Au lendemain de l’accession de Ceausescu au poste de secrétaire général du Parti communiste roumain, en mars 1965, le couple décide d’une stratégie politique ambitieuse. Leur pouvoir doit rayonner à tous les niveaux de la société. Ils ont pour cela un plan, une partition qui se joue à quatre mains.
Chacun aura son domaine dont il devra se rendre maître : Nicolae veut faire exister la Roumanie sur l’échiquier diplomatique international, Elena veut conquérir une crédibilité intellectuelle.
Un détail croustillant
Une plainte, déposée par deux camarades communistes qui avaient habité le même appartement que les Ceausescu, fait état de méthodes que le couple mettra à exécution à grande échelle lorsqu’il sera au pouvoir en 1965 : accusations sans fondement, pratique
du mensonge, etc.
Eufrosina Iordache et Alexandrina Horea partageaient avec les époux Ceausescu un appartement de trois pièces, une cuisine et une salle de bains. Un jour, Nicolae Ceausescu accusa les deux femmes d’avoir couché dans son lit, pendant son absence, avec deux autres hommes. Malgré leurs protestations, il leur demanda de déménager.
A une autre occasion, les époux Ceausescu leur ont bloqué l’accès à la chambre qui donnait à
la salle de bains et à la cuisine. Plus loin, le rapport mentionne qu’Elena Ceausescu est entrée dans la chambre des femmes, à 4 heures du matin, en leur demandant de partir car elle devait “faire le ménage”. Pour Eufrosina et Alexandrina, “Lenuta” (diminutif d’Elena) avait le comportement d’une “patronne”. “Les véritables propriétaires de l’appartement se seraient montrés beaucoup plus compréhensifs que ces deux camarades”, concluent les deux femmes.
Pendant cinquante ans, Elena et Nicolae vont s’aimer à la folie. La folie du pouvoir, de la démesure et du crime. Au lendemain de l’ accession cle Ceausescu au poste de Secrétaire général du Parti communiste roumain en mars 1965, le couple décide d’une stratégie à quatre mains pour renforcer son emprise sur la Roumanie, tout en affichant son autonomie vis-à-vis de l’URSS. Nicolae s’occupera de la politique internationale, tandis qu’Elena supervisera les affaires intérieures. Ensemble, ils apprennent à organiser leur dictature. Elena, ancienne ouvrière provinciale délurée sur laquelle ont couru des rumeurs de prostitution, se rachète une virginité physique et intellectuelle.
La femme du génie des Carpates se fait décerner, à partir de 1967, divers titres fumeux et diplômes fictifs destinés à justifier son autorité sur la recherche scientifique et l’équipement industriel de pointe du pays. En 1975, elle prétend avoir soutenu une thèse sur les polymères (validée par un professeur complaisant) et devient aussitôt miinistre de la Culture et de l’Education.
Mais il lui faut plus. Elena s’arroge une toute-puissance divine, avec droit de vie et de mort sur autrui. Elle utilise les agents de la Securitate pour surveiller et faire assassiner ceux qui ont le malheur de lui déplaire: un soupirant de sa fille, des femmes cle ministre trop belles, un médecin soucieux de sa santé mentale …
Elena est proclamée « mère du peuple » par son président à vie de mari, qui lui passe tous ses caprices. Son voeu le plus cher est d’obtenir un prix Nobel ! Elle propose donc au jury de Stockholm une nouvelle thérapie anticancéreuse à base … d’extrait d’ail !
Pendant ce temps, elle et son mari mettent en place une politique nataliste extrême, après avoir interdit la contraception et l’avortement. Les orphelinats regorgent d’enfants malades et maltraités.
Juin 1975, golfe d’Aqaba, sur la mer Rouge. Le couple Ceausescu est l’hôte du roi Hussein de Jordanie, qui les loge dans sa résidence de vacances. C’est la première fois qu’Elena monte sur un yacht. Ce luxe flottant lui sied parfaitement. Lors d’une promenade sur la plage, après le dîner, elle commence à sangloter : Je veux ce yacht. […] Je ne partirai pas sans lui… Nicolae trouve l’idée séduisante. Pourquoi ne pas posséder son propre yacht sur la mer Noire ? Quel grand pays communiste serait la Roumanie si elle ne pouvait offrir à son leader une babiole de ce genre ? Il confie immédiatement une mission de la plus haute importance à son interprète : convaincre le roi Hussein de leur céder son bateau. Le lendemain, le couple reçoit un coup de fil d’un roi visiblement embarrassé par l’insistance d’Elena : « Vous devez comprendre que ce yacht est un cadeau que j’ai personnellement fait à Alya [sa fille, princesse de Jordanie]. » Un silence s’installe. La rupture diplomatique est proche. Une conciliation est trouvée : « Mais je vais immédiatement ordonner qu’on en fasse venir un des Etats-Unis. Je propose de le nommer Amitié.»
Cela fait maintenant dix ans que son mari occupe la place de numéro un du parti communiste. Les vœux d’Elena sont désormais systématiquement comblés. Même les plus déraisonnables : « Regardons les choses en face, pouvait-elle déclarer avec assurance. Aujourd’hui, la Roumanie est plus connue à l’Ouest que la tour Eiffel, et plus respectée que la reine d’Angleterre. Et tout ça, c’est grâce au Camarade et à moi. »
Lors des voyages diplomatiques du couple, leurs hôtes font tout pour satisfaire sa soif de cadeaux. Elena veut agrandir sa garde-robe ? Les enfants ont besoin d’une nouvelle voiture de sport ? Rien de plus simple, il suffit de solliciter les chancelleries française ou allemande. Car Elena s’est donné des règles de vie strictes : on ne s’habille que français, et l’on ne conduit qu’allemand.
Souviens-toi des Allemands, dit-elle un jour à son mari devant le général Ion Pacepa, alors conseiller personnel de Ceausescu et responsable de la Securitate, il t’a suffi de lâcher le mot voiture dans une allusion, et tout le monde nous donna des voitures. Combien on en a eu déjà ? La limousine Mercedes 600 pour le Camarade, la 450 […], un coupé pour Zoia [la fille du couple], et deux Audi pour Nicu. Et un mobil-home de presque 10 mètres pour servir de bureau roulant au Camarade.»