Lorsque la Grande Armée passera le Niémen en 1812, pour pénétrer en Russie, on aura soulagé les hommes de leurs capotes et de leurs pantalons de drap, sans songer que quelques mois plus tard il leur faudra affronter l’hiver. Sans doute ces effets ont-ils été chargés sur ces voitures qui s’immobiliseront dans la boue et la neige de Pologne. D’immenses approvisionnements, il est vrai, sont constitués à Vilna, mais le désordre aura atteint un tel degré que ce sont les soldats russes qui en feront leur profit.
Au début de la campagne de Russie, les inspections de l’équipement des grognards sont minutieuses ; au 1″ corps commandé par Davout, chaque soldat portait dans son sac : deux chemises, deux paires de souliers avec clous et semelles de rechange, un pantalon de toile, une paire de guêtres en toile, un sac à brosses, une bande à pansement et de la charpie, sans oublier les soixante cartouches. De chaque côté du sac, quatre biscuits de 16 onces (environ 500 grammes), et dans le fond, 10 livres (environ 5 kilos) de farine dans un sac de toile. Dans une besace de toile portée en bandoulière, deux pains de 3 livres (environ 1,8 kilos) chacun. La giberne devait être garnie de trois pierres à fusil neuves de rechange. Au total, 58 livres (un peu plus de 28 kilos), dont quatre jours de pain, quatre jours de biscuit., sept jours de farine, soit, en tout, quinze jours de vivres et soixante cartouches.
Les soldats de la Grande Armée qui partent ainsi équipés reviendront dans un tout autre état au terme de la fameuse retraite Un témoignage précieux nous a été laissé sur cette campagne par le sergent Bourgogne, grenadier vélite de la Vieille Garde. L’occupation et le pillage de Moscou lui donne l’occasion d’assister à des scènes étonnantes :
En jetant un regard sur la place où était bivouaqué le régiment, il me semblait voir une réunion de tous les peuples du monde, car nos soldats, étaient vêtus en Kalmouks, en Chinois, en cosaques, en Tartares, en Persans, en Turcs, el une autre partie couverte de riches fourrures. Il y en avait même qui étaient habillés avec des habits de cour à la française, ayant, à leurs côtés, des épées dont la poignée était en acier et brillante comme le diamant.
Comme toujours en pareil cas, les soldats profitent de toutes les ressources locales pour compléter ou améliorer leur habillement:
En rentrant dans notre logement, j’aperçus nos tailleurs, le deux hommes que j’avais sauvés, déjà en train de travailler ; ils faisaient des grands collets avec les draps des billards qui étaient dans la grande salle du café où était logée la compagnie, et que l’on avait démontés pour avoir plus de place.