Louis XI est un roi à la bien triste mine

Dès l’âge de cinquante-cinq ans, Louis XI présente des troubles du comportement plus marqués : suspicion, mesures arbitraires, isolement, les animaux remplaçant les humains, attitudes paranoïdes, où se mêlent méfiance, absence d’autocritique et orgueil, sclérose cérébrale, tous symptômes qui apparaissent ouvertement ou entre les lignes dans les merveilleuses chroniques de Philippe de Commynes.
Né le 3 juillet 1423, mort le 30 août 1483, il vécut soixante ans et régna une vingtaine d’années. Présentant des troubles du comportement, il sembla s’être réfugié par instants dans le monde animal et l’on connaît sa zoophilie. Energique et de constitution robuste, de taille moyenne, avec des membres inférieurs grêles et un peu arqués, une grosse tête chauve de bonne heure, il eut une tendance à l’obésité, aimant bien le boire et le manger qui devaient entretenir une hypertension se manifestant notamment par des crises hémorroïdaires dont il souffrit depuis l’âge de vingt-quatre ans. Il semble avoir souffert également de troubles hépatiques à l’âge de quarante-six ans.
En 1473, on signale une affection cutanée, peut-être eczémateuse et il commence à s’entourer de nouveaux médecins envers lesquels il se montre généreux.
En 1479, les envoyés de la Triple Alliance notèrent que Louis XI était chaque jour plus isolé, plus contrariant et plus irascible.
Il était sujet à des accès de fièvre et à des refroidissements ; apparemment, il avait des crises de goutte et commençait à souffrir d’une maladie de peau, une inflammation parente de la névrodermite, lésion très démangeante qui survient fréquemment chez les sujets névrotiques.

La résidence favorite de Louis XI

Louis XI avait fait du Plessis une forteresse où seuls quelques rares élus osaient pénétrer. Les chemins des environs étaient semés de chausse-trapes où venaient donner les chevaux de quiconque essayait d’approcher par une voie détournée. Le château était entouré d’un fossé et d’un mur fiché de broches à plusieurs dents scellées dans la maçonnerie. A l’intérieur de l’enceinte, une grille de fer constituait une seconde ligne de défense. Les deux étages de brique qui formaient le bâtiment lui-même étaient construits autour d’une cour fermée sur trois côtés. Aux quatre coins se dressaient des guérites de métal susceptibles d’être déplacées. Les quarante archers qui s’y tenaient en permanence avaient ordre de tirer sur tout ce qui bougeait aussitôt qu’on avait fermé les portes et levé le pont-levis. Quatre cents hommes patrouillaient nuit et jour sur les murailles et aux alentours du château. Dès qu’à huit heures du matin la grille d’entrée était ouverte et le pont-levis abaissé, des officiers arrivaient pour organiser la garde de jour, comme en une place de frontière étroitement gardée.

L'esprit soupçonneux de Louis XI

L'esprit soupçonneux de Louis XI

Louis XI passait ses journées dans la vaste galerie dont les fenêtres s’ouvraient sur la cour et la campagne avoisinante. Pour tous compagnons, il avait ses lévriers favoris et ses oiseaux, dont la multitude bavarde et colorée s’ébattait dans des cages ou volait librement autour de lui. Pour l’empêcher de s’assoupir, un orchestre champêtre, qui comptait plusieurs bergers du Poitou, jouait sous ses fenêtres des mélodies populaires qui lui rappelaient le bon temps où il pouvait sans peine courir les campagnes et les bois de sa France bien-aimée.
Au mois de décembre l’état du roi était vraiment pitoyable et tragique. Quand les envoyés de Gand lui apportèrent, pour qu’il prêtât serment, le traité d’Arras (1482) consacrant le mariage du dauphin avec Marguerite d’Autriche et consolidant les gains territoriaux de sa politique, le roi s’excusa de ne pouvoir se lever ni se découvrir devant eux. Il demanda la permission de toucher l’Evangile de la main gauche, car il avait le bras droit en écharpe, paralysé de tout un côté. Il était si peu maître de ses mouvements que le coude de son bras droit toucha aussi le livre, ce qui fit rire l’assemblée, au témoignage du venimeux Basin. Une charmante lettre de la fille de Louis XI, Anne de Beaujeu, nous montre qu’il souffrait de la goutte.
Prisonnier de la maladie, il était aussi prisonnier de ses craintes. Par-dessus tout, il redoutait qu’on profitât de sa faiblesse pour lui arracher le pouvoir et le contraindre à vivre comme un homme qui a perdu la raison. Aucun seigneur ni aucun prince ne vivait au château du Plessis, où nul personnage n’avait le droit d’entrer avec sa suite. Parmi les grands féodaux, seul Pierre de Beaujeu, son gendre, avait la permission de voir le roi. C’est à lui et à sa fille Anne que Louis avait décidé de confier la régence et la garde du dauphin. Pour ceux qui connaissaient la famille royale, la comtesse de Beaujeu était, par son intelligence et sa force de caractère, l’image même de son père.
Son esprit soupçonneux avait amené Louis à remplacer nombre de vieux serviteurs par des étrangers. Il renouvelait constamment ses gardes et ses domestiques.
Trop faible pour s’occuper des affaires de l’Etat, à moins que celles-ci ne revêtissent un caractère d’urgence, il se mit peu à peu à craindre que ses sujets et les peuples voisins ne finissent par le croire mort : aussi avait-il recours à toute espèce de stratagème pour montrer à autrui qu’il était toujours le maître de la France. Renvoyant des officiers, procédant à de nouvelles nominations, rognant ou augmentant les pensions, « il passait son temps, comme il le confia à Commynes, à faire et à défaire des gens ». Pour maintenir ses voisins dans l’idée qu’il était toujours bien en vie, il se servait de son amour bien connu des bêtes et se procurait toutes sortes d’animaux.
Lui qui n’avait jamais accordé une confiance particulière aux médecins, était maintenant la victime de l’un d’eux, un certain Jacques Coitier, homme brutal, rusé et impudent qu’habitait une soif insatiable de puissance et d’argent. Devenu clerc ordinaire à la Chambre des comptes en 1476, Coitier passa bientôt vice-président ; ensuite de quoi, Louis, dominé par la crainte de mourir, le nomma président de la Chambre en octobre 1482, et le dispensa de remplir les fonctions attachées à sa charge. Au travers des terres et des offices qu’il reçut, on peut lire le triste ascendant que cet opportuniste sans scrupules acquit peu à peu sur le roi. Au début de l’année 1483, il réussissait à obtenir l’évêché d’Amiens pour son neveu, et tirait de Louis, sous forme de gages, un revenu mensuel de dix mille écus d’or.

La troisième thrombose et la mort de Louis XI

Le 25 août 1483, Louis eut une nouvelle thrombose cérébrale. Jusqu’au lendemain après-midi à quatre heures, il resta prostré « presque comme un homme mort ». Enfin, il reprit ses sens. Cependant, conscient qu’il était perdu, il se résolut à faire officiellement connaître que sa fin était proche. A son fils Charles, qu’il insistait désormais pour appeler « le roi », il envoya Pierre de Beaujeu, le chancelier, la majeure partie de sa garde royale. et, ce qui est plus émouvant et peut-être plus significatif encore de son renoncement à la vie, tous ses veneurs et tous ses fauconniers.
Malgré ses démangeaisons qui le poussent à se gratter jusqu’au sang, ses douleurs du fondement qui l’empêchent de s’asseoir, son bras droit contracturé et dissimulé, malgré le regard inquiet dont il perce chacun, Louis XI n’en parvient pas moins jusqu’à l’âge de 60 ans, qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait atteint, et que n’atteindra d’ailleurs aucun de ses successeurs avant Louis XIV.

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