Deux incertitudes embrument le prologue de l’aventure : la date de naissance du petit Muammar et sa filiation. 1940, 1941, 1942 ? Faute de pièce d’état civil incontestable, mieux vaut s’en tenir au témoignage du cousin Ahmed Kaddaf ad-Dam, aujourd’hui exilé au Caire.
À l’en croire, c’est en juin 1942 que le qaïd en devenir voit le jour, sous une guitoune en peau de chèvre du campement nomade de Wadi Jarif, à 30 kilomètres au sud de la cité portuaire de Syrte.
Mouammar Kadhafi naît le 7 juin 1942, sous une tente bédouine, près de Syrte. Il est le plus jeune enfant et unique garçon de la famille. La prime enfance du petit Mouammar est bercée par le bruit des bombes de la Seconde Guerre mondiale qui explosent un peu partout sur le territoire. Au milieu de ce chaos, sa mère et ses trois soeurs multiplient les attentions envers Mouammar que chacun voit déjà comme un chef de leur tradition, et qui, plus tard, aimera tants’entourer d’une garde personnelle exclusivement féminine …
Le soir, son père lui raconte comment son grand-père est mort en combattant l’envahisseur italien, tandis que lui-même a été blessé face aux mêmes colonisateurs …
L’enfant ne voit dans cette ascendance guerrière que bravoure et exploits, en venant à considérer massacres et scènes de bataille comme les éléments normaux d ‘une vie honorable.
Il se délecte aussi des histoires de pirates qui infestaient jadis la côte libyenne pour rançonner et égorger. Il gardera pour toujours le goût des tenues exubérantes aux couleurs chamarrées du folklore flibustier.
Si, comme le veut l’usage, Muammar prend soin d’une poignée de caprins ou sarcle les quelques arpents plantés d’orge et de blé, il sort d’emblée du lot.
On le dit curieux, méditatif et solitaire.
Avide d’apprendre, il rallie chaque semaine l’école coranique, à pied ou à dos d’âne, et brûle les étapes. Au collège, lui et ses camarades
de la Libye d’en bas découvrent le dédain des rejetons de la bourgeoisie côtière, prompts à moquer ces « ploucs » campagnards aux manières rustiques et à l’accent rugueux. C’est alors qu’éclot chez Muammar le germe de la revanche sociale. Lequel pimente un nationalisme fervent que dope la geste d’Omar al-Mokhtar, figure légendaire de la résistance à l’occupant italien, comme les harangues du grand Nasser, portées par les ondes de La Voix des Arabes.
À Sebah, où il suit sa famille, l’adolescent exalte le combat des indépendantistes algériens, fustige les essais nucléaires que la France mène en catimini au Sahara et orchestre, dans l’enceinte même de son lycée.
Les funérailles symboliques du Premier ministre congolais Patrice Lumumba, assassiné avec l’aval de la CIA et de la Belgique. Un activisme qui lui vaudra un exil à Misrata, capitale du commerce maritime.