Staline proclame l’état d’urgence et reste à Moscou
Quand l’attaque du groupe Mitte se déclenche, la surprise est totale. Les fortifications que les Russes ont construites, la terre qu’ils ont remuée, les divisions qu’ils ont reconstituées, tout est inutile.
Une fois de plus, l’armée soviétique s’effondre par pans entiers devant l’assaut de la Wehrmacht.
Brusquement, la panique empoigne Moscou. La chute d’Orel et de Viasma rend concrète l’approche de l’invasion. La censure étouffe les nouvelles, mais les rumeurs courant la capitale peignent la situation sous les couleurs les plus sombres.
Le 15 octobre, rien ne peut dissimuler aux Moscovites que le corps diplomatique et le gouvernement quittent leur ville. Un train bondé emmène les ambassadeurs vers une destination inconnue. Un autre train emmène les ministres, les hauts fonctionnaires et le Corps de ballet du Bolchoi.
Les vivres sont rares, les arrêts en pleine voie ‘pour laisser passer les trains de troupes durent des heures, et c’est une horde affamée qui, après cinq jours de voyage, débarque à Kouibytchev, sur la Volga, à 900 km de Moscou. Dans le train gouvernemental, une seule figure manque : Staline. Il est resté au Kremlin — mais on ne sait pas, encore aujourd’hui si ce fut avec l’intention de s’ensevelir dans ses ruines ou s’il comptait rejoindre la capitale provisoire au dernier moment.
Le détail de ce qui s’est passé alors à Moscou est également. incertain. Suivant l’histoire officielle, le parti communiste prit la défense en main, galvanisa les masses, enrégimenta les travailleurs, s’identifia au grand sursaut patriotique de la capitale et de la nation.
Suivant d’autres sources, le parti communiste se décomposa, les dignitaires prenant la fuite et le çommun des adhérents se terrant. Des désordres éclatèrent, des magasins furent pillés et des policiers assassinés. Ceux qui ressaisirent la ville furent les militaires.
Remplaçant Timochenko, que Staline envoie commander dans le Sud, Georges Joukov, arrivant de Sibérie, prend la direction du front central. Il décrète l’état de siège, réprime les désordres, fait fusiller les soldats débandés qui apparaissent dans les faubourgs.
Pendant ce temps, la population civile est mise à contribution : 12 000 hommes sont recrutés dans des bataillons ou compagnies de destruction, tandis que des centaines de milliers d’hommes et de femmes sont enrolés pour édifier des défenses, creuser des fossés antichars, etc. aux abords de la ville ou dans la cité elle-même. Enfin, 100 000 Moscovites sont appelés sous les drapeaux : ils reçoivent une formation théorique ultra-rapide de 110 heures. L’accoutumance au feu leur est donnée en les poussant en avant de mitrailleuses qui tirent à balles réelles au-dessus de leurs têtes.
La valeur militaire de ces volontaires est donc plutôt faible, d’autant que les armes manquent. Ainsi, un bataillon monte en ligne avec 675 hommes armés de 259 fusils, 145 pistolets, 120 grenades (allemandes), 9 mitrailleuses et 2 000 cocktails Molotov.