Les domestiques sont corvéables à merci

Seuls les riches particuliers peuvent avoir beaucoup de domestiques

Seuls les grands aristocrates, les riches particuliers peuvent se permettre le luxe d’entretenir un personnel nombreux : 35 domestiques forment la maison parisienne du prince Murat en 1906 (80 environ sont occupés, à l’aube de la Première Guerre mondiale, dans ses domaines d’Ile-de-France) ; de 15 à 20 chez les d’Harcourt en 1877. Les bourgeois aisés ont difficilement plus de 3 serviteurs. Le tout-venant de la bourgeoisie montante met son ambition à employer une domestique au nom éloquent : la « bonne à tout faire ».
Au XIXe siècle comme sous l’Ancien Régime, le domestique est investi d’une double fonction : d’une part, il est un élément tangible de prestige social. C’est pourquoi tant de ménages consentent des sacrifices financiers disproportionnés à leurs revenus, pour pouvoir affirmer aux yeux de la société leur accession et leur appartenance à la bourgeoisie. Le rôle de représentation est naturellement beaucoup plus important, voire fondamental, quand la taille de la maison augmente. D’autre part, les domestiques ont une fonction éminemment utilitaire. Comme autrefois, c’est la totalité de l’entretien de la maison et des personnes qui leur est confiée. Suivant le niveau social, le travail sera réparti entre les domestiques suivant les services (bouche, appartement de réception et table, appartements privés et linge de maison, écurie et remises, plus les institutrices et gouvernantes) ou cumulé par la bonne.

Les qualités d'un bon domestique

Les qualités que l’on requiert n’ont pas changé. Un bon serviteur doit être discret. Il lui faut savoir conserver les secrets de la maison, et, mieux encore, s’employer à en apprendre le moins possible : fermer ses yeux et ses oreilles à tout ce qui ne ressortit pas au service, acquérir une impassibilité sans faille. Le serviteur cultivera l’art de se faire oublier, jouera les hommes invisibles. L’usage de la sonnette rendra ceci de plus en plus aisé. Autre vertu fondamentale : l’honnêteté. Le domestique doit veiller sur le bien de son maître comme sur un dépôt sacré. On ne saurait souffrir qu’il en distraie la moindre parcelle. L’obsession du vol prend une ampleur sans précédent dans ces foyers où l’on n’entretient une bonne qu’au prix de sévères privations. La suspicion se fait pesante : non contente de numéroter l’argenterie, la maîtresse de maison marque le niveau du vin dans les bouteilles, compte les morceaux de sucre… Face à cette méfiance, à des exigences toujours plus nombreuses, le domestique doit être d’une patience à toute épreuve, et supporter sans broncher remontrances, accusations, mépris, mauvais traitements. A la liberté de ton et de parole qui régnait encore au XVIIIe siècle, fait place un monologue de maître tout-puissant. L’usage de la troisième personne devient la règle générale pour s’adresser à celui-ci.
Avec tout ceci, le domestique doit tout de même avoir le physique de l’emploi : sa force, son allure, sa constitution correspondront, dans la mesure du possible, à la fonction qu’on lui destine. La prestance et la beauté font donc toujours partie des critères de recrutement. Mais point trop n’en faut : on craint parfois la bonne trop jolie.

Le domestique doit être constamment disponible

L’exigence de propreté s’accroît, quand avance le siècle : propreté dans l’entretien de la maison, propreté personnelle surtout. Malgré des conditions d’hygiène rudimentaires (une cuvette et un broc d’eau), le domestique devra se laver plus régulièrement. Un bonnet couvre les cheveux des femmes ; pour servir à table, le port des gants blancs (cachant souvent des ongles noirs) est obligatoire, ainsi que celui d’un tablier propre. La bonne apprend ainsi à changer de tablier au hasard des occupations de la journée.
Entré pour servir, le domestique doit être constamment disponible. La journée de travail est longue : de 15 à 18 heures. Mais il ne s’agit pas de perdre une minute, de se reposer ou de vaquer à des affaires personnelles. Dans la première moitié du xIxe siècle, on considère qu’il ne faut pas abrutir ses domestiques à force de travail, qu’un repos (judicieusement utilisé pour son instruction ou son éducation religieuse, ou quelque loisir profitable, comme le tricot) est salutaire. Après 1850, on ne connaît plus ces sortes de préoccupations. Le domestique est taillable et corvéable à merci et on attend de lui, et parfois on obtient, un dévouement absolu !

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