La bonne à tout faire doit être levée à 6 heures, allumer le poêle, préparer les petits déjeuners, brosser les habits, cirer les chaussures, faire les chambres, porter les brocs d’eau dans les cabinets de toilette, descendre les ordures et monter le charbon, préparer le déjeuner, mettre le couvert, servir à table, remettre la salle à manger en ordre, et l’après-midi, nettoyer à fond une pièce, ou bien lessiver ou repasser.
Etre bonne à tout faire au XIXe siècle ne représentait pas toujours une sinécure. Mis à part les serviteurs de grandes maisons, qui passaient souvent toute leur vie au service du même maître, il existait des « bonnes » occasionnelles, souvent venues de la campagne ou de la province avec l’espoir de se placer plus aisément dans une grande ville, et de gagner davantage à Paris.
Les patronnes demandaient beaucoup à la postulante, car la bonne à tout faire servait parfois aussi de femme de chambre. Ce n’était pas une petite affaire quand il fallait se débattre au milieu d’un fatras de jupes et de jupons, de guépières et de jarretières, et autres pièces compliquées d’habillement.
La tâche n’était pas facilitée si Madame était d’humeur impatiente, comme en témoigne cette intervention :
« Julie, donnez-moi mes bas, mon corset et ma robe. Lacez-moi. Vous allez trop vite, le lacet est cassé ! Mettez une épingle à ma guimpe ; prenez donc garde, vous me piquez ! Faites chauffer le fer pour mes papillotes. Versez de l’eau dans la cuvette, et donnez-moi de la pâte d’amande pour me laver les mains. Attachez ma ceinture. Préparez tout pour ma toilette, afin que je sois prête pour le dîner. >
Julie, qui sait faire la cuisine, coudre, racommoder, blanchir, repasser, tricoter, garder les enfants et servir de femme de chambre à Madame, représente donc la véritable bonne à tout faire, logée sous les combles, sans eau ni chauffage, et nourrie chichement. (La soupe est de rigueur le matin.)
Si Madame est méfiante, ce qui est souvent le cas, les morceaux de sucre seront comptés dans le sucrier, on vérifiera le nombre de petites cuillers, elle vivra dans une atmosphère de suspicion souvent teintée de mépris. Madame l’appelle sèchement « ma fille ». Monsieur, si elle est jolie, l’enveloppe du regard quand il ne l’engrosse pas, ce qui lui vaut d’être jetée à la rue sans ménagement.
Cependant, il arrive quelquefois qu’une domestique adroite devienne la confidente de sa maîtresse, dont elle connaît tous les secrets. Et souvent, elle s’attache sincèrement à celle qui lui témoigne de la bonté.