Les bombardiers comprenaient surtout des Dornier-17 et des Heinkel-111, rapides, mais insuffisamment armés contre les chasseurs. Les avions allemands volaient en formations serrées, avec une escorte rapprochée de Me-110. Les Me-109 assuraient la couverture en altitude.
Un problème encore plus sérieux attendait la Luftwaffe au tournant de la bataille d’Angleterre. Il tenait au fond même de la conception qui avait présidé à la formation de la force aérienne allemande. Ses créateurs ne l’avaient développé que comme une arme auxiliaire de l’armée allemande destinée à l’appui tactique des troupes au sol. De sorte que le programme de construction avait mis l’accent sur les bombardiers en piqué et sur les bombardiers «moyens». Comme cela fut démontré en Pologne et en France, ces deux types d’avions convenaient superbement pour des missions tactiques telles que la destruction des communications ou le rôle d’artillerie volante, en liaison avec les pointes avancées des Panzers. Mais ils n’avaient pas été prévus pour des missions stratégiques: l’attaque des villes, la destruction des centres industriels, le genre d’intervention nécessaire pour venir à bout de la Grande-Bretagne.
Pour ces missions, il aurait fallu à la Luftwaffe des bombardiers lourds à grand rayon d’action, capables de transporter des charges massives, dont elle avait négligé de s’équiper. Cette lacune s’expliquait en partie par la mort du général Wever, le commandant en chef de la Luftwaffe. Il s’était fait l’avocat du bombardier lourd et avait lancé un programme pour la construction d’appareils capables de «survoler la Grande-Bretagne en situation de combat». Mais Wever avait été tué dans un accident d’avion en 1936, et son programme plus ou moins abandonné. Par la suite les Allemands mirent au point le Heinkel-177, le seul vrai bombardier stratégique de leur arsenal. Celui-ci avait néanmoins la fâcheuse tendance à prendre feu brutalement en carbonisant l’équipage, sans compter qu’il ne fut opérationnel qu’en 1944.
Le Junkers-88 était le meilleur bombardier moyen allemand. Une machine solide et rapide avec un rayon d’action de 2 400 kilomètres mais qui n’entra en production qu’au moment de la bataille d’Angleterre. Aussi, le Dornier-17 et le Heinkel-111 constituaient-ils les chevaux de l’écurie de la Luftwaffe, dans la gamme des bombardiers moyens. L’un et l’autre avaient un rayon d’action relativement faible et se révélèrent vulnérables aux chasseurs qui les attaquaient sous certains angles.
Deux bombardiers, vieux mais efficaces, le Dornier-17 et le Heinkel-111 H (photo du haut) furent les fers de lance des attaques massives de la Luftwaffe durant la bataille d’Angleterre. Mis au point au début des années trente, le Dornier pouvait transporter une charge maximale de 2 200 livres d’explosifs et, entre les mains d’un pilote expérimenté, détruire ses cibles avec une exactitude meurtrière. C’est un Dornier qui bombarda à basse altitude, le 15 août 1940, l’entrepôt des composants de l’usine aéronautique Short Brothers à Rochester. Le Heinkel, un avion qui n’était pas non plus récent, avait, avec sa charge de 5 500 livres de bombes, proportionnellement une plus grande capacité de destruction.
Mais ni l’un ni l’autre de ces bombardiers ne pouvaient dépasser en vitesse ni surpasser en puissance de feu les Spitfire et les Hurricane de la R.A.F. Le Dornier, dérivé d’un modèle d’avion postal de 1934, n’atteignait que 425 km/h à pleine puissance. Le Heinkel était un peu moins rapide encore. En outre, les deux bombardiers allemands étaient insuffisamment armés pour se défendre contre les chasseurs anglais. Les équipages des Dornier finirent par emporter des grenades qu’ils lançaient de leur avion sur les chasseurs qui les poursuivaient. De même, les pilotes des Heinkel jetaient des boîtes de conserve reliées par des fils de fer dans l’espoir qu’elles s’emmêleraient dans les hélices des avions ennemis.
Les déficiences qualitatives des deux bombardiers étaient compensées par leur nombre. En juin 1940, la Luftwaffe lança plus de 1 000 bombardiers dans la bataille d’Angleterre, alors que la R.A.F. ne pouvait compter que sur 565 chasseurs. De plus, une fois les attaques de nuit inaugurées, ces bombardiers devinrent moins vulnérables que durant le jour. Les techniques anglaises de détection nocturnes étant rudimentaires, les défenses au sol, particulièrement pour des grandes villes comme Londres, ne pouvaient pas repérer avec efficacité les avions attaquants.
L’avion de chasse de base de la Luftwaffe était le formidable Messerschmitt-109. Sa vitesse maximale de 570 kilomètres à l’heure en faisait l’un des appareils les plus rapides de toutes les forces aériennes de l’époque. Mais la stratégie aérienne de l’Allemagne ayant accordé la prépondérance aux bombardiers d’appui de l’armée de terre, la Luftwaffe n’avait pas fait construire suffisamment de Me-109. Lorsque la bataille d’Angleterre commença, l’Allemagne se trouva à court de chasseurs pour remplir les multiples missions incombant à ce type d’appareil. En outre, pour des raisons de mauvaise organisation, la Luftwaffe ne parvint que difficilement à remplacer ses chasseurs abattus.
Ce n’était pas tout. Le Me-109, avion conçu pour le combat contre d’autres chasseurs ou pour abattre des bombardiers, devait aussi servir d’escorte, suivant la décision de Goering, aux escadrilles de bombardiers qui allaient lancer leurs charges mortelles sur l’Angleterre.
Mais le principal défaut du Me-109 engagé dans la bataille d’Angleterre était la faiblesse de son rayon d’action. Certes, il opérait à partir de bases situées en France à proximité de l’Angleterre, mais c’était un monomoteur et sa capacité d’essence ne lui accordait que quatre-vingts minutes d’autonomie de vol. Il lui fallait déjà trente minutes pour atteindre une altitude suffisante au-dessus de la France et aborder la côte anglaise, et trente autres minutes pour revenir à sa base. Il ne lui restait donc que vingt minutes pour opérer au-dessus de l’Angleterre. Nombre de Me-109 ne regagnèrent jamais leur base non parce qu’ils avaient été abattus, mais parce qu’ils s’étaient trouvés à court d’essence.
Pour compenser les déficiences du Me-109, la Luftwaffe entreprit la production du Messerschmitt-110, un bimoteur au rayon d’action atteignant presque le double de celui du Me-109. Goering annonça que les Me-110 seraient rassemblés en «unités de destruction» et deviendraient «l’élite de la chasse stratégique de la Luftwaffe.» Cette prophétie ne devait pas se réaliser. Avec une vitesse maximale de 585 kilomètres à l’heure, le Me-110 avait une vitesse inférieure de 30 kilomètres à l’heure à celle du Spitfire contre lequel il devait se battre. Il était lourd, donc facilement identifiable, et constituait ainsi une cible idéale. Peu maniable, il ne possédait pas une bonne accélération. Il ne put donc guère soulager le Me-109 de ses servitudes.