Hitler commit une lourde erreur en faisant assassiner le chancelier Dollfuss à Vienne, le 25 juillet 1934. Dollfuss mourut de ses blessures vers six heures du soir, mais le putsch nazi échoua, en grande partie à cause de la maladresse des conspirateurs qui s’étaient emparés de la Chancellerie.
Dollfuss, le chancelier autrichien, représentait l’obstacle principal à l’Anschluss. Comme il était de petite taille ( 1,50 m), les loustics de Vienne l’appelaient «Millimetternich», la réplique miniature du prince Metternich, son illustre prédécesseur en diplomatie du XIXe siècle. Mais Dollfuss faisait preuve d’une volonté démesurée par rapport à sa taille. Il avait étouffé l’effervescence politique du pays en interdisant les partis nazi et socialiste, et en établissant un régime autoritaire. Il prenait l’Italie pour modèle, et Mussolini était non seulement son guide mais aussi son protecteur attitré.
Rejetés dans la clandestinité, les nazis autrichiens recoururent au terrorisme. En juillet 1934, une bombe détruisit une centrale électrique, paralysant les transports de Vienne. Le chancelier répondit par un ultimatum. Tout nazi trouvé en possession d’explosifs serait condamné à mort.
Quelques jours plus tard, alors que le chancelier était en réunion avec son cabinet, une dizaine d’hommes firent irruption, pistolet au poing. Vêtus d’uniformes de l’armée et de la police autrichiennes, ils avaient déjoué la surveillance des sentinelles à l’entrée de la chancellerie. Sans dire un mot, l’un d’eux tira sur Dollfuss, l’atteignant à la poitrine et au cou; deux autres l’allongèrent sur un canapé, tout ruisselant de sang. Les nazis prirent en otage les membres du gouvernement présents et occupèrent le bâtiment pendant six heures. Ils ignorèrent pendant tout ce temps Dollfuss qui, à l’agonie, réclamait un médecin et un prêtre. Abandonné à son triste sort, le chancelier mourut lentement d’hémorragie.
Mais cette tragédie connut alors un rebondissement dû à l’initiative d’un des membres du gouvernement que les nazis n’avaient pas réussi à prendre au piège. Kurt von Schuschnigg, le ministre de l’Éducation, était parti avant la fin de la réunion pour se rendre à un déjeuner. Dès qu’il eut vent de l’affaire, il envoya des troupes assiéger la chancellerie. A l’intérieur, les conjurés téléphonèrent fiévreusement à l’envoyé allemand à Vienne, qui arriva immédiatement sur les lieux pour conclure une trêve. Croyant qu’ils bénéficieraient d’un sauf-conduit jusqu’à la frontière allemande, les assassins de Dollfuss acceptèrent de quitter la chancellerie. Une fois dehors, on se saisit d’eux et on les jeta en prison. On exécuta sommairement leurs chefs par pendaison, et il fallut bien se rendre à l’évidence que le complot avait échoué.
Officiellement, l’Angleterre et la France déplorèrent la tragédie, affirmèrent qu’elles se tenaient prêtes à défendre l’indépendance de l’Autriche vis-à-vis de l’Allemagne, tout en faisant comprendre que l’initiative devait en revenir à l’Italie, la meilleure amie de l’Autriche. Autrement dit, c’est à Mussolini (à droite sur la photo) qu’on passait le flambeau.
Le Duce le prit. Ce meurtre constituait pour lui un affront personnel. On avait assassiné Dollfuss (à gauche sur la photo), alors que sa femme et ses deux enfants se trouvaient en villégiature dans la résidence de l’Adriatique des Mussolini. Les yeux du Duce étaient brillants de larmes, lorsqu’il aida la veuve à monter dans l’avion qui devait la ramener à Vienne. Puis il concentra 50 000 hommes au col du Brenner, situé à la frontière italo-autrichienne.
Cette démonstration se révéla efficace. Le gouvernement allemand nia, dans un communiqué, toute participation dans l’assassinat de Dollfuss. Le Führer lui-même affecta un vif désir de revenir avec l’Autriche à des relations normales et amicales. Il n’y eut aucune confrontation avec les troupes de Mussolini. En tout cas, le Duce fut le seul chef d’État européen à avoir osé affronter Hitler au cours de la période orageuse qui précéda la Seconde Guerre mondiale.