L’intendance est inexistante. Comme bien des troupes insurgées, les Vendéens souffrent du manque chronique de vêtements, de souliers, de poudre et de munitions assorties à d’innombrables calibres.
Le manque de remonte empêche de développer la cavalerie, ce qui ne permet pas en particulier de parachever les déroutes adverses. La logistique détaillante se combine en outre au refus des soldats-paysans de servir de garnison ou d’unités régulières sur la longue durée.
Une fois l’action menée et remportée, chacun s’en retourne à sa terre, laissant l’ennemi récupérer des positions clés, comme Saumur, tête de pont au-delà de la Loire brillamment conquise le 9 juin et abandonnée le 24. Incapable de sortir de son pré carré, de tenir ses conquêtes et d’opérer offensivement, l’armée catholique et royale se condamne à un combat enclavé, sans pouvoir accéder aux côtes pour bénéficier de l’aide anglaise.
L’artillerie, au début, est rudimentaire : quelques canons de bois entourés de cercles de fer. Les plus connus, presque légendaires, sont le Missionnaire et la Marie-Jeanne qui ne tuèrent sans doute personne malgré un habile servant dénommé Six sous, qui tirait sans projectile. On l’arrêta, et on trouva sur lui deux mille francs en assignats. Il pleura, on le laissa en liberté. Mais il commit la maladresse de s’enfuir. S’il se sauvait, c’est qu’il était coupable. On le rattrapa et on le fusilla à genoux, criant grâce.
Au fur et à mesure du développement des opérations, une artillerie se constitua. On compta. dit-on, jusqu’à cent trente pièces.
Combien l’armée vendéenne comptait-elle d’hommes ? C’est difficile d’évaluer ces bandes rarement rassemblées. Les chiffres donnés ont beaucoup varié : 20000 en mars, 70000 à la mi-juin. On a parlé de cent vingt mille au plus haut, ce qui semble excessif. Sans doute a-t-on atteint un potentiel de cent mille hommes, répartis dans les différentes régions de la Vendée. d’inégale valeur, attachés à des chefs pas toujours d’accord entre eux, jaloux de leur indépendance et de leur zone d’action.
Des surnoms curieux sont donnés à ces militaires de fortune ; Coeur de Roi : Beau- Soleil : Modeste, Belle-Etoile, la Giroflée Sabre-Tout, la Violette, Beau-Guerrier, Chasse-Bleus, Fleur-de-Lys, Passe-Partout, Bas-la-République, la Bécasse, Sans-Peur.
En ce qui concerne le recrutement, tous les moyens furent employés pour grossir les contingents des insurgés, y compris la pression sur les habitants, la propagande chez les Républicains et les menaces parmi les prisonniers. Les individus reconnus inaptes physiquement furent astreints à travailler pour les troupes, d’autres furent « invités » à souscrire à la caisse des paysans révoltés.
Qui peut être officier ? Tout ancien militaire, tout gentilhomme ou tout homme un peu instruit, toute personne à qui les paysans montrent de la confiance. Tout homme intelligent et brave se trouve officier, comme de droit.
La diversité des conditions est oubliée.
Ces armées ne sont point permanentes. C’est leur grand défaut. Elles ne restent assemblées que quelques jours, pour les besoins du moment. L’expédition terminée, réussie ou manquée, le paysan retourne dans ses foyers, rien ne peut le retenir. Un jour il y aura des masses d’hommes. Le lendemain, les chefs restent seuls avec quelques centaines d’hommes, parfois des étrangers qui n’ont pas de famille et ne savent ou aller.
Mais. dès qu’une nouvelle action est décidée, les troupes se reforment aussitôt. Les ordres de rassemblement se transmettent avec beaucoup de célérité par des courriers établis et presque toujours prêts à partir. Toutes les paroisses sont alertées, le tocsin sonne et les paysans arrivent à l’église. Le capitaine de la paroisse lit alors la réquisition : Au nom de Dieu, de par le Roi, vous êtes invités à venir le plus nombreux possible en tel lieu, tel jour, à telle heure. On apportera des vivres. Et comme les habitants sont en réquisition permanente, chacun s’arme d’un fusil, d’une fourche, d’un bâton et apporte son pain.
La viande est distribuée aux soldats. Le blé et les bœufs nécessaires aux subsistances sont requis par les chefs auprès des gentilshommes et des grands propriétaires principalement. Il y a toujours beaucoup d’empressement à donner volontairement. Les villages se cotisent pour envoyer des charretées de pain sur le passage de l’armée. Les paysannes viennent apporter à manger aux troupes, les riches donnent tout ce qui leur est possible. La nourriture est médiocre mais assurée et l’armée n’a ni chariots ni bagages pour gêner ses mouvements.
Quand tout le monde est rassemblé, on constitue un certain nombre de colonnes pour attaquer les objectifs déterminés par les géné raux. On dit : « M. Untel va par ce chemin, qui veut le suivre ? » Les soldats qui le connaissent marchent à sa suite. Lorsqu’il y en a assez dans une bande, on ne laisse plus les autres s’y joindre : on les fait aller d’un autre côté.
Dés que le combat est engagé, on sonne a nouveau le tocsin dans les paroisses voisines.
Les femmes, les enfants, tout ce qui reste d’habitants se rend dans les églises et se met en prières pour le succès de leurs armes.
L’engagement terminé. on rentrait chez soi. Un Vendéen a laissé des notes dans lesquelles il raconte qu’il quitta quarante-cinq fois sa maison pour aller au combat. Quand ils ont libéré un village, une ville, ils tendent à retourner chez eux pour changer de chemise . Pas de casernes. pas de vie de garnison, pas de patrouilles.