Le jour de l'aigle et la bataille d'Angleterre

Le mauvais temps a obligé de postposer le jour de l’Aigle jusqu’au 13 août et, même ce jour-là, ce n’est pas avant l’après-midi que la Luftwaffe apparaît en force pour entamer l’offensive soutenue contre les forces aériennes et les installations au sol de la RAF.

Le jour de l'aigle est arrivé pendant la bataille d'Angleterre

Ce 12 août, à 17 heures précises, les téléscripteurs crépitent dans les salles d’opérations des unités de la Luftwaffe. Par ordre du chef suprême de la Luftwaffe, « l’Adlertag » est fixé au lendemain 13 août à 07h30.
Le jour de l’aigle, c’est le nom de code donné à l’opération décisive contre l’Angleterre. Tout ce qui peut voler décollera avec pour mission d’anéantir la RAF et, en particulier, ses chasseurs, soit en combat direct, soit sur ses aérodromes. Le deuxième jour, les attaques viseront la région de Londres et elles redoubleront d’intensité le troisième jour.
La maîtrise du ciel dans le sud de l’Angleterre est donc l’enjeu principal du « jour de l’aigle ». Une fois encore, les Allemands vont céder au mirage du « coup décisif », comme ils l’ont fait à Varsovie, à Rotterdam, lors de l’opération « Paula », comme ils le referont lors de « Barbarossa ».
Ce que n’a pas encore compris la Luftwaffe, c’est que la supériorité aérienne ne s’acquiert pas une fois pour toutes, elle reste une bataille de chaque jour et nécessite de la constance dans l’effort et une stratégie bien définie. Or, ce sont deux points sur lesquels la Luftwaffe va cruellement pécher en cét été de 1940.

Le matin du jour de l'aigle du 13 août 1940

Pilote allemand pendant le jour de l'aigle en 1940

Cette fois on respecta la date, mais de justesse. Comme l’avaient prévu les météorologistes de la Luftwaffe, la matinée fut orageuse. Goering décida immédiatement, de remettre les opérations à l’après-midi, le ciel devant s’éclaircir, selon les prévisions. Mais les ordres du Maréchal arrivèrent trop tard pour empêcher le décollage de 74 bombardiers Dornier escortés de 50 Me-110, qui se dirigeaient déjà vers les aérodromes et les installations de la R.A.F., dans le Kent.
De toute urgence, le maréchal Kesselring rappela ses avions par radio. Les Messerschmitt firent rapidement demi-tour. Quant aux Dornier, ils étaient placés sous le commandement du colonel Fink en personne. Le commandant de la bataille de la Manche avait attendu ce jour avec impatience. Il décida donc de poursuivre l’opération, comptant sur les nuages pour lui assurer la protection qu’il venait de perdre avec le rappel de son escorte de chasseurs. La chance était de son côté. Une équipe d’opérateurs radar de la R.A.F. fit une erreur de calcul et communiqua au Fighter Command un renseignement inexact sur le nombre de bombardiers qui approchaient, de sorte que les chasseurs décollèrent en nombre insuffisant pour aller à la rencontre d’une force de bombardement considérable. Finalement, les Dornier passèrent au travers et lancèrent leurs bombes sur l’aérodrome de Eastchurch.. Au cours des combats qui suivirent, Fink ne perdit que quatre appareils et en eut quatre autres endommagés.
Les pilotes qui rentrèrent en France affirmèrent avoir mis hors service une base de la R.A.F. et détruit 10 Spitfire au sol. En réalité, Eastchurch n’avait que des chasseurs de seconde ligne et des bombardiers légers; aussi fut-elle remise en service dix heures plus tard.

La véritable offensive du jour de l'aigle commence

La véritable offensive du jour de l'aigle commence

La véritable offensive du «Jour de l’Aigle» commença à 15 h. 45 par une attaque de bombardiers, escortés de chasseurs, sur des objectifs situés dans le Sud de l’Angleterre, de Southampton à l’estuaire de la Tamise, sur 250 kilomètres. Les Allemands lancèrent 150 bombardiers, escortés de Me-109, contre Southampton, le grand port de la Manche. Quatre groupes de chasse de la R.A.F. vinrent à leur rencontre.

La force de bombardement comprenait des Stuka et des bimoteurs Junkers-88. Ces derniers figuraient au nombre des bombardiers moyens les plus rapides et les plus modernes de la Luftwaffe. Seuls les chasseurs Bleinheim, modèles dérivés des bombardiers Bleinheim-Mark-IV, surveillaient les Junkers en direction de Southampton. Habituellement utilisés pour le combat de nuit, ces appareils étaient les pionniers du radar de bord mais, d’une vitesse inférieure de 16 kilomètres à l’heure à celle des Junkers-88 à pleine charge, ils ne se révélaient pas suffisamment rapides pour le combat de jour. Les Junkers prirent les Bleinheim à partie, en endommagèrent plusieurs et, s’étant ainsi frayé un chemin, allèrent bombarder le port, détruisant et incendiant une importante superficie de bassins et d’entrepôts.
Les Stuka eurent moins de chance. Ils se heurtèrent aux Spitfire; 13 Spitfire volant à haute altitude dans le ciel au-dessus de la Manche plongèrent sur l’escorte de Me-109, descendant l’un d’eux au passage, puis s’acharnèrent sur un groupe de 40 Stuka. Les Spitfire étaient avantagés par le soleil, aussi les Stuka n’eurent-ils aucune chance: la R.A.F. abattit 9 d’entre eux, en endommagea plusieurs et contraignit les autres à larguer leurs bombes et à se disperser. Ce massacre fut l’oeuvre du 609 Group de la R.A.F..
Les Allemands n’étaient pas en reste de vantardise. Bien que le «Jour de l’Aigle» n’eût commencé qu’au milieu de l’après-midi, ils n’en avaient cependant pas moins effectué 1 485 sorties contre 700 à la R.A.F. En rentrant à leurs bases respectives, les équipages de la Luftwaffe se targuèrent d’avoir attaqué avec succès six aérodromes, détruit au sol des dizaines d’avions, anéanti plusieurs petites usines et paralysé le port de Southampton.
Goering se réjouissait du nombre d’appareils que ses hommes prétendaient avoir abattus. Cette nuit-là, le haut commandement allemand annonça dans son communiqué que la Luftwaffe pouvait s’enorgueillir de la destruction de 88 chasseurs anglais, 70 Spitfire et Hurricane et 18 Bleinheim. La Luftwaffe déplorait seulement la perte de 12 appareils. Le Reich, au comble de la joie, donna l’ordre de servir le champagne dans tous les mess de pilotes de la zone de combat. Les services de renseignements péchant par excès d’optimisme, le Maréchal ignorait les pertes réelles du «Jour de l’Aigle», évaluées à 13 chasseurs pour la R.A.F. contre 23 bombardiers et 11 chasseurs pour la Luftwaffe (les pertes selon les sources sont différentes). Chiffres sérieux pour les deux camps, certes! Mais la R.A.F. bénéficiait d’un avantage important: la Luftwaffe avait mal calculé l’équilibre de ses profits et pertes.
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