Souci quotidien du soldat impérial, les anecdotes concernant les problèmes de nourriture trouvent toujours une place sous la plume des mémorialistes.
En temps de paix, le soldat reçoit les vivres de campagne, à savoir : le pain de munition et le pain blanc pour tremper dans la soupe, la viande, les légumes secs, l’eau de vie et le vinaigre. Les soldats achètent sur les marchés les légumes frais et les pommes de terre. La masse d’ordinaire est gérée par le capitaine de la compagnie, elle est alimentée par la solde des hommes, défalcation faite du denier de poche et du sou prélevé pour la masse du linge et des chaussures.
On alloue par soldat 0,15 franc avec lesquels la compagnie doit se procurer le pain pour la soupe, une demi-livre de viande et des légumes. Tout cela fonctionne à peu près en France et en temps de paix, à l’étranger et en temps de guerre cela devient chimérique ; à noter que la viande n’est théoriquement fournie qu’en temps de guerre.
A la caserne les hommes mangent ensemble avec les caporaux dans des gamelles pour 6 à 8 personnes ; les sergents mangent entre eux ; les sergents-majors et les adjudants vivent en pension chez un cantinier. Il y a deux repas par jour : celui du matin vers 10 heures, composé de boeuf bouilli avec des légumes, celui du soir constitué le plus souvent de pommes de terre au beurre avec des oignons. Notons au passage que le petit déjeuner n’existe pas dans le règlement, en pratique une tasse de café et un morceau de pain constituaient ce premier repas. Le pain de munition fabriqué à base de seigle a un petit goût acide. La boisson quotidienne était l’eau additionnée d’eau de vie ou de vinaigre. Coignet note dans ses mémoires qu’en 1803, les grenadiers à pied de la Garde Consulaire mangeaient dans des soupières individuelles. Bien qu’étant simple troupier, on ne mange pas la soupe n’importe comment : il existe un rituel ; en règle générale 6 ou 8 hommes sont debout autour de la gamelle, chacun prend à tour de rôle une cuillère de soupe en faisant un pas en avant et ensuite un pas en arrière, le haut du corps penché en avant pour ne pas salir l’uniforme ou la chemise ; c’est du moins ainsi que Pierre Louis Mayer mange sa soupe au 35′ de ligne !
Les soldats peuvent avoir recours à des cuisinières pour préparer la soupe mais il faudra les payer ; cela présente un avantage : si la soupe n’est pas bonne cela évitera la punition de la savate à l’homme chargé de la préparer. Si la chambrée n’a, pas de cuisinière, un soldat est désigné pour préparer la soupe, soit pour une journée, soit davantage ; il est également chargé du nettoyage et de l’entretien des ustensiles et casseroles ; si la soupe n’est pas bonne il peut être puni en étant de nouveau de corvée de soupe le lendemain.
L’eau est également un problème vital ; elle n’est pas toujours de la qualité désirable, aussi existait-il un moyen de faire des filtres à eau : on mettait dans un tonneau un lit de bonne paille assez épais pour surmonter de deux pouces (environ cinq centimètres) le robinet, un lit de deux pouces de gravier si l’on peut en trouver du bon, enfin un lit de charbon de quelques centimètres, concassé et gros comme une noisette et par dessus un fond de bois qui sert à maintenir les différents lits de matériaux.
Pour le transport personnel de l’eau, chaque homme est muni d’un bidon en fer blanc qui s’oxyde vite et devient rapidement inutilisable ; les soldats préfèrent les bouteilles de verre protégées par de l’osier tressé bien que plus fragiles mais surtout les gourdes en « coloquinte » abondamment fournies par les pays méditerranéens, qui ne coûtent rien, qui sont légères et que l’on peut personnaliser par des dessins ou des inscriptions.