L'armée de Napoléon n'existe plus en Russie en 1812

Les instructions de l’Empereur sont claires : il faut que les troupes françaises reculent jusqu’à Vilna et s’y maintiennent. Car, pense-t-il, la ville peut devenir le centre d’un dispositif défensif renforcé par des forces fraîches et la levée en masse des Polonais. Mais à Vilna, toute défense se révèle impossible.

Pertes de la Grande Armée en Russie
Effectif total des troupes entrées en Russie: 580000-600000 hommes.
Sont sortis de la Russie (surtout les troupes qui formaient les corps opérant sur les flancs: les corps prussien, autrichien et saxon): 60000-70 000 hommes.
Donc, les pertes totales représentent plus de 500000 hommes en six mois.
Sur ce demi-million d’hommes, une centaine de milliers sont tués ou morts suite aux blessures de combat. Une autre centaine de milliers sont faits prisonniers et amenés à l’intérieur de la Russie.
Tous les autres, soit trois cent mille, sont morts de maladies, de fatigue, de froid, de faim.

Mourir de faim puis mourir de manger

Mourir de faim puis mourir de manger pour l'armée de Napoléon en Russie

Le 10 décembre, les premiers éléments de ce qu’on ne peut plus appeler une troupe arrivent devant Vilna ; la vue de la ville leur a donné assez de force pour enfoncer les portes, solidement barricadées avec d’énormes pièces de bois. Pris d’une rage frénétique, ils se ruent sur les dépôts et les magasins, roulent des tonneaux d’eau-de-vie qu’ils défoncent, pour boire plus aisément à longs traits, et tombent morts à côté : « On trouvait des tonneaux vides, entourés de cinquante cadavres.»
Comme à l’accoutumée, les soldats de la Vieille Garde, qui se sont formés en colonne pour entrer dans la ville prétendant barrer le chemin à la masse des débandés, se sont adjugé le magasin aux vivres de l’État-Major impérial. Il s’agit bien de cela, à cette heure ! Des sabres, des baïonnettes sortent des fourreaux, on s’entretue pour un pain ou pour un jambon, et un officier en est réduit à assommer proprement un soldat avec un jambon pour s’en garantir la propriété, car il n’est plus question ici de grades et encore moins de discipline. On se bat pour pénétrer chez les marchands juifs soupçonnés d’avoir accumulé des provisions dans leur cave, et les pièces d’or de Moscou sortent miraculeusement des poches pour acheter à boire, toujours davantage, et du pain.
Ces hommes, qui depuis des jours meurent de faim, vont maintenant mourir de manger.

Panique générale à Vilna

Murat, redoutant d’être pris dans Vilna comme dans une souricière, est déjà parti pour Kovno avec son état-major, sans laisser d’instructions soit pour que l’on résiste dans la place, soit pour qu’elle soit évacuée.
L’apparition de quelques cosaques aux portes de la ville et dans ses faubourgs suffit à créer bien vite un état de panique générale chez ceux qui ont conservé quelque lucidité d’esprit.
Les nombreux malades et blessés dont les hôpitaux sont remplis, et tous les hommes qui se sont endormis dans une maison qu’ils refusent de quitter seront proprement massacrés sur place, aussi bien par les soldats russes que par les commerçants chez lesquels ils s’étaient installés, et qui jettent les cadavres par les fenêtres après s’être approprié leur dernier argent.
A Ponari, à une lieue de Vilna, sur la route de Kovno les fuyards trouvent les fourgons du trésor de l’armée, définitivement immobilisés et abandonnés, et c’est le pillage désordonné des tonnelets et des sacs d’or, chacun remplissant ses poches à sa guise, ou même traînant un sac sur son épaule, comme s’il pouvait espérer aller bien loin avec un tel chargement ! Les cosaques se chargèrent d’achever la besogne et de faire place nette.

L'armée de Napoléon n'existe plus

Les troupes de Koutouzov sont là qui barrent le chemin. Il faut rassembler ce qui reste des dernières compagnies d’élite encore armées, avec tous les officiers de la division Gérard, pour foncer à travers le dispositif russe, et avec le courage du désespoir, ouvrir le passage vers Kovno.
Lorsqu’ils y parviendront, Murat s’en sera enfui, honteusement, en désignant entre les mains du prince Eugène un commandement qu’il n’avait pas assumé un seul moment en dépit des supplications et aussi des véhéments reproches des maréchaux et des généraux présents.
Il rentre à travers l’Allemagne dans son royaume dérisoire, où il parachèvera sa trahison.
A cette heure, c’en est fini de la Grande Armée de Russie, et Berthier peut conclure le rapport qu’il adresse à Napoléon en disant : L’armée n’existe plus.

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