Si le jour de l’Aigle a fait long feu, un sérieux effort est tenté, le 15 août, pour redresser la situation : la Luftwaffe n’exécute pas moins de 1 786 sorties, dont 520 effectuées par des bombardiers, dans l’espace de 24 heures. C’est une journée décisive : aucun effort n’est épargné pour écraser l’opposition aérienne de la RAF,
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Après une activité relativement réduite le 14 août, environ 500 sorties dirigées principalement contre le réseau ferroviaire côtier et les bases de la RAF, la Luftwaffe tenta le 15 août d’asséner le grand coup initialement prévu quelques jours plus tôt et qui devait donner le signal de l’offensive. Par ciel clair, les Allemands lancèrent au moins 7 raids majeurs, en coordonnant la série des actions offensives des 3 Luftflotten sur des zones d’objectifs très étendues. Le premier choc se produisit vers 11 h 30 lorsque 40 Ju-87 de la Luftflotte H avec leur escorte attaquèrent les aérodromes de Lympne et de Hawkinge dans le Kent. Puis, vers 12 h 30, ce furent quelque 65 bombardiers accompagnés de 35 chasseurs Me-110 de la Luftflotte V, opérant à partir de Stavanger en Norvège, qui se dirigèrent vers la côte du Northumberland pour tenter de bombarder les aérodromes du nord-est. A peine ces formations avaient-elles pris le cap du retour vers 13 h 15 qu’une nouvelle formation de la Luftflotte V, 50 Stukas (haut) sans escorte venus de Aalborg au Danemark, approchait des côtes du Yorkshire. Un peu plus d’une heure après, vers 14 h 30 et à nouveau à 15 h, la Luftflotte H frappait à nouveau au nord de l’estuaire de la Tamise d’abord, l’aérodrome de Martlesham, puis ceux d’Eastchurch et de Hawkinge, et les usines d’aviation de Rochester.
Ce fut ensuite le tour de la Luftflotte III. A 17 h 20 quelque 80 bombardiers fortement escortés franchirent la côte sud vers Portland, en bombardant le port, puis attaquèrent les aérodromes de Middle Wallop et de Worthy Down. A 18 h 30 de nouveau 60 à 70 appareils de la Luftflotte II survolèrent le Kent, pour frapper les aérodromes de West Mailing et l’aérodrome et l’usine d’aviation de Croydon. Pour parachever le travail de la journée des attaques sporadiques furent effectuées par quelque 60 à 70 bombardiers pendant la nuit.
Toutes ces entreprises de la Luftwaffe furent énergiquement contre-attaquées. Certains raids obtinrent des résultats valables, comme à Middle Wallop, à Martlesham, l’attaque de l’aérodrome de Driffield (Yorkshire) et le raid sur Croydon. Mais aucun ne passa sans être pris à partie par la chasse britannique et dans bien des cas les objectifs principaux purent être épargnés.
Imaginant que le Fighter Command mobilisera toutes ses forces dans le sud de l’Angleterre en raison de l’ampleur des raids qu’elle y déclenche, La Luftwaffe décide de faire intervenir la Luftflotte 5, basée en Norvège et au Danemark, pour attaquer des objectifs situés au nord de l’Angleterre et en Écosse. Or, ce qu’ignorent les Allemands, c’est que Dowding n’a pas négligé ce secteur et qu’il s’y trouve une unité de Spitfire, le N° 72 Squadron, basé depuis juin à Acklington, près de la frontière écossaise.
Comme la distance à franchir est trop importante pour le Bf 109, afin d’accompagner ses bombardiers, la Luftflotte 5 a reçu une nouvelle version du Messerschmitt Bf 110 qui se distingue par son volumineux réservoir ventral de 1 200 litres. Une quarantaine de machines ont été livrées au I./ZG 76 basé à Stavanger (Norvège).
À l’usage, ce gros réservoir s’avère difficile à larguer en vol et, en raison d’un défaut de conception, les vapeurs d’essence, qui s’accumulent à l’intérieur, le rendent hautement explosif.
Tous les ingrédients d’un véritable désastre sont donc réunis, un peu après 13h00 en ce 15 août 1940.
Donc, 21 Bf 110, escortant une centaine de He 111, entrent dans la zone d’intervention du 13 Group, alors que les pilotes d’alerte du 72, conduits par le Flight Lieutenant Edward Graham, ont décollé pour les intercepter. Cette fois, les Britanniques ont l’avantage de l’altitude :
« Vous les avez vus demande un pilote. Graham répond avec son bégaiement familier : Bien s-sûr que je-je les vois, ces s-s-salauds. C’est j-juste que je-je me demande ce-ce qu’il f-faut faire ! »
Graham donne l’ordre d’attaque contre le flanc droit, chaque pilote devant choisir sa propre cible. En voyant arriver les Spitfire, qu’ils n’attendaient pas, les Allemands disloquent leur formation. Les bombardiers larguent leurs bombes dans l’eau et tournent les talons, tandis que les Bf 110 forment un cercle défensif. Le Flying Officer Desmond Sheen pénètre dans le cercle et s’approche d’un Bf 110 (qu’il prend pour un Ju 88) à moins de 200 m et ouvre le feu. Il a tout juste de temps de noter qu’il porte ce qu’il prend pour une grosse bombe sous le ventre, mais qui est un réservoir central, et voit sa cible exploser en vol sous son nez, l’obligeant à se frayer un chemin au milieu de la fumée et de débris épars. Une fois remis de son choc, il aperçoit le reste des « Ju 88 » piquer au ras des vagues en direction de la Norvège.
Le Hauptmann Werner Restemeyer, Kommandeur du I./ZG 76, n’a pas eu le temps de larguer son « ventre de basset » qui a explosé sous lui. Six autres Bf 110 sont abattus dans les mêmes conditions.
Déjà, dès les premiers engagements de juillet, les unités de Bf 110 avaient été mises à mal par la RAF, à tel point que les pilotes, se désintéressant du sort des bombardiers qu’ils étaient chargés d’escorter, ne pensaient plus qu’à une chose, se protéger eux-mêmes, comme l’explique fort bien Theo Osterkamp :
« Les trois groupes, qui avaient atteint la Manche entre-temps, s’étaient séparés, placés l’un derrière l’autre et avaient formé un cercle défensif, où ils se couvraient mutuellement avec leurs armes fixes à l’avant et leur mitrailleuse mobile à l’arrière, en tournant en rond. Toute cela était bien beau, mais, même en supposant l’invulnérabilité de ce dispositif, il offrait l’inconvénient majeur de demeurer sur place au lieu d’avancer. Il nous fallait pourtant bien regagner nos bases. Impossible de tourner en rond pendant des heures au-dessus de Douvres. »
Le cercle défensif s’avérant aussi inefficace que pénalisant, il faut rapidement faire protéger les Bf 110 par des Bf 109. Cette situation, qui confine à l’absurde, handicape fortement les chasseurs monomoteurs en les détournant de leur tâche principale qui est de protéger les bombardiers et non les chasseurs d’escorte.
Si l’on y ajoute les douze Bf 110 c’est une véritable déroute. Le soir même, Goering prend la bonne décision, celle de retirer le Bf 110 des opérations, une initiative qui a dû lui coûter, lui qui considérait les Bf-110 comme l’orgueil de « sa » Luftwaffe !
Alan Deere est sur la brèche depuis la fin de matinée. Il revendique un Bf 109, sa victime étant vraisemblablement Friedrich Hautkappe, abattu près de Douvres, blessé mais récupéré par un bateau.
Deere repart en fin d’après-midi pour l’interception d’une formation de Do 17 au-dessus de Maidstone. Les Spitfire engagent les Bf 109 de l’escorte. Deere se place dans le sillage de deux Messerschmitt et commence alors une longue poursuite tandis que les 109 cherchent à rentrer au bercail. Il ouvre le feu sur l’un d’eux à 300 m de distance et le touche sans la moindre réaction du pilote. Deere pense que celui-ci a été tué dès la première rafale, car le Messerschmitt pique droit dans la mer sans avoir dévié de son cap. Deere se concentre sur le second et le touche également, du glycol jaillissant du
moteur. Toutefois, il le perd de vue et se rend compte brutalement qu’il doit être à l’intérieur des terres. Sortant d’un nuage, il débouche à la verticale du terrain de Calais- Marck.
« Cinq Messerschmitt ont surgi de nulle part et m’ont pris en chasse sur ma route du retour au-dessus de la Manche. Ils étaient très rapides et se trouvaient à distance de tir pratiquement tout le temps. Mon tableau de bord et ma verrière ont explosé et mon zinc a souffert. Je n’étais qu’à 800 pieds au-dessus de l’eau quand l’ennemi m’a abandonné à Folkestone. J’ai franchi la côte, mais mon moteur s’est arrêté et l’appareil a pris feu. J’ai réussi à monter un peu (1 500 pieds) et j’ai sauté. J’ai juste ressenti le choc du parachute qui s’ouvrait au moment où quelques grands arbres ont arrêté ma chute. Mon zinc s’est écrasé à 50 m de moi. Ma seule blessure a été une foulure au poignet. »
Quelques années plus tard, Al Deere fournira des détails supplémentaires qui, rétrospectivement, ont dû lui donner la chair de poule :
« Quand j’ai sauté, mon parachute est resté coincé dans le cockpit. Mon zinc est parti dans un piqué à la verticale et je me suis retrouvé plaqué le long du fuselage. Je n’ai même pas eu le temps d’avoir peur, parce que j’ai réussi à me dégager, je ne sais pas trop comment. Tout est allé très vite ensuite. Ma main droite a heurté le plan horizontal et j’ai tiré machinalement sur la corde qui a libéré la toile. À peine le parachute s’est-il ouvert que j’ai touché le sol. Je n’en croyais pas mes yeux. J’étais vivant et entier ! Ce n’est que par la suite que j’ai compris qu’une balle avait arraché une partie de ma montre. Il ne me restait que le bracelet en cuir et le boîtier, ainsi qu’une belle balafre sur le dessus de la main. »