Pendant la première phase de la bataille, du 9 au 12 septembre, trois divisions de l’armée de Poznan démantelèrent la 30eme division d’infanterie allemande, qui couvrait la Bzura sur un large front, et repoussèrent trois divisions de la VIIIe armée avant l’arrivée des renforts de la Xe armée.
Nulle part les Français n’étaient prêts a attaquer; le général Kutrzeba l’était. Il commandait la meilleure armée polonaise, et la plus importante numériquement, celle-là même qu’une stratégie aberrante avait déployée autour de Poznan, dans la région la plus occidentale du pays. Il avait été contraint a se replier vers l’est pour se soustraire a l’avance éclair des Allemands, qui menaçaient de le couper de Varsovie. C’est alors qu’il se rendit compte que le moment était propice pour réagir.
Le général Rundstedt, qui commandait l’aile sud des forces allemandes, avait effectué une avance si rapide qu’il manquait d’effectifs pour garder son flanc gauche. Il avait réclamé des renforts de cavalerie pour pouvoir poursuivre les Polonais dans cette région boisée, mais l’armée allemande était à court de troupes montées. Aussi le général Kutrzeba obtint-il un effet de surprise lorsque, le 10 septembre, il se rua vers le sud et franchit la Bzura, infligeant de lourdes pertes a l’unique division ennemie qui était accrochée à la rive est du fleuve. Le quartier général allemand vécut un moment de panique, et l’on peut dire que si les armées polonaises avaient été capables d’agir de concert elles auraient créé de sérieuses difficultés a l’envahisseur. Malheureusement, elles étaient isolées, sans communications entre elles, alors que les Allemands, qui avaient la maîtrise de l’air et Jouissaient d’une plus grande mobilité, pouvaient rapidement amener des renforts pour colmater les brèches ouvertes par les Polonais. En moins de deux jours l’armée Kutrzeba fut prise dans l’étau d’attaques convergentes. Une infime partie de ses effectifs réussit péniblement a gagner Varsovie, mais le reste dut capituler le 17 septembre.
Le général Anders entra dans Varsovie le 11 septembre. Il trouva une capitale en partie détruite par les bombardements, bondée de réfugiés et à peu prés démunie de tout. La population brûlait d’ardeur patriotique. Décidée à se battre contre les Allemands jusqu’au dernier souffle, elle était malheureusement dans l’incapacité totale de s’organiser pour mener le combat. Le gouvernement avait quitté Varsovie le 4 septembre, le haut commandement en avait fait autant le 7. C’était le début d’une odyssée qui, deux semaines plus tard, allait conduire les plus hautes autorités civiles et militaires à franchir la frontière pour s’installer dans le pays voisin, la Roumanie, alors en bons termes avec la Pologne mais qui deviendrait par la suite l’alliée de l’Allemagne.
Les dirigeants étaient partis en laissant la consigne de combattre jusqu’à l’extrême limite, ce qui manifestement n’irait pas au-delà de quelques jours. Des haut-parleurs diffusaient de la musique militaire et donnaient des instructions contradictoires. Tantôt les hommes en état de porter les armes recevaient l’ordre de rester a Varsovie, tantôt tout le monde sans exception devait évacuer la ville. Tandis que les bombes et les obus allemands tombaient sur la capitale, allumant des incendies impossibles à maîtriser, il circulait de ces bruits insensés qui naissent en temps de guerre. On assurait que les Français avaient franchi en masse le Rhin et fonçaient sur Berlin et que le général Kutrzeba avait mis les Allemands en déroute à l’ouest de Varsovie.
Ses troupes encerclées ou en débandade, ses grandes villes conquises ou assiégées, ses approvisionnements à peu près épuisés, la Pologne, qui n’apercevait aucune lueur d’espoir du côté de ses alliés, se trouvait dans une situation des plus critiques. Une seule possibilité lui restait de pouvoir continuer le combat dégager le maximum possible de troupes et les concentrer dans l’angle sud-est du pays, a proximité de la frontière de Roumanie, la nation amie par laquelle elle pourrait encore communiquer avec le monde extérieur. Avec de la chance, les Polonais échapperaient ainsi a leurs poursuivants. A mesure que les unités allemandes s’approchaient des provinces sud-orientales de la Pologne, leurs lignes de ravitaillement s’allongeaient dangereusement. Les hommes du Reich avaient besoin de repos et les véhicules commentaient a se ressentir du mauvais état des routes polonaises. En outre, les pluies pouvaient survenir d’un jour a l’autre.
Cette faible lueur d’espoir s’éteignit le 17 septembre…