Le commandant des troupes républicaines de l’Ouest, Marcé, venu de La Rochelle avec 2 000 hommes, 100 cavaliers et 8 canons, reçoit le renfort de 2 000 gardes nationaux et met en fuite les hommes de Sapinaud, terrifiés par la canonnade, près de Chantonnay le 17 mars 1793.
Mais il tombe le surlendemain dans une embuscade près du Pont-Charrault : trompé par une ruse de guerre ( la version blanche de La Marseillaise entonnée par les insurgés ) Marcé subit une déroute complète.
Le 19 mars 1793, en Vendée, une armée républicaine est anéantie. Elle a quitté La Rochelle à marches forcées. Elle obéit à un vieux brave : le général Marcé. Marcé qui, remarqué par Dumouriez, avait été proposé pour lui succéder, était chargé de la défense des côtes. On compte sur lui. Il va, par son manque de prudence, procurer aux Royalistes l’une de leurs plus brillantes victoires. Son but est de traverser tout le pays insurgé, de La Rochelle à Nantes. Une ambition aussi présomptueuse va coûter cher. Il a quarante-huit ans de service ; il n’en est pas plus avisé pour cela. Il s’avance sans prendre garde vers les profondeurs du Bocage, vers Saint-Fulgent, à la tête de 2400 hommes et de quelques pièces de canon.
Il atteint un endroit encaissé, entre deux rivières, le Grand Lay et le Petit Lay. Etourdiment il y établit sa troupe. Dans le soir qui descend, il entend dans le vallon d’en face le chant de la Marseillaise ; il pense à une armée républicaine arrivant à son secours. La journée du 18 se passe sans incident. Toujours, au loin, le chant rassurant de la Marseillaise.
Soudain, des cris retentissent. C’est la ruée vendéenne, terrible, implacable L’armée du Centre, celle de Royrand, que le tocsin a rassemblée pour barrer la route à Marcé, dévale les pentes au pas de course. Les tirailleurs républicains envoyés dans les bois, affolés, tirent au hasard et contribuent au désordre. On n’entend plus le chant de la Marseillaise trompeuse, mais le crépitement des fusils et les hurlements des Vendéens.
Marcé est tombé dans le piège. Il perd la tête : il précipite des ordres décousus, contradictoires. Et cette fusillade infernale qui part des buissons et des taillis alentour ! C’est le massacre. En un instant, tous ceux qui peuvent échapper au fer des Vendéens s’enfuient dans la nuit. Quelques-uns iront jusqu’à La Rochelle porter la terreur panique dont ils sont frappés. Les représentants en mission dans le département de la Vendée écrivent à la Convention : « Le plus grand ennemi que nous ayons à combattre dans ce pays. c’est la peur ». La peur contagieuse.
Le retentissement de cette bataille (improprement appelée bataille du Pont-Charrault) produisit un effet considérable. La mort d’un chef valeureux, Sapinaud de Bois-Huguet, n’enlève pas aux Vendéens le droit de se réjouir ; tout le Bocage est à eux, et, ils l’espèrent bien, en marge du Bocage. le chef-lieu de la Vendée, Fontenay-le-Comte, cédera bientôt à leur assaut. Bien mieux, la mer elle-même leur appartient. Le jour de la défaite de Marcé, un chef local. Guerry de la Fortinière, s’est emparé de l’île de Noirmoutier. L’ile restera aux mains des Royalistes jusqu’au 14 avril 1793.
Eh bien ! tant de succès, tant de victoires seront acquis en pure perte. Cette habitude que les Vendéens ont prise dès les premiers jours de leur lutte, de rompre les rangs, de revenir à la maison, aussitôt terminée l’action immédiate
pour laquelle ils en sont partis, va annihiler tous leurs efforts. Ils se sont soulevés contre la Convention pour demeurer sur la terre natale ; et c’est elle, cette terre exigeante, qui les rappelle au soir des victoires et les désarme : logique des choses.
L’écrasement de Marcé ouvrait la route de La Rochelle ; les Vendéens ne se dirigent point sur La Rochelle qui, privée de l’armée de Marcé, se serait rendue. La prise de Machecoul ouvrait la route de Nantes ; Charette prit la direction de Pornic, tournant le dos à Nantes. La prise de Chalonnes permettait la marche sur Angers ; les vainqueurs dédaignèrent cette proie facile.
Sur la lisière de la Vendée se trouve Luçon, la ville du cardinal de Richelieu. Luçon était presque sans troupes ; on négligea Luçon. Un jour viendra où l’on essaiera de la faire tomber ; il sera trop tard.
Dans la Vendée maritime, il y a le port des Sables-d’Olonne. Sa conquête méritait qu’on y mit le prix : cela ne fut pas fait. Tout aussi incompréhensible l’inertie de Charette négligeant Paimbœuf, à l’embouchure de la Loire, et avant-port de Nantes. La prise de Pornic lui livrait la côte, il fallait l’occuper ; il n’y songea même pas.
A cette époque, à cette époque-là seulement, la Vendée sans armée véritable devant elle pour lui barrer la route, fut vraiment maîtresse de ses destinées. Or, elle ne fit rien de décisif. Si l’on songe au but limité et nettement défini qu’elle voulut atteindre, on s’explique son attitude et ses actes. Pour elle, en effet, ce fut uniquement de ne pas servir un gouvernement qui depuis deux ans ne cessait de la froisser dans ses sentiments les plus intimes. Aucune volonté de conquête, aucune ambition guerrière, aucune intention monarchique. Mouvement impulsif, spontané, populaire. Pas de plan, pas de mot d’ordre, mais une force souterraine longtemps comprimée éclatant en de multiples volcans, tous à la fois.