Saint-Just était un super représentant du peuple

Saint Just, l’Archange de la Terreur, super représentant en mission. Aucun élan du coeur, un redoutable théoricien.

Saint-Just est le meilleur représentant du peuple de la Convention

Quand les circonstances l’exigeaient, la Convention envoyait en mission le meilleur d’elle-même, des super-représentants qui n’étaient plus munis seulement de pouvoirs illimités, mais de pouvoirs extraordinaires. C’est ainsi qu’à la fin de 1793 arrivaient à Strasbourg menacée par les Austro-Prussiens, Saint-Just, grand espoir du Comité de salut public, et son adjoint Philippe Le Bas, membre du Comité de sûreté générale et intime ami de Robespierre.
Prenant la route des Vosges par Saint-Dié, ils relayèrent à Sélestat, et pour ne pas perdre de temps en attendant leurs chevaux, convoquèrent le maire. Celui-ci accourut et vit deux jeunes gens qui s’amusaient en riant aux éclats à renverser une charrette de foin. Le plus grand se retourna. Il avait un beau visage aux traits fins et nobles, mis en valeur par une cravate d’une surprenante élégance. Tout à coup, il cessa de rire, ses épais sourcils se rejoignirent jusqu’à former un seul trait sévère.

Saint-Just était le représentant en mission idéal

Il entendait appliquer à la lettre le schéma du représentant en mission idéal tel qu’il l’avait brossé dans son rapport du 10 octobre à la Convention : le représentant est l’ami et le père du soldat, il partage ses combats et ses misères, à son service nuit et jour, il mange frugalement et jamais à la table des officiers, et dort peu, car « ceux qui font des révolutions dans le monde ne doivent dormir que dans le tombeau ; ses moeurs doivent bien entendu être irréprochables et son intégrité absolue. En somme, conclut-il, c’est Annibal, mais avant son arrivée à Capoue.
En conséquence on le vit partout à la fois, inspectant du même train accéléré, infatigable, casernes, municipalités, hôpitaux, blême comme l’étaient tous les membres du Comité de salut public perpétuellement privés de sommeil.
En vingt jours les deux Conventionnels avaient déjà pris près de trois cents arrêtés qui, assuraient leurs thuriféraires, seraient un monument dans l’histoire de la Révolution. Esquisse de Bonaparte, Saint-Just en dictait plusieurs à la fois et son secrétaire avait à peine le temps de les traduire en allemand et de les porter à l’imprimerie qui livrait les redoutables affiches encore humides.
Charles Nodier, alors enfant d’une douzaine d’années, assista un jour à l’une de ses séances de travail, et il s’épouvantait de ces arrêtés « à cause de la redondance assidue de ce mot cruel, la mort, qui les armait tous à la fin, comme le dard d’un scorpion produisant sur moi l’effet de quelque horrible bout rimé ».
La mort pour le prévaricateur, le fournisseur malhonnête, pour les soldats eux-mêmes, s’ils regimbaient, puisque leur destin, désormais, c’était « la victoire ou la mort ».

Saint-Just, l'Archange de la Terreur

Il ne promettait pas l’opulence d’un Eldorado à conquérir, comme le futur empereur, mais la justice, égale pour tous.
Il importe à l’armée qu’au moins un général soit fusillé, annonçait-il avant de se mettre en route et effectivement, dix jours à peine après son arrivée, un général était fusillé devant le front des troupes.
Dès lors une discipline de fer s’abattit sur les camps.
Il fut interdit de s’enivrer, de piller, et surtout de s’absenter, même pour se rendre aux séances des clubs locaux, tout vagabondage étant prétexte à désertion.
Pour prix de cette soumission, les soldats furent nourris, vêtus, soignés et convenablement armés. Et ils eurent enfin la certitude qu’ils n’iraient plus inutilement au feu.
L’archange de la Terreur aurait-il donc été un philanthrope? Pourtant il ne fut jamais l’idole des régiments, comme l’ardent Soubrany. On ne l’applaudissait pas comme le courageux petit Levasseur. Il inspirait seulement une peur respectueuse. C’est que sa bienveillance ne venait d’aucun élan du coeur, mais seulement d’une rigueur théoricienne développée jusqu’à ses plus extrêmes conséquences.
Son nom fut longtemps, et particulièrement en Alsace, synonyme de monstre, un monstre peigné, puisqu’il était si coquet. Et pourtant la Terreur qui écrasa cette province au point de provoquer l’exode de plus de vingt mille cultivateurs, fut plus le fait de ses successeurs que de lui-même.
Ce n’est pas lui qui incendia les villes du Palatinat comme Hentz, ou qui dansa autour de l’échafaud comme Borie. Mais sa faute fut précisément d’avoir eu de trop bons élèves.
Pour lui la Terreur était juste, parce qu’indispensable à la victoire. Après son passage, elle reste juste, même lorsqu’elle ne fut plus utile, et les émules de Saint-Just ne furent plus que des caricatures.
Il était célèbre pour la beauté laconique de son style. Ses émules voulaient punir les bavards parce qu’ ils mettaient des longueurs à la Révolution. Saint Just avait déchaussé, au profit des combattants nu-pieds, les aristocrates de Strasbourg, ses émules réquisitionnèrent jusqu’aux batteries de cuisine. Il voulait, par une francisation accélérée, rallier les Alsaciens de langue allemande, les émules parlèrent de déporter la moitié de la ville pour la remplacer par des colonies venues de l’intérieur.

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