A la faveur de l’hiver le plus rigoureux depuis cent quarante ans, les Soviétiques essayèrent de détruire l’armée allemande. L’échec subi devant Moscou était la première défaite subie par la Wehrmacht depuis la campagne de Pologne.
En tout cas, l’ordre du Führer fut exécuté. Les replis ne dépassèrent pas 50 à 150 kilomètres. Les troupes s’accrochèrent au terrain. Mais la partie était loin d’être gagnée. A la faveur de l’hiver le plus rigoureux depuis cent quarante ans, les Soviétiques essayèrent de détruire l’armée allemande. Déjà, à la fin de novembre, ils avaient repris Rostov et tenté de dégager Leningrad. Pendant trois mois, ils multiplièrent les coups de boutoir sur tout le front, dans le secteur nord, sur le Donetz. Ils réoccupèrent la presqu’île de Kertch, obligèrent Manstein à abandonner l’attaque de Sébastopol.
Mais leur tentative la plus sérieuse eut lieu contre le groupe d’armées Centre. A plusieurs reprises, ils essayèrent de l’isoler, de couper ses communications, en attaquant à partir du nord-est, en direction de Smolensk. Le commandement allemand connut des crises terribles, mais les points d’appui de Rjev, de Viazma, d’Orel tinrent bon. Les petites garnisons de Velikié Louki et de Kholm offrirent une magnifique résistance. Les Russes tentèrent également de reprendre le plateau du Valdaï. Ils réussirent à encercler près de 100 000 Allemands à Demiansk. Mais la Luftwaffe put ravitailler les assiégés jusqu’à leur dégagement au printemps. Tous les assauts contre la poche furent brisés par la détermination des défenseurs. Des unités de parachutistes furent lancées en plein milieu des positions allemandes, mais furent anéanties après des combats sanglants.
Toutes ces batailles se déroulèrent par des froids sibériens, au milieu des tourmentes de neige, infligeant aux combattants des souffrances abominables. Léon Degrelle, l’ancien chef de la division S.S. « Wallonie » devait écrire : « Partout, la bise hurlante, partout des ennemis hurlants. Les positions étaient taillées à même des blocs de glace. Les ordres étaient formels : ne pas reculer. Les souffrances étaient indicibles, indescriptibles. Les petits chevaux qui nous apportaient des oeufs gelés, tout gris, et des munitions tellement froides qu’elles nous brûlaient les doigts, étoilaient la neige d’un sang qui leur tombait des naseaux, goutte à goutte. Les blessés étaient gelés aussitôt tombés… Nul ne se fût risqué à uriner dehors. Parfois, le jet lui-même était converti en une baguette jaune recourbée. Des milliers de soldats eurent les organes sexuels ou l’anus atrophiés pour toujours. Notre nez, nos oreilles étaient boursouflés comme de gros abricots, d’où un jus rougeâtre et gluant s’écoulait. »
Malgré tout, les Soviétiques ne réussirent à obtenir aucun succès décisif. Staline s’était exagéré le désarroi de l’armée allemande après l’échec devant Moscou. En dépit de l’avis de la plupart des chefs de l’armée Rouge, et de Koniev en particulier, il s’obstina à vouloir attaquer partout et tout le temps, sans disposer des moyens suffisants et sans tenir compte du principe allemand du Schwerpunkt.
L’armée Rouge affichait encore un grand nombre de faiblesses : liaison insuffisante entre les chars et l’infanterie ; attaque massive sans préparation d’artillerie ; dotation en munitions insuffisante. Ainsi, au printemps de 1942, l’armée allemande avait traversé victorieusement une terrible épreuve et, de l’aveu du maréchal Joukov, les troupes soviétiques étaient au bout de leurs ressources et le pays ne valait guère mieux.
L’échec subi devant Moscou n’en était pas moins la première défaite subie par la Wehrmacht depuis la campagne de Pologne. Il avait mis fin à l’espoir d’une victoire à l’est en une seule campagne. Au moment où la guerre devenait mondiale avec l’intervention des Etats-Unis, les chances de l’Allemagne de l’emporter s’amenuisaient singulièrement. La bataille de Moscou constitue donc un des tournants de la guerre, autant et même plus que Stalingrad.