Les chirurgiens de l'armée de Napoléons 1er

Les vedettes, des vedettes redoutées, ce sont les chirurgiens.
Délester un blessé d’une jambe, d’un bras, voire des deux, rien de plus facile. Une bonne (ou une mauvaise) scie et le tour est joué. C’est pour les chirurgiens chose aussi facile que d’avaler un verre d’eau, et un officier qui manie l’humour noir avec dextérité affirme en avoir vu à qui cette dernière opération (celle du verre d’eau !) aurait fait faire une bien vilaine grimace. Et le même de constater que certains chirurgiens ont la science et la pratique, d’autres la pratique seulement, et encore, ne vient-elle le plus souvent que sur le tas. De bras et de jambes.

Quand le chirurgien Percy opère sur une chaise

Percy ne dispose, pour tout matériel de service, que d’une petite caisse d’instruments, d’une demi-livre de pommade agglutinative et d’une pleine poche de mauvais linge, ce qui ne l’empêche pas de réaliser des prodiges…
J’envoyai chercher un réfracteur (instrument servant à repousser les chairs de la blessure) pour opérer moi-même en présence de quatre chirurgiens. Le blessé placé sur une chaise, j’avertis de faire la compression, rangeai près de moi les instruments et incisai. L’artère donnait je fis comprimer, elle donna encore je plaçai le réfracteur qu’on tint mal, la section de l’os fut difficile, toujours beaucoup de sang. Enfin la ligature fut faite, le blessé tomba en syncope, il avait perdu trois livres de sang. Je dis au pharmacien que s’il était bien dans un quart d’heure, il fallait lui faire prendre 24 gouttes de laudanum.
Le lendemain, le blessé se portait bien… Il fallait posséder une robuste constitution pour résister à de tels traitements ! Signalons qu’à cette époque, était considéré comme un bon chirurgien celui qui savait amputer un membre avec le maximum de célérité, ceci afin d’atténuer le choc opératoire.

Des terribles blessures et des hossibles opérations

Après le combat de Mojaisk, le 9 septembre 1812, un blessé se présente à l’ambulance. C’est un chasseur à cheval qui vient de recevoir, de la part d’un cosaque, un coup de pique sur le côté interne de l’oeil gauche. Le coup a été porté si profondément, si violemment et de façon si extraordinaire que le globe de l’oeil a sauté hors de l’orbite, entraînant les muscles et le nerf optique! Fort curieusement, tout cela n’est pas détérioré et saigne à peine. L’oeil souillé de terre est lavé à grande eau, puis replacé dans son orbite en le maintenant avec quelques griffes; quelques compresses d’eau froide et un bandage terminent l’intervention !

Opération d'un colonel russe par un chirurgien

A la Moscowa, Larrey opère un colonel russe blessé, dès le début de la bataille. Il a reçu un coup de sabre sur le visage qui lui a coupé le nez à la base, dans toute sa longueur:
« … On voyait d’une part toute l’étendue des fosses nasales et de la cavité de la bouche, sans arcade alvéolaire, de l’autre le lambeau de la totalité du nez, de la lèvre supérieure et de la voûte palatine, renversé sur le menton… J’eus quelque peine à enlever des caillots de sang qui remplissaient les fosses nasales et que la poussière avait rendus concrets. je détachai ensuite la portion de la voute palatine qui tenait au lambeau. Elle se composait de la moitié antérieure de l’arcade alvéolaire supérieure. Elle avait été séparée du reste de la mâchoire, d’un côté entre la canine et la première molaire, et, de l’autre entre les deux premières molaires.
je détachai aussi du lambeau plusieurs portions des os propres du nez et des apothyses montantes des os maxillaires. je remis en rapport le nez et la lèvre et je procédai à leur réunion par la suture entrecoupée, commençant par la racine du nez, et descendant successivement sur ses deux côtés dont les bords furent réunis par dix points parallèles de suture.
Un linge fin, fenêtré, trempé dans I’ eau salée,fut appliquée sur toute l’étendue du triangle qui indiquait la plaie. J’introduisis dans les narines deux portions de grosses sondes de gomme élastique, pour en conserver la forme et le diamètre. Elles furent assujetties à l’extérieur au moyen d’un cordonnet de fil que j’avais passé à leur extrémité antérieure. Des compresses graduées furent placées sur les côtés du nez et un bandage contensif termina l’appareil. J’eus la satisfaction d’apprendre â mon retour de Moscou que cet officier supérieur était parfaitement guéri et sans nulle difformité.
  » A faire frémir, certes, mais comment ne pas admirer les prodiges chirurgicaux réalisés dans des conditions aussi extrêmes et ne pas s’étonner, encore une fois, de la résistance de certains blessés !

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