Mussolini marque une volonté précoce de lire et d’écrire ! Mais cette attirance pour la culture se double d’une fascination pour la brutalité, qu’il s’agisse de donner des coups ou d’en recevoir.
À 9 ans, le voici pensionnaire chez les frères salésiens, dont il ne supporte pas la discipline: est-ce pour qu’on le renvoie chez ses parents qu’il poignarde un de ses camarades ?
En lui attribuant pour prénoms Benito, Amilcare et Andrea, le forgeron de ce village d’Émilie-Romagne voulait placer son fils dans une obédience politique … radicale.
Benito Juarez était un péon mexicain devenu président de son pays; Amilcare Cipriani avait baroudé comme compagnon de Garibaldi et de communards parisiens de 1871 ; et Andrea Costa était le fondateur d’un parti, dont l’argument politique majeur était la démonstration de force et la violence. Lui-même socialiste, pour convaincre, le forgeron usait d’a bord de ses poings, et ensuite seulement de la parole. Que pareil personnage ait épousé une institutrice originaire de la petite bourgeoisie (son père est vétérinaire) reste donc un mystère, mais les faits sont là.
L’espiègle Benito Mussolini et son petit frère Arnaldo dorment dans la cuisine qui est aussi la resserre à bois, alors que les parents couchent dans la pièce qui devient salle commune dans la journée. Les deux enfants jouent dans celle-ci. Depuis l’âge de trois ans, le jeune Benito aide son père à manœuvrer le soufflet de la forge. Le menu le plus habituel chez les Mussolini est la soupe, du pain, un peu de légumes. La viande est servie seulement les jours de fête. Benito est un enfant assez difficile. Il est querelleur, désobéissant, capricieux et volontaire. Mais il est également capable d’éprouver et de susciter de profonds sentiments d’affection. Il apprend l’alphabet sur les genoux de sa mère. Il sait bientôt lire et écrire. Solitaire, il aime bien s’échapper et se promener dans la forêt. Il écoute le chant des oiseaux et scrute la nuit étoilée en compagnie de son grand-père. Un jour, le petit Benito a volé des œufs dans le panier d’un paysan. Il a dû se livrer à une course effrénée dans la colline pour ne pas être pris. Il a traversé une rivière à gué, sans se retourner, le précieux butin entre ses mains. Déjà se manifeste un trait de son caractère : la ténacité. Lancé, comme un petit sauvageon, dans la campagne, il est peu souvent chez lui. Il a l’orgueil des êtres primitifs. A quatre ans, la pauvreté est pour lui une humiliation. Il passe des heures entières devant le magasin du photographe local, le nez collé contre la vitrine, bouche bée, tout absorbé par la vue des images. Car il rêve d’être célèbre.
Rosa Mussolini est enfin parvenue à faire admettre à son mari, connu pour son anticléricalisme viscéral, que Benito se rende à la messe du village avec elle. Benito a été assez troublé par la pompe romaine, les chants liturgiques, l’odeur délicate de l’encens. Cette simple impression physique n’a rien de mystique. La discipline de l’Eglise lui pèse et il reste toujours rebelle à toute règle. Mais sa mère espère que la religion le rendra moins sauvage.
Le jeune Benito Mussolini fait sa première communion dans l’église de l’institut salésien de Faenza. Mais cet événement ne le transforme pas. Il reste d’une sauvagerie féroce et n’a qu’un seul ami, un garçon de son âge que l’on surnomme « Pierre le Menteur ». Son compagnon a une tête si dure que Benito s’amuse à briser sur elle des briques. Voulant punir Mussolini, un salésien a reçu un gros encrier en plein visage et un médecin a dû le soigner.
Benito reste un enfant intraitable. Il termine sa première année scolaire en blessant avec un long couteau un garçon beaucoup plus âgé que lui. C’est le renvoi. Mais, à la suite de l’intervention de l’évêque de Forli et à la demande suppliante de Rosa Mussolini, le principal du collège accepte de revenir sur sa décision, à condition que l’enfant soit moins violent. Les enseignants estiment qu’il a les capacités de faire des études supérieures. Mais, par son refus de se plier à la discipline, il gâche inutilement ses possibilités. Un père salésien tente de le rendre plus sociable, mais Benito n’a que faire des conseils. C’est un révolté.
Benito, de retour chez lui pour les vacances, s’initie à l’amour charnel dans une maison close de Forli. Il en sort la tête basse et vacillant comme un homme ivre. Cela ne lui a pas coûté beaucoup d’argent. La révélation brutale de la jouissance sexuelle l’a profondément troublé. La femme nue est entrée dans sa vie, dans ses rêves, dans ses désirs. Il déshabille des yeux les jeunes filles qu’il croise dans la rue. Il observe longuement les poitrines des belles paysannes et voudrait relever leur jupe pour admirer leurs jambes. Il est à la recherche d’une compagne, dont il pourra abuser sauvagement. La lecture des œuvres érotiques de Gabriele D’Annunzio enflamme ses désirs. Son père, coureur de jupons, l’encourage à bien profiter de la vie.