Quel amateur d’uniformes n’a pas été séduit par l’élégance d’un fringant hussard, la prestance d’un grenadier « faisant la belle jambe » ou l’allure imposante d’un cuirassier à l’air martial ? Et pourtant. Les puristes de l’uniformologie réglementaire seraient sans doute horrifiés de voir à quoi pouvait ressembler une armée en marche ou au bivouac !
En route, les soldats étaient toujours trop chargés, volontairement ou non, ce qui entraînait des fatigues superflues et nuisibles. Napoléon, dans son projet d’organisation de l’armée, prévoyait que le soldat ne devait porter que 40 livres (20 kg environ).
En 1810, le général Foy fit peser le sac, le fourniment, la giberne, les cinquante cartouches, le fusil, le sabre-briquet, la capote, les dix jours de biscuit et les quatre jours de pain, éléments qui constituaient la charge ordinaire d’un troupier. Il concluait son expérience en écrivant : J’ai trouvé que trois soldats ainsi arrimés, l’un portait 58 livres et demie (28,6 kg), l’autre 62 (30,3 kg) et le troisième 6.9 (30,8 kg)..
Les uniformes les plus invraisemblables se rencontraient, comme en témoigne le grenadier Pils : le14 octobre 1805, nous arrimons à Stokerau vers deux heures. Nous trouvions un magasin d’habillement et d’équipement de cavalerie hongroise que l’ennemi n’avait pas eu le temps de faire évacuer. Le 15, les grenadiers se remirent en marche sur Gollesdorf et le général fut bien étonné de voir ses hommes ornés de pelisses hongroises et portant des fourniments de cavalerie.
Si cela est un exemple extrême, il n’en demeure pas moins que toutes les fantaisies pouvaient exister.
Même la Garde Impériale n’était pas épargnée par les difficultés : au début de l’Empire, les bonnets à poils étaient attachés sur les sacs à dos par des ficelles et des courroies de toutes sortes; ils étaient protégés par des étuis en carton qui devinrent vite inutilisables à cause de la pluie. Ils furent remplacés par des étuis de coutil.
Arrivée à l’étape, la troupe était souvent soumise à une revue ordonnée par le maréchal commandant le corps d’armée. Le but en était de s’assurer que chaque soldat était bien en possession d’une giberne approvisionnée à cinquante cartouches, d’une épinglette pour déboucher la lumière de son fusil, et que les caporaux étaient bien équipés d’un tire-bourre ; on vérifiait également que tous les hommes aient bien deux paires de souliers (sur ou dans le sac), une capote, les gamelles, les marmites et les outils de campement. On s’assurait enfin que chaque soldat ait une baïonnette et qu’elle soit en bon état.
En campagne, le soldat « interprétait » très largement le règlement ; lors des marches, le shako était remplacé par le chapeau, voire par le bonnet de police, beaucoup plus léger ! On remplaçait la pantalon réglementaire par un pantalon de coupe, d’étoffe et de couleur quelconque, l’épée par le sabre, le baudrier par le ceinturon (que chacun fabriquait à sa guise), et enfin, les bottes à la hussarde par des bottes à retroussis ou par des souliers. Tout était bon pour améliorer le confort… et l’apparence !