Rien, vraiment rien ne destinait Francisco Franco à devenir un jour le maître tout-puissant de l’Espagne. Il était né au Ferrol, en Galice, à l’extrême pointe ouest de la péninsule Ibérique, le 4 décembre 1892 et le moins que l’on puisse dire est que personne n’avait décelé en lui un être d’exception.
Lorsqu’il vient au monde à El Ferrol, le grand port de guerre espagnol, le petit Francisco a son avenir tout tracé: comme sept générations de Franco avant lui, il sera officier de marine. Très vite pourtant, il apparaît que pour faire une belle carrière, le futur marin devra pallier les faiblesses que la nature lui a imposées: un gabarit physique sensiblement inférieur à la moyenne et une voix de fillette, qui lui valent de se faire appeler« Paquito »par ses frères et soeur.
À la même époque, le pays vit une triste époque avec cette guerre qui, aux Cararaïbes, l’oppose aux colonies espagnoles des Amériques et se conclut par une humiliante défaite. En 1898, l’Espagne perd Cuba, Porto Rico, Guam et les Philippines. Durant toute son enfance, Francisco entend donc en continu un discours dont le thème récurrent est l’indispensable redressement de la nation ibérique.
Malheureusement pour lui, ce n’est pas dans la Marine qu’il y contribuera. Car en 1907, l’année même où il doit y faire son entrée, l’École de préparation navale d’El Ferrol ferme: depuis la guerre désastreuse hispano-américaine, la Marine espagnole est quasiment inexistante. Elle n’a plus besoin de former des officiers. Il ne reste à Paquito que la possibilité d’entrer à l’Académie d’infanterie de Tolède.
Franco y entre en 1907, à l’âge de 15 ans, et le choc est rude. Vivre à Tolède lorsqu’on a toujours connu la complicité de l’océan … Embrasser une carrière terrestre alors qu’on est fait pour le grand large … Et aussi, se trouver avec des élèves plus âgés que lui, et tellement plus grands, plus forts!
Mais Paquito fait face. En 1910 lorsqu’il sort de l’Académie, le classement de Franco est médiocre: 251e sur 312. Mais il n’a que 18 ans quand tous les autres en ont 20 ou 21. Et surtout, son complexe, né d’une petite taille et d’une voix de fausset, a généré chez lui une tendance aux comportements des plus autoritaires, pour peu qu’il en possède les moyens.
Or avec ses galons tout neufs, il les tient ! Le jour où son ordre d’affectation au 8e régiment d’Afrique lui arrive, sa vie bascule. Au commandement de troupes indigènes, Paquito
en impose aux Maures eux-mêmes, et il acquiert auprès d’eux la réputation d’un chef de guerre invulnérable en même temps que le très respectueux surnom de Caudillo. Au terme de la Guerre civile espagnole, en 1939, ce surnom deviendra son titre officiel lorsque Francisco Franco dirigera l’Espagne d’une main de fer, jusqu’à son décès en 1975.