Une bande de conspirateurs sans grand relief ayant pris à l’abordage le navire nommé Allemagne, puis paralysé, l’arme au poing, son équipage et entrepris, une fois à bord, des raids de piraterie à travers l’Europe, telle sera, peu ou prou, l’image que les accusateurs de Nuremberg, en 1945, donneront de Hitler et des nationaux-socialistes.
L’entre deux-guerres en Allemagne
1920 – janvier : après la ratification du traité de Versailles, création de la Société des Nations dont les premiers membres sont les principales puissances alliées : Angleterre, France, Italie et Japon. Mais, le Sénat américain ayant refusé de ratifier le traité, les U.S.A. n’adhèrent pas à la S.D.N.
1921 – Hitler devient le maître absolu du parti nazi.
1923 – 8 novembre : le putsch de Hitler échoue à Munich.
1926 – septembre : l’Allemagne adhère à la S.D.N.
1929 – 24 octobre : le crack de Wall Street ruine l’économie allemande.
1930 – septembre : les nazis obtiennent 6 500 000 voix aux élections législatives, ce qui leur donne 107 sièges au Reichstag.
1932 – 31 juillet : les nazis sont désormais le parti le plus nombreux au Reichstag. Hitler refuse de prendre la tête d’un gouvernement de coalition.
1933 – 30 janvier : Hitler devient chancelier d’un gouvernement de coalition.
23 mars : le Reichstag vote les pleins pouvoirs à Hitler.
A la fin de la guerre, l’Allemagne était épuisée, brisée et affamée. Le coût de la défaite s’élevait à près de 2 millions de morts, 800 000 prisonniers et des millions de veuves, d’orphelins et de blessés; plusieurs millions d’anciens combattants démunis durent se mettre à chercher du travail.
Le blocus allié, maintenu jusqu’en mars 1919 pour obtenir la reddition de l’Allemagne, aggrava la pénurie de nourriture et précipita la fin de 800 000 civils. Un traité de paix humiliant détruisit tout espoir de redressement économique en imposant d’énormes réparations et en confisquant la plus grande partie du charbon et du fer produits en Allemagne.
Des gouvernements faibles, confrontés à ces énormes problèmes, tombèrent les uns après les autres, harcelés par des extrémistes qui ne voyaient de salut que dans une dictature, de droite ou de gauche.
Le premier parti communiste allemand sortit des rangs d’un groupe socialiste d’extrême gauche, les Spartakistes, fondé par Karl Liebknecht, petit homme de loi dynamique. Liebknecht signait Spartacus en souvenir du chef de la révolte des esclaves, partie de Rome en 71 av. J.-C. En janvier 1919, les soulèvements communistes improvisés de Berlin et de Munich furent écrasés par les hommes des corps francs, clique d’anciens soldats résolument opposés à une prise de pouvoir communiste. L’année suivante, les corps francs tentèrent un putsch. Une grève générale animée par l’extrême gauche berlinoise le fit échouer.
Pour éviter d’augmenter les impôts ou de limiter le crédit, le gouvernement mit en marche la planche à billets. Une épidémie de papier-monnaie gagna l’économie. Ce fut le désastre: en 1919, le mark valait environ 9 dollars; en 1923, il en fallait 4 trillions pour obtenir un dollar. L’inflation ruina des millions de gens en anéantissant l’épargne, mais fit surgir une classe de nouveaux riches: des hommes d’affaires qui bâtirent des empires à crédit et réglèrent leurs dettes en marks dépréciés. Les masses ramassèrent quelques miettes de cette opulence mais le souvenir de la défaite, du désespoir et d’une politique menant à la faillite et à la spoliation s’effaça lentement.
Dans l’ensemble, la République de Weimar n’a jamais été populaire en Allemagne, de la part de l’armée, des fonctionnaires, des enseignants et de nombre d’organisations socioprofessionnelles. Pour la majorité des Allemands, le régime procède d’une défaite et du fameux coup de poignard dans le dos donné par les organisations d’obédience marxiste.
La défaite s’accompagne encore d’une humiliation sans précédent, avec le tracé des nouvelles frontières de l’Est. La Prusse-Orientale se trouve séparée du reste de l’Allemagne par un corridor englobant la ville libre de Dantzig. Plus grave encore, la démilitarisation de la Rhénanie constitue une amputation de la souveraineté allemande. Pour clore le tout, le règlement des réparations, imposées par le traité de Versailles, repose sur la notion de la responsabilité de l’Allemagne dans le déclenchement du conflit de 1914-1918.
Avec une armée limitée à 100000 hommes, la nouvelle Reichswehr condamne l’Allemagne à l’impuissance, comme on le constate en 1923 avec l’occupation de la Ruhr, à l’origine de putschs (dont celui de Munich) et surtout d’une inflation galopante qui entraîne la ruine de millions d’Allemands.
L’idée fondamentale qui avait présidé à la création du parti des travailleurs allemands était très simple : les masses allemandes avaient été ou étaient privées de leur patriotisme naturel par des agitateurs de gauche, et souvent d’origine étrangère ou juive. Pour regagner le terrain perdu, il fallait employer les méthodes de l’ennemi. Il fallait en appeler aux ouvriers, pas aux bourgeois, à leurs sentiments, et non point à leur intelligence. Ces idées furent reprises par Hitler qui, dès le début, conçut le parti nazi comme un parti de masse, avec des slogans au lieu d’idées.
Il devint lui-même un tribun populaire et assuma sans partage la direction du nouveau parti. Mais il y introduisit aussi la violence, à la fois dans ses discours, remplis d’appels à la haine, à la révolte, et à la destruction de ses ennemis, et dans les activités de ses « compagnons ».
Il recruta des voyous armés et les baptisa Sturmabteilung (les S.A.) ou Sections d’assaut : habillés de vêtements bruns de coupe militaire, ils avaient pour tâche essentielle de matraquer les adversaires politiques de Hitler dans les rues, et de chasser avec le maximum de brutalité les contradicteurs lors des réunions de masse du parti. Hitler découvrit également, comme il s’en est vanté, l’utilisation du mensonge énorme. Plus le mensonge est gros, plus les foules le gobent aisément.