Défi à l’Eglise, à sa foi, à sa morale. Défi au système féodal, à la société médiévale. Défi au monde, créé par Satan. Défi à l’homme. Défi ? Aucun mot ne symbolise mieux les cathares et n’explique mieux la violence de leur persécution.
Lexique: Les Parfaits
Bon chrétien: les religieux et ordonnés membres de l’Église cathare, ceux que la polémique catholique et l’Inquisition désignèrent du terme d’ hérétiques ou de cathares, ne se donnèrent jamais à eux-mêmes d’autre nom que chrétiens et chrétiennes. Leurs croyants les saluaient rituellement du titre de bon chrétien et de bonne chrétienne
Bon Homme, Bonne femme: Terme respectueux employé par les croyants pour désigner les religieux et ordonnés de l’Église cathare.
Cathare: L’un des termes péjoratifs utilisés par les clercs médiévaux pour désigner les hérétiques diversement qualifiés de publicains, patarins, albigeois, tisserands, manichéens, etc…
Consolament: Sacrement du baptême par l’Esprit et l’imposition des mains, pratiqué par le clergé cathare, et dont la double fonction était de consacrer l’entrée en vie chrétienne du catéchumène et de délier les péchés en vue du Salut de l’âme. Il était conféré aux novices comme ordination, aux malades comme extrême-onction.
Faydit: Seigneur ou bourgeois méridional dépossédé et banni par le pouvoir français à la suite de la croisade contre les Albigeois.
Parfait ou parfaite: terme employé par les clercs médiévaux pour désigner un(e) « chrétien (ne) » cathare.
Sous le règne d’Henri IV on ouvrit les grottes de Lonbrives, dans le Sabarthes. Les derniers cathares y avaient été emmurés vivants en 1315, longtemps après la chute de Montségur (1244) et de Quéribus (1255). Au dernier coup de pioche, les ouvriers qui procédaient à l’ouverture et les hommes d’armes et de justice qui y présidaient restèrent saisis de stupeur.
Dans la grotte, les squelettes étaient disposés en cercle autour d’un autre squelette, tous dans une posture de prière. Les malheureux, lorsqu’ils avaient compris qu’ils allaient mourir d’inanition, s’étaient rassemblés autour de leur prêtre pour attendre la mort en priant. Pas un seul ne s’était écarté du cercle.
Ce prêtre était un parfait ou encore un Bon Homme comme on appelait plus souvent ces élus parmi les croyants. Les parfaits étaient les ministres du culte cathare. Ils avaient reçu l’esprit et ils avaient dès lors le pouvoir de le conférer.
Aucune condition précise n’était, semble-t-il, exigée de la part des croyants qui sollicitaient l’initiation. Mais, la règle de vie des parfaits était si exigeante que les cathares préféraient recevoir dans l’ordre des croyants ayant une longue vie derrière eux, ayant donc déjà fait leurs preuves.
Par conséquent les postulants avaient un certain âge. Ils avaient déjà mené, sans doute dans une pureté de mœurs très poussée, une vie de famille tout à fait normale. Nombreux étaient les couples qui d’un commun accord se destinaient tardivement au ministère. Ils se séparaient alors pour s’y préparer chacun de leur côté. Bien sür ils avaient attendu que leurs enfants soient adultes ou même qu’ils aient fondé un foyer.
Il est certain qu’une enquête minutieuse dans le milieu de l’intéressé était conduite avant toute acceptation. La durée de la période d’initiation permettait de contrôler les résultats.
Les parfaits étaient très souvent d’origine modeste. Il y eut beaucoup d’artisans, et d’hommes issus de milieux ruraux.
Si le catharisme fut bien accueilli par les grands seigneurs et surtout par les petits chevaliers qui comptaient nombre de croyants notoires, il y eut relativement peu de parfaits parmi eux. Cependant, Blanche de Laurac, mère d’Aimery de Montréal, dirigeait une maison de parfaits. De même, Fabrisse de Mazerolles.
Raymond-Roger de Foix avoua avoir autorisé son épouse à recevoir le consolarnentur. Il allait lui rendre des visites dans le couvent de parfaites qu’elle dirigeait dans l’Ariège. Sa sœur, la fameuse Esclarmonde de Foix, avait également été reçue dans l’ordre au cours d’une cérémonie qui avait rassemblé bon nombre d’aristocrates. L’évêque catholique, Bernard-Raymond de Roquefort, combattit mollement l’hérésie dans son diocèse de Carcassonne car sa mère et son frère étaient tous deux cathares.
Les parfaits ayant reçu l’Esprit-Saint, leur âme était purifiée. Elle possédait plus de forces et de volonté. Il était normal de lui demander davantage. Aussi les parfaits exigeaient-ils tant de sévérité pour eux-mêmes et accordaient-ils tant de mansuétude aux simples croyants condamnés à poursuivre encore une longue évolution.
Ils menaient une vie de moine prêcheur en attendant la mort comme une délivrance. Certains parfaits, à force de privations et de macération, parvenaient à une sorte de vie ralentie, un peu semblable au nirvâna de la religion bouddhique. L’épouse du seigneur de Puylaurens resta impressionnée par le spectacle offert par l’un de ces ascètes : Depuis fort longtemps il était assis sur sa chaise, immobile comme un tronc d’arbre, insensible à ce qui l’entourait. Cependant, il y avait des limites à cela, car ils devaient assurer leur vie quotidienne. Tous exerçaient un métier.
Les parfaits se faisaient une règle d’être pauvres (ce qui ne les empêchaient pas d’accepter tous les dons pour entretenir les communautés et les pauvres) mais aussi de n’être à la charge de personne. Leurs métiers étaient des plus divers, de précepteur à artisan. Beaucoup furent tisserands au point qu’on a souvent surnommé les cathares : les tisserands. Tous connaissaient l’art de soigner et quelquefois plus.
Avant 1209 et jusque vers 1230, les parfaits portaient la barbe longue et les cheveux longs, à la différence des gens du Languedoc qui se rasaient les joues et se coupaient les cheveux… Ils étaient vêtus de noir ou de bleu foncé et portaient à la ceinture un étui de cuir contenant un parchemin sur lequel était copié l’Évangile de saint Jean. Sur la tête ils avaient un large béret ou une sorte de toque.
Lorsque commença l’Inquisition, ils évitèrent de se signaler par leur costume et leur coiffure. La vêture qu’ils avaient reçue au moment du consolamentum fut remplacée par un cordon symbolique autour du cou pour les hommes, et, pour les femmes, autour de la taille sous leurs vêtements.
Les Bons Hommes vivaient en principe en communauté hors les moments des prêches. Au cours de leurs pérégrinations ils logeaient chez les croyants ou dans les maisons de l’ordre.
Leur prière était le pater dit au réveil, au moment de s’endormir, avant de prendre une nourriture et avant tout acte ou toute entreprise hasardeuse. Comme les moines catholiques, ils se levaient aussi la nuit pour prier.
Hommes ou femmes, ils ne pouvaient toucher le corps d’un membre du sexe opposé, même la main. Ils se saluaient sans accolade, hormis pour le baiser de paix des cérémonies, mais alors, entre sexes différents, ils se penchaient seulement l’un vers l’autre. Dans la salle commune, sur des bancs, ou en réunion à l’extérieur, ils ne s’approchaient pas des adeptes du sexe opposé. Les femmes ramassaient leurs jupes et les tenaient bien serrées pour ne pas frôler les hommes lorsqu’elles circulaient.
L’obligation du régime végétarien leur faisait emporter avec eux leur écuelle et leur cuiller et une petite marmite dont ils se servaient exclusivement à la table commune. La viande était servie aux croyants, mais loin des yeux des parfaits. Ceux-ci ne devaient manger de rien qui ait une vie ou qui provienne de la génération. Seul le poisson échappait à cette interdiction. Ils le mangeaient comme tous les mets autorisés, avec des épices ou des herbes ce qui représentait une gourmandise et même un luxe. Quant au vin, il était tellement étendu d’eau qu’il ne s’agissait que d’une simple politesse envers celui qui l’offrait.
Si le parfait n’avait pas d’occupation manuelle, il était astreint à trois jours de jeûne, le lundi, mercredi et vendredi, et de toute façon pendant trois carêmes, avant Pâques, après la Pentecôte et à Noël. La première semaine de ces carêmes de quarante jours était d’une extrême rigueur : pain et eau.
Le serment était totalement prohibé, ainsi que la simple vérité déguisée, et à plus forte raison le mensonge. Pour éviter de mentir, le parfait utilisait des périphrases, il mettait ses phrases au conditionnel et n’affirmait jamais rien. Il multipliait les « si Dieu le veut » ou « à ce que nous croyons », précautions oratoires qui mettaient la patience des croyants à dure épreuve.
Le parfait ne pouvait frapper qui que ce soit, ni bien entendu tuer, même un animal. Il ne pouvait donc se défendre contre un voleur ou un routier. Il ne pouvait même pas tuer un loup ou un serpent. S’il trouvait
une bête prise au piège il devait la délivrer et laisser sur place une somme équivalente au prix de la bête.
Pendant sa dernière période, l’hérésie dite cathare était dualiste à Dieu créateur des esprits et du Bien, elle opposait Satan, créateur du monde matériel et du Mal. Les esprits créés par Dieu sont prisonniers des corps créés par le diable, destinés à souffrir et à mourir. Poussé par le désir charnel, l’homme s’accouple et se reproduit coopérant ainsi à l’oeuvre de Satan.