américaine risquât des porte-avions suffisamment près du Japon pour en faire décoller des avions à court rayon d’action. C’était un plan brillant qui ne comportait que des risques limités. Il suffisait d’avoir les appareils adaptés à cette mission et des pilotes particulièrement entraînés.
Le lieutenant-colonel Doolittle, un expert de premier ordre de l’aviation de bombardement, fut choisi pour commander ce raid. Il désigna vingt-quatre équipages du I7e groupe de bombardement qui, envoyés à Eglin Field, en Floride, s’entraînèrent à la difficile technique de faire décoller un gros bombardier, lourdement chargé, de la courte piste qu’un porte-avions pouvait offrir.

On choisit le bombardier bimoteur B-25 « Mitchell », l’appareil le mieux adapté à cette mission. On ajouta au B-25 trois réservoirs auxiliaires, dix bidons de 20 litres et un sac de caoutchouc pliant d’une capacité de 1 400 litres à sa charge normale de carburant. La charge de bombes était faible, mais les trois bombes de 250 kg et la seule grappe de bombes incendiaires étaient capables de provoquer de sérieux dégâts à une cible appropriée. Le viseur Norden fut retiré pour des raisons de sécurité ; le « Mark Twain », très efficace et dessiné spécialement par le commandant Greening, de l’armée de l’air américaine, pour le bombardement à basse altitude, équipa le B-25 à sa place. En guise de « protection » à l’arrière, deux fausses mitrailleuses de 12,7 mm en bois furent installées à l’extrémité de la queue.
Après l’attaque de leurs objectifs, les aviateurs du raid devaient survoler pendant 2 000 km la mer de Chine orientale avant de rejoindre diverses bases en Chine, où ils resteraient. Ils serviraient alors utilement de groupe de bombardement pour appuyer les armées chinoises. Malheureusement, à cause du secret qu’exigeait cette opération, on ne put donner toutes les informations voulues à Tchang Kaï Chek, et c’est avec réticence qu’il donna son accord pour mettre à la disposition des Etats-Unis Kouei-Lin, Kiang, Yi-Tchang, Sou-Tcheou et Lieou-Tcheou espérant ainsi gagner du temps pour empêcher l’occupation japonaise de la région. A la dernière minute, il refusa même l’utilisation du terrain de Sou-Tcheou.