Azincourt fut-elle l’ultime bataille de la chevalerie ? Avec un mépris affiché pour leurs piétons, les chevaliers français, embarrassés par un équipement trop lourd, vont tous périr dans cet assaut où les archers anglais auront prouvé la suprématie des armes légères.
Les forces en présence
Les français
Le chef : Le connétable Charles d’Albret. Le connétable supplée à la carence du roi de France, tenu pour fou.
Force : Soldat expérimenté au coeur de la guerre de Cent Ans. Faiblesse : Choix inapproprié du champ de bataille et incapacité à faire appliquer ses ordres.
Les chevaliers : Constituée en grande partie d’infanterie lourde, c’est la troupe d’élite du camp français.
Force : Efficace en combat individuel el rapproché. Faiblesse : Manque da mobilité et vulnérabilité face aux archers.
Les anglais
Le chef : le roi Henry V d’Angleterre
L’invasion de la Normandie est un coup politiqua qui frôte la catastrophe.
Force : armée expérimentée, disciplinée et tactiquement supérieure.
Faiblesse : Les effectifs ont fondu après le siège désastreux d’Harfleur.
Les archers : Ce sont des professionnels. Leur intervention sera cruciale dès le début de la bataille. Force : Flèches à longue portée, cadence meurtrière. Faiblesse : Vulnérables en combat rapproché.
L’automne est déjà bien avancé. Il a plu. La terre d’Artois est grasse et lourde. Elle entrave la marche des hommes et des bêtes. Il a encore plu dans la nuit du 24 au 25 octobre. Les Anglais ont dormi à peu près au sec, Henri V les ayant fait reposer à l’abri. En revanche, les Français sont fatigués. Ils ont reçu des trombes d’eau et n’ont guère fermé l’oeil. Au matin de ce 25 octobre 1415, les deux armées se font face à quelques centaines de mètres de distance. Le silence est de rigueur dans le camp britannique; un millier d’hommes est massé de front. Henri V est au centre de son dispositif qui comprend dans les 14000 combattants. Il attend l’attaque. Dans le camp français, le tumulte règne et l’incertitude prévaut.
l’espace disponible supprime, on l’a vu, toute notion de manœuvre et interdit d’engager conjointement les trois « batailles ». Elles ne pourront intervenir que successivement dans un choc brutal d’une troupe de chevaliers et de servants d’armes. Archers, arbalétriers, miliciens communaux, toisés de haut, sont mis à l’écart. Les féodaux ne savent que faire de cette piétaille. Dans sa retraite depuis Harfleur, le roi Henri V a perdu le gros de ses chevaux. Il compte surtout sur ses archers, fidèles auxiliaires de l’armée anglaise. Crécy l’a montré. Il les a, en outre, exercés à la manœuvre du « piquet ». Ces piquets sont de longs bâtons de plusieurs pieds, armés d’une grosse pointe en fer à chaque extrémité. Fichés au sol et inclinés au commandement, ils constituent de véritables chevaux de frise, brisant la charge des cavaliers.
Au dernier moment, Boucicaut a réussi à tempérer les ardeurs belliqueuses. L’ordre d’attaquer a été reporté et chacun bivouaque en désordre. Henri V perçoit que les Français se dérobent. Son armée a faim. Depuis vingt-quatre heures, sa troupe, sous les armes, n’a pas mangé. Se décidant à forcer le destin, le roi ordonne de se porter en avant. À ce mouvement imprévu, le cri « Aux armes ! » retentit dans le campement français. Chacun s’efforce de reprendre les positions un moment occupées puis abandonnées après la décision d’ajourner l’action. Si l’ardeur est certaine, la précipitation perturbe l’ordonnance initialement convenue. Résolument, deux colonnes de I 200 à 1500 cavaliers français au total s’élancent, longeant les bois d’Azincourt et de Tramincourt. La glaise, récemment retournée et ensemencée, est imbibée d’eau. Les chevaux s’embourbent et n’avancent qu’à pas comptés.
Les deux armées vont s’affronter à nouveau, cette fois aux approches du château d’Azincourt qu’on devine derrière une ligne d’arbres. Durant de longs moments la mêlée demeure incertaine. Les archers anglais se montrent toujours aussi redoutables. Alertes, ils se glissent et frappent leurs adversaires de flanc. Les Français possèdent encore l’avantage du nombre mais, incapables de manoeuvrer, ils sont plus que jamais contraints à combattre de front, et payent la lourdeur de leurs équipements. Le duc d’Alençon a près de lui 18 chevaliers qui ont fait le serment d’abattre le roi d’Angleterre dont l’étendard se distingue nettement. Audacieusement, il se lance avec ses compagnons. Sa fougue lui fraie un passage jusqu’au monarque. D’un coup d’épée, il écarte le duc de Gloucester, frère du roi. D’un autre, il brise la couronne coiffant le casque du roi Henri V. Mais les Anglais l’assaillent de toutes parts. Il s’affaisse, mortellement blessé. Ses fidèles, qui l’ont suivi dans l’ambition désespérée de tuer le roi, partagent son sort.
Henri V est maître du champ de bataille, et la barbarie va ternir à jamais son succès. En effet, 4000 prisonniers, tous nobles et plus ou moins blessés, sont entre ses mains. Soudain, sur des rumeurs de l’imminence d’une nouvelle attaque française, il ordonne de les massacrer. Les archers britanniques, à coups de dagues, se chargent de la vile besogne avant qu’Henri V ne revienne sur sa décision. Mais près de la moitié des captifs sont déjà morts. La bataille est enfin terminée. Elle n’a duré que trois heures : 6000 chevaliers français sont morts, les comtes de Vendôme et de Richemont, le maréchal de Boucicaut, blessés, sont prisonniers. Il est un autre prisonnier fameux. Charles d’Orléans, le poète, père d’un futur roi de France, Louis XII, restera vingt-cinq ans en captivité en Angleterre. Il y chantera la patrie lointaine. Les Anglais, eux, n’ont eu que 1 600 morts.