Colporteurs, artisans ambulants, maraîchers, tout un petit peuple s’agite et donne de la voix pour attirer le chaland être sollicité et assourdi !
Dès que les portes de la ville s’ouvrent, on entend dans les rues : Qui veut du bon lait ? , le cri de la laitière, portant son pot à lait sur la tête.
Dès l’aube également, les bains publics fonctionnent, et des valets parcourent les rues pour en faire la réclame :
Allez tous, les bains sont chauds ! Ces étuves médiévales ont d’ailleurs une double fonction, servant à la fois A l’hygiène publique (contrairement à une idée répandue, on se lave au Moyen Age) et à la prostitution.
On rencontre enfin le crieur de vin, métier spécifique à Paris. Régulièrement inscrit à la Municipalité, un crieur de vin a le droit de se présenter à un tavernier de son choix, qui lui donne un pichet de vin. Le pichet dans une main, un gobelet dans l’autre, il s’en va faire goûter ce vin, en précisant le prix et le nom de la taverne.
C’est dans l’après-midi que commence le colportage du poisson, des fruits et des légumes, car ces denrées doivent d’abord transiter par les halles, où les autorités en contrôlent la qualité et prélèvent les taxes. On reconnaît alors les cris des maraîchers venus de banlieue vanter les raves de La Courneuve ou les pêches de Corbeil.
La nuit met fin, bien sûr, aux cris de la rue, à l’exception d’un seul, étonnant et typiquement parisien : celui du marchand d’oublies. Cette pâtisserie légère se mange après le souper et, chaque soir, des oublieurs parcourent la ville, avec un panier d’osier et une lanterne en s’écriant : Oublie ! Oublie ! Les Parisiens l’appellent depuis les fenêtres, et l’oublieur monte dans les maisons, où il joue ses gâteaux aux dés. S’il gagne, il les vend très cher ; s’il perd, il les offre. Dans tous les cas, il doit souhaiter la bonne nuit à ses clients, en leur chantant une chanson grivoise.
Paris abrite enfin une foule de mendiants et de quêteurs religieux tout aussi bruyants. Les antonins se reconnaissent au : N’y a-t-il rien pour les pourceaux de Saint-Antoine ?
Ce cri extraordinaire a une longue histoire. En 1131, dans une rue de Paris, le fils aîné de Louis VI le Gros tombe de cheval et se tue à cause d’un cochon.
Une ordonnance royale interdit désormais de laisser divaguer les porcs dans la ville, mais le prieuré du Petit-Saint-Antoine obtient le privilège de continuer à y faire paître ses pourceaux. C’est en leur nom que les moines quêtent.
Les textes qui transcrivent les cris intègrent le boniment des marchands et nous donnent ainsi une idée du parler de la rue, de la gouaille parisienne. Cet humour prend mille visages, commencer par le plus simple calembour. Le marchand d’oublies crie qu’ il ne doit pas être oublié. Le marchand d’amandes, parodiant les prédicateurs populaires, crie : Amendez-vous ! Amendez-vous ! et d’ajouter: Amande douce, amande !
Et comme on aime la gauloiserie, on prête des vertus étonnantes à des produits de base : artichaut, artichaut/ C’est pour monsieur et pour madame/ Pour réchauffer le corps et l’âme/ Et pour avoir le cul plus chaud ! Ou encore : du doux, du doux pour les filles/ Pour les faire pisser roide /il guérit des hémorroïdes…
Même la camomille, utilisée pour des huiles de bain, permet des astuces : camomille est fort honneste/ A mettre au bain de ses pucelles Pour leur laver le cul et teste/ C’est une herbe, la nonpareille !
Quant au ramoneur, son cri, en apparence innocent (ramoner vos cheminées !), a pris une connotation obscène, et il l’adresse surtout aux femmes…