En cinq jours, les Latins impies, recouverts par artifice du manteau de la religion, ont pillé et occis, rançonné et tourmenté, comme les précurseurs de, l’Antéchrist. Ils ont détruit la deuxième Rome qui illuminait le monde de sa richesse et de la lumière du Sauveur, qu’il soit loué dans les siècles et les siècles.
Byzance
Colonie de Mégare fondée en -667 face à la Chalcédoine, occupée par les Athéniens (de -470à -411) et prise par Alcibiade en -409.
Indépendante en -358, la cité est rasée par Septime Sévère en 196 apr. J.-C.
Constantinople
Constantin fait de Byzance la capitale de l’Empire romain en 330.
Elle prend alors le nom de Constantinople. Lors du partage de l’Empire en 395, elle devient la capitale de l’Empire byzantin.
Istanbul
Constantinople est prise par les Turcs en 1453 et est baptisée Istanbul. Capitale de l’Empire ottoman jusqu’en 1923.
L’actuelle capitale turque est Ankara.
Le premier assaut a lieu le 9 avril, les galères sont positionnées au centre, les nefs sur les côtés. Survient alors un événement imprévu: le courant repousse les bateaux vers le large. Le 13 avril 1204, le vent change et permet de remonter le courant; les navires, liés deux à deux, peuvent alors s’ap procher et débarquer des sapeurs qui attaquent une poterne sous les volées de flèches et les jets d’huile enflammée. Dès qu’elle est enfoncée, les croisés s’y précipitent, la résistance s’effondre et Murzuphle, à son tour, prend la fuite.
Trois jours durant, Constantinople est livrée au pillage, aux incendies, aux meurtres et aux viols. Le principal centre artistique et intellectuel du monde est saccagé, une catastrophe pour l’héritage classique de l’Europe. Dans les églises, les clercs font main basse sur les reliques des saints et les Vénitiens sur les objets d’art. Les tombeaux des empereurs sont profanés, leurs bijoux volés. A Sainte-Sophie, on fait entrer des mules pour charger le butin et on laisse une prostituée danser devant le trône du patriarche. Les horreurs perpétrées par les Latins renforcent la séparation des Eglises, qui dure encore huit siècles plus tard.
Les croisés offrent la couronne impériale à Dandolo qui, par son courage personnel autant que par son sens de l’intrigue, a tant contribué à la victoire. Mais le vieux doge, connaissant la jalousie de ses concitoyens, sait qu’en acceptant, il risque de détruire la République. Il décline, obtient en compensation le choix d’un Vénitien comme patriarche de Constantinople et il manœuvre pour faire élire empereur Baudouin de Flandre, plus conciliant et docile que Boniface de Montferrat.
Les Italiens, Dieu les maudisse ! ont pris la ville ! Les Italiens sont entrés dans la ville et les courtisans et les soldats, se sont traîtreusement enfuis ! Les Italiens se sont mis à piller la tente de l’empereur, et le palais des Blachemes, à la lueur de l’incendie qui a brûlé le quartier qui est à l’Est. Là, depuis le monastère d’Evergète jusqu’au quartier du Drungaire, il n’est pas une maison qui n’ait brûlé. Ensuite, ces barbares se campèrent près du monastère de Pentepote.
Ces maudits italiens passèrent d’abord au fil de leur épée tous ceux qui eurent la male chance de les encontrer, sans regarder à l’âge, la qualité ou le sexe. Courant de toutes parts en la ville, ne gardant plus leur rang, ils firent tumulte et carnage, tout à-leur picorée.
De vrais croyants vinrent à leur rencontre, portant les saintes icônes et la croix du Sauveur en procession. Mais cela, loin de les amollir ou d’émouvoir leur cœur dur, bien au rebours, excita leur colère et leur avidité, et révéla à tous la noirceur de leur âme. Au son des trompettes et l’épée nue, ils pillèrent et les maisons et les églises, les entrepôts comme les monastères. Comment décrire ce que ces mécréants, venus au nom de Dieu, infligèrent à la Ville ?
Qui voudrait croire toutes les vilenies et abominations dont ils furent les coupables ? Ils ont brisé les saintes images, et jetées les saintes reliques dans la fange des latrines. Ils ont répandu le Corps et le Sang du Sauveur. Iconoclastes, et profanateurs, voilà les Croisés qui devaient combattre pour Jérusalem ! Ah Malheur ! Ils ont pris les calices et les ciboires, en ont arraché les pierres et se sont enivrés. Ah cruels suppôts de l’Antéchrist, dont ils précèdent la venue ! On ne peut dire de quelle atroce façon ils ont souillé Aghia Sophia (Sainte Sophie). L’autel, d’une beauté si grande qu’il n’y en eut jamais de pareil au monde, fut rompu, pour livrer ses matières précieuses. Aghia Sophia qui était le sujet de l’admiration de toutes les nations, vit les scènes les plus abominables qui se peuvent concevoir.
Les Italiens et autres Francs firent rentrer dans l’église des mulets et des chevaux pour emporter les vases et les lampes d’or et l’argent de la chaire, du pupitre, des portes et une infinité d’autres meubles. Certaines de ces bêtes tombèrent et se rompirent le col sur le pavé, fort glissant, et ils les percèrent de coups d’épée, souillant le sol sacré de sang et d’ordures.
Les Italiens n’avaient garde d’épargner les dames vertueuses, ni les filles innocentes ni les nonnes consacrées. Leur bile s’était échauffée, de sorte qu’un mot suffisait à les enflammer. C’était folie que de leur parler avec raison, et de les admonester.
Ô combien de bons moines, et d’honnêtes gens, furent frappés, dagués, traînés sur le pavé et laissé là ! Beaucoup furent couchés et burent le calice de la mort.
La ville retentissait de leurs cris, de leurs chants, des hurlements de leurs victimes, et des rires des ribaudes avec lesquelles ils s’unissaient, sans vergogne, dans les maisons et dans les nies et jusque dans les églises.
En cinq jours, les Latins impies, recouverts par artifice du manteau de la religion, ont pillé et occis, rançonné et tourmenté, comme les précurseurs de, l’Antéchrist. Ils ont détruit la deuxième Rome qui illuminait le monde de sa richesse et de la lumière du Sauveur, qu’il soit loué dans les siècles et les siècles.