Le modèle de la maison allemande doit être calqué sur l’oïkos grec, une communauté citoyenne au sens large, familial, économique et social, avec à sa tête un chef de famille et une matrone chargée de veiller à la reproduction.
Docteur Hentschel, Der Hammer, journal de propagande nationale-socialiste, publié à Berlin
Rassemblez un millier de jeunes filles. Isolez-les dans un camp. Obligez-les à s’unir à une centaine de jeunes Allemands. Avec cent camps de cet ordre, vous obtiendrez, d’un coup, une génération pur-sang de cent mille enfants.
Sur le plan du rendement numérique, d’innombrables mesures avaient été prises, dès 1933, en faveur des familles nombreuses de race allemande. L’anniversaire de la naissance de la mère d’Adolf Hitler, le 12 août, avait été choisi pour célébrer la fête des mères allemandes.
En ce jour, les mères de familles nombreuses étaient décorées, en grande pompe, de la croix d’honneur de la mère allemande. La distinction comportait trois catégories: une croix de bronze (de quatre à six enfants), une croix d’argent (de six à huit enfants), une croix d’or (pour huit enfants et plus). A la mère ainsi décorée revenait l’honneur d’occuper, au sein de la société, la place du soldat au front. Selon la formule officielle, « les dangers auxquels s’exposait une mère du point de vue de sa santé et de sa vie, en servant ainsi son peuple et sa patrie, équivalaient à ceux du combattant dans le tonnerre de la bataille ».
En août 1939, trois millions de mères allemandes avaient été décorées de cet Ordre à qui l’homme de la rue avait donné un nom : « l’Ordre du Lapin » . Les membres des organisations de jeunesse du parti se devaient de saluer, le bras tendu, les femmes porteuses de cette décoration.
Des primes, des allocations et autres avantages de toutes sortes accompagnaient les différentes distinctions. La guerre venue, les récompenses prirent souvent la forme inattendue d’une bonne-à-tout-faire, prélevée sur les millions de filles et de femmes de l’Europe de l’Est, soumises au travail obligatoire en Allemagne. Les déportées polonaises, russes, tchèques et autres étaient ainsi distribuées aux familles méritantes « afin que le travail physique ne nuise pas à la fécondité de la mère allemande ».
A cette époque, la préoccupation fécondité était si forte qu’aucune des dix-huit millions de mères allemandes vouées à l’éducation de leurs enfants ne fut envoyée en usine avant 1943. Les dirigeants ne se lassaient d’ailleurs jamais de répéter que la guerre nuisait moins à un peuple que la raréfaction des femmes fécondes. Parce qu’ils ne participaient pas à l’effort démographique, les ménages sans enfant, les femmes stériles et mêmes les femmes trop vieilles pour enfanter furent eux aussi la cible des eugénistes nazis.
Sur seize millions de femmes mariées à la fin de l’année 1938, 22,5 % n’avaient pas d’enfant dont 34,5 % dans la capitale.
En mai 1939, l’importante banque de Dresde publia, avec son bilan de fin d’année, un état des mariages et des naissances parmi son personnel. Le journal de la SS, Das Schwarze Korps, se déclara indigné devant les chiffres alarmants diffusés par la banque. La moitié des employés de la Société n’avaient pas d’enfants.
Les ménages stériles furent à l’origine de la promulgation, en 1938, de la loi sur le divorce. L’effet ne se fit pas attendre. De quarante-deux mille en 1932, les divorces passèrent en 1938 à soixante-deux mille. Parmi les motifs invoqués dans les jugements, on note, à l’encontre des épouses :
– refuse d’avoir des enfants
– est atteinte de stérilité.
Moins de deux années après la promulgation de la loi, on signalait déjà 80 % de maris ayant répudié leur femme pour « incapacité de leur donner des enfants ». Trois femmes sur cinq étaient âgées de plus de quarante-cinq ans et elles avaient été mariées depuis plus de vingt ans. Le mari la déclarait inapte à l’enfantement quand bien même elle avait, dans sa jeunesse, mis un ou plusieurs enfants au monde. Les tribunaux, sur simple déclaration du mari accusant sa femme de stérilité, avaient le droit, sans autre forme de procès, de prononcer le divorce.