Cette phase est peut-être celle qui sera la plus décisive pour le Fighter Command. En consacrant tous ses efforts contre la RAF dans le Sud de l’Angleterre, à l’exclusion de tout autre objectif, la Luftwaffe pourrait atteindre son objectif principal.
Göring tança ses pilotes fatigués. Les plus hardis, comme Galland, se défendirent. Ils étaient profondément choqués par ses reproches, et furent piqués au vif lorsque Goering osa traiter certains d’entre eux de «lâches». Mais cette dureté produisit son effet. Ses remontrances suscitèrent chez ses hommes une sorte de rage qui dissipa leur lassitude, et leur combativité se trouva encore renforcée lorsque le Maréchal du Reich leur exposa l’action qu’il fallait maintenant entreprendre contre l’ennemi.
L’opération commencerait dans trois jours exactement, le 24 août, et l’objectif serait, ni plus ni moins, l’élimination totale de la puissance aérienne anglaise. Le temps des simples combats au-dessus de la Manche était révolu. La phase n° 2 du plan grandiose de la Luftwaffe allait débuter. Des formations massives de bombardiers fortement escortés par des chasseurs détruiraient non seulement les installations au sol de la R.A.F. mais aussi ses dépôts de carburant, ses usines et ses ateliers de pièces de rechange. L’attaque sur ces objectifs aurait lieu sans désemparer, ce qui obligerait ces maudits chasseurs insaisissables à sortir de leur repaire. Cette mission fut résumée par le Maréchal du Reich par la directive suivante: «Il convient d’obliger l’ennemi à se servir de ses chasseurs, sans relâche».
Avant de rentrer en Allemagne, Goering se rendit au cap Gris-Nez, dans un poste d’observation avancé qui dominait la Manche. Il contempla longuement, avec de puissantes jumelles, les falaises de Douvres. Il apercevait les tours de la station radar du port, mais il n’en fit pas mention. D’après un membre de son entourage, on eût dit «qu’il essayait de lire par-delà ces falaises blanches, dans la pensée de ses adversaires».
Pour Dowding, le tableau s’assombrissait sans espoir d’éclaircie. Les dégâts infligés par les Allemands aux usines aéronautiques ralentissaient non seulement les fabrications mais aussi la remise en état des appareils endommagés. La production ne compensait plus les pertes. C’étaient toutefois les vides dans les rangs des pilotes qui inquiétaient le plus Dowding. Il craignait, en outre, que les survivants, déjà aux limites de l’épuisement ne perdent rapidement leur efficacité et leur cohésion au combat.
Dowding était profondément croyant. Il n’avait jamais douté un seul instant que Dieu ne fût du côté des Anglais. Il n’en reste pas moins que l’Air Chief Marshal souhaitait, à ce stade, recevoir un encouragement du Tout-Puissant. « Ce qu’il nous faudrait maintenant, avouait-il, c’est un miracle. »
Il ne savait pas que ce miracle, il l’avait déjà obtenu sous la forme d’une erreur de navigation commise de nuit par deux pilotes de la Luftwaffe. Cette faute allait contribuer, dans une large mesure, à changer le cours de la bataille d’Angleterre.