Les chemises brunes de Hitler et de Röhm

Röhm avait une grande ambition: faire de ses Chemises brunes une armée populaire qui absorberait l’armée allemande, le tout sous sa direction. Mais l’Armée ne tenait pas à se compromettre avec des braillards.

Les chemise brunes ou S.A. sont des déclassés, parfois des criminels

Créés en même temps que le N.S.D.A.P., les chemises brunes sont 3 000 000 après la prise du pouvoir par Hitler. Leur rôle initial était de jouer les « gros bras » dans les meetings du Führer ; peu à peu, au fil d’innombrables expéditions punitives contre les juifs et les « rouges », ils sont devenus une puissante organisation militaire, avec ses casernes, ses dépôts d’armes et de matériel, sa hiérarchie. Hitler devenu chancelier, ils sont un Etat dans l’Etat. Qui sont ces hommes ? Qui est leur chef ?
Parmi eux on trouve des déclassés, des gens des bas-fonds, parfois des criminels de droit commun ; ivrognes et homosexuels ne manquent pas dans les rangs des S.A. D’autres sont des « soldats perdus », anciens des corps francs clandestins, nostalgiques de l’aventure. Les uns et les autres forment une partie des cadres de ce qu’on appelle « armée brune ».
Mais la masse de cette armée a été recrutée dans les couches populaires. Pour cette force composite, janvier 1933 n’a été qu’une première étape, l’étape « nationale ». Ce qu’ils attendent à présent, c’est la réalisation de la seconde, l’étape « sociale » si souvent promise et qu’ils conçoivent comme un vaste règlement de comptes dans lequel, outre les juifs, les rouges et les démocrates, les grands capitalistes ne seront pas épargnés.

Les S.A. sont des gens de sacs et de cordes

Les chemises brunes étaient des gens de sacs et de cordes

Pour les S.A. tout était permis. On s’attaquait aux boutiques juives que l’on pillait soigneusement. Nul ne s’avisait de demander aux commandos S.A. ce qu’ils avaient fait des marchandises. On rançonnait avec non moins d’allégresse des personnalités déclarées opposantes. Certaines étaient enlevées. Si on le signalait à la police, la police répondait qu’elle était impuissante. Sans ordre de quiconque, sans aucun mandat officiel, les S.A. allaient même jusqu’à ouvrir des camps pour y grouper les opposants qui leur déplaisaient. Ceux-ci étaient interrogés dans des prisons privées, des prisons S.A.
Le propre chef de la police de Goering, Rudolf Diels, put pénétrer dans l’une de ces prisons. Diels n’était pas lui-même un enfant de chœur. Il n’en fut pas moins horrifié en découvrant dans les caves des marionnettes humaines, disloquées, ayant subi toutes les tortures qu’une imagination sadique puisse concevoir.
On était au plein de la toute-puissance des S.A. Mais Goering représentait, à Berlin, le pouvoir légal. Rudolf Diels fit évacuer ces malheureux, on les transporta dans un car. Même les agents de police se montrèrent bouleversés. Dans les camps S.A., l’une des distractions favorites de certains chefs était de faire grimper des prisonniers (le plus souvent choisis parmi les vieux et les infirmes) en haut de grands arbres. Là, ils devaient se tenir en équilibre sur une branche et imiter le cri des oiseaux.
Les S.A. n’étaient pas des jeunes filles. Quoique certains d’entre eux répondissent volontiers au nom de mademoiselle. C’était la mode, dans l’état-major S.A. Röhm était un homosexuel invétéré. Fatalement, il avait appelé auprès de lui d’autres homosexuels, tels que Ernst, von Spreti, Heines, et d’autres. Un réseau spécial avait été créé au sein des S.A. pour procurer de jeunes militants aux chefs supérieurs qui en exprimaient le désir.
Sur cet empire — c’en était un — planait la silhouette plus solide et plus redoutable que jamais du commandant supérieur Ernst Röhm. Redoutable, pourquoi? Parce que les S.A. soumettaient l’Allemagne à leurs pillages et à leurs exactions? Parce qu’ils n’acceptaient que leurs propres lois? Ce n’était pas là ce qui gênait Hitler.
Hitler lui-même ne s’était jamais préoccupé de la loi. Si de vieux libéraux et de vieux socialistes faisaient l’oiseau dans des arbres, cela n’inquiétait nullement Adolf Hitler. Bien sûr, au bout d’une dizaine d’heures, ces vieux socialistes ou ces vieux libéraux finissaient par tomber, et se fracasser la tête par exemple. Cela faisait un libéral ou un socialiste de moins. Voilà qui aurait plutôt fait plaisir à Hitler.

Aiguiser les longs couteaux

Aiguiser les longs couteaux

Ce qui gênait Hitler, c’étaient les déclarations de plus en plus intempestives de Röhm. Car on parlait beaucoup chez les S.A. On prononçait des discours en toute occasion. Et que disait Röhm ? Il disait que dans national-socialiste, il y a socialiste. Il disait qu’il ne fallait pas l’oublier. Socialisme, cela voulait dire nationalisations. C’était naguère le programme du Parti. Tel que le présentait, avec tant de fougue persuasive, Adolf Hitler.
Mais le vent avait tourné. Ce programme-là, le Führer l’avait mis en veilleuse. Il était lucide. Il savait que son électorat était beaucoup plus à droite qu’à gauche. Pour ses campagnes électorales, Hitler avait trouvé beaucoup d’argent auprès des magnats de la Ruhr. Après cela, était-il opportun de parler de nationalisations?
Il y avait aussi le vieux maréchal. Ce roc superbe qui semblait symboliser la fière Allemagne. Hindenburg voyait d’un très mauvais œil cette soi-disant armée, ces gens en uniforme qui singeaient les professionnels. Ce qu’on lui rapportait de leurs excès lui répugnait profondément. L’existence des S.A., à ses yeux, compromettait ce à quoi il était attaché avant tout : l’ordre.
Hitler en était venu à craindre que l’antipathie profonde du maréchal se transférât sur sa personne. Hitler, colosse aux pieds d’argile, avait besoin d’Hindenburg. Que l’appui du maréchal lui soit retiré, et le pouvoir lui échappait.
Or, Röhm continuait de pérorer. Il parlait d’une nouvelle révolution. D’après lui, la première révolution nationale-socialiste avait eu pour but de mettre Hitler au pouvoir. Maintenant que le pouvoir était conquis, il fallait réussir la seconde révolution, c’est-à-dire socialiser l’Allemagne.
Ce fut le temps où l’on répéta, chez les S.A., qu’il fallait aiguiser les longs couteaux. Origine d’une expression appelée à entrer dans l’histoire. Mais pas dans le sens que croyaient les S.A.

Tout tournait autour des S.A.

Roehm répétait aussi qu’il fallait dire leur fait aux salonnards galonnés qui commandaient la Reichswehr. Ne revendiquait-il pas aussi que les officiers S.A. soient assimilés aux officiers de la Reichswehr ? D’ailleurs, il fallait fondre l’a Reichswehr dans la S.A. Roehm déclarait qu’il était lui-même tout désigné pour commander cette nouvelle armée allemande.
Des paroles, encore, que Hitler ne pouvait accepter. La Reichswehr n’était pas très nombreuse. Mais elle était remarquablement commandée. Une élite de généraux choisis parmi les meilleurs de la guerre 14-18. Des officiers de grande qualité et des soldats admirablement entraînés. Hitler savait que cette Reichswehr valait plus à elle seule que les trois millions de braillards de la S.A.
Le dessein final inscrit dans Mein Kampf était la guerre, cette guerre qui donnerait à l’Allemagne son espace vital. Hitler, pour faire la guerre, avait besoin de l’armée. Au début de 1934, la Reichswehr ne s’était pas encore prononcée pour Hitler. Ses chefs étaient dans l’expectative. Ils haïssaient cordialement les S.A. Hitler était-il oui ou non l’homme des S.A.? Décidément, dans l’Allemagne de 1934, tout tournait autour des S.A.

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