A partir de 1924, le rétablissement de l’ordre économique et politique se révèle désastreux pour le futur Führer. Reconstitué sous sa direction en 1925, le parti se développe cependant dans toute l’Allemagne et les SA recrutent suffisamment pour combattre les milices socialistes et communistes.
Pour l’Allemagne, cinq années furent bonnes (de 1924 à 1928), les seules bonnes années, du reste, que ce pays ait connues entre 1914 et 1949. La terrible inflation de l’après-guerre était jugulée. Les Américains couvraient l’Allemagne d’argent et, à un degré moindre, les banquiers londoniens faisaient de même. L’économie allemande se trouvait en pleine expansion et comme c’est toujours le cas dans ces conditions, les ouvriers ne s’intéressaient guère aux violences révolutionnaires, qu’elles se réclamassent de la droite ou de la gauche. Une couche de la société, pourtant, avait des griefs sérieux : c’était la classe moyenne, dont les économies avaient naguère fondu au soleil de l’inflation. Ce fut de plus en plus sur ces petits bourgeois, plutôt que sur les prolétaires, que Hitler s’appuya pour reconstruire son parti, tâche qui devait être longue et difficile.
Hitler avait tiré certains enseignements du fiasco de 1923. Le plus important était peut-être celui-ci : il ne pouvait pas compter sur la neutralité de l’armée s’il essayait une nouvelle fois de renverser la république par la force. Il devait tenir pour certain qu’elle obéirait au gouvernement légal. De ce fait, il conclut que la voie légale constituait le seul moyen d’accéder au pouvoir et qu’une fois le pouvoir légalement pris l’armée serait aussi fidèle à son gouvernement qu’elle l’était aujourd’hui à celui de la République de Weimar. Mais il fallait d’abord qu’il parvînt au poste de chancelier par les voies et moyens légaux.
Constamment évoquée, la légalité devint donc son mot d’ordre. Il décida d’utiliser le mécanisme démocratique du système qu’il méprisait si profondément, de façon à pouvoir s’assurer le contrôle du système en question avant de le détruire.
A cette fin, il devait créer un parti de masse, présenter des candidats aux élections et gagner des sièges au Reichstag. Pour s’assurer un support de masse, pour mener des campagnes électorales répétées, il avait besoin d’argent. Il commença donc à flatter les riches en insistant de plus en plus sur son anticommunisme, tandis que ses S.A. s’assuraient le contrôle des rues. Théoriquement, le nazisme était un parti politique légal ; en pratique, il utilisait la violence verbale et corporelle.
Le parti nazi se reconstitua lentement. Il comptait 27 000 membres en 1925, 108 000 en 1928 ; aux élections de cette même année, il obtint 800 000 voix sur 31 000 000 de votants. Le parti eut 12 sièges sur les 491 que comptait le Reichstag. En 1929, il doubla presque ses effectifs (178 000 adhérents). Cette année-là, le destin donna à Hitler le coup de main dont il avait besoin et qu’il espérait. Les cours s’effondrèrent à Wall Street. C’était le début de la crise.
L’artificielle prospérité allemande, qui dépendait essentiellement des crédits américains, disparut du jour au lendemain, emportée comme fétu de paille par l’ouragan économique qui dévastait la planète. En Allemagne, il y eut bientôt des millions de chômeurs ; le système ne put pallier la détérioration de la situation, dont les deux bénéficiaires furent les partis communiste et nazi, prêts tous les deux à l’action.