Les victimes et vainqueurs du 14 juillet 1789

Vainqueurs et victimes du 14 juillet

La lutte a été chaude autour de la Bastille, ce mardi 14. Loin d’être une simple formalité, cette bataille tumultueuse laisse bien des vainqueurs et des vaincus. Voici les portraits les plus marquants d’entre eux.

Le récit de Chateaubriand. Le 14 juillet, prise de la Bastille.

J’ assistai, comme spectateur, à cet assaut contre quelques invalides et un timide gouverneur : si l’on eût tenu les portes fermées, jamais le peuple ne fût entré dans la forteresse .
Je vis tirer deux ou trois coups de canon , non par les Invalides, mais par des gardes-françaises, déjà montés sur les tours.
De Launay arraché de sa cachette, après avoir subi mille outrages, est assommé sur les marches de !’Hôtel de Ville; le prévôt des marchands, Flesselles, a la tête cassée d’un coup de pistolet : c’est ce spectacle que des béats sans coeur trouvaient si beau ( … ).
On promenait dans des fiacres les vainqueurs de la Bastille, ivrognes heureux, déclarés
conquérants au cabaret(…). Les passants se découvraient, avec le respect de la peur, devant ces héros, dont quelques uns moururent de fatigue au milieu de leur triomphe .

Les victimes du 14 juillet 1789

De Launay. 
Gouverneur de la Bastille. Instruit par l’expérience de l’émeute Réveillon, il a préparé le siège de sa forteresse, faisant renforcer murs, soldats et artillerie. Son irrésolution rend cependant inutiles ces préparatifs. Passant de la conciliation à la fermeté, et vice versa, il s’attire la haine des assiégeants, persuadés que le gouverneur veut les tromper et les attirer dans un guet-apens.
S’il ne prend pas la première décision de faire feu sur la foule, il fait cependant tirer sur une des délégations municipales venues parlementer. Lorsque la forteresse cède, il est arrêté puis emmené vers l’Hôtel de Ville sous protection. Arraché à sa garde, il est sommairement exécuté, puis massacré ; sa tête est promenée au bout d’une pique en signe de victoire.
Du Puget.
Adjoint de de Launay, lieutenant du roi et commandant de l’Arsenal voisin. C’est lui qui fait transférer 250 barils de poudre à la Bastille et qui surveille cette matière précieuse, objet de la convoitise des assiégeants. Il ne joue qu’un rôle effacé lors de la défense de la forteresse et réussit même à s’échapper en retournant son habit, se faisant passer pour un assaillant.
Deflue.
Lieutenant chargé du commandement du régiment suisse de Salis-Samade envoyé en renfort à la Bastille le 7 juillet. Il est le véritable homme fort de la défense de la forteresse. Autant de Launay est hésitant, autant Deflue est résolu, décidé à se défendre comme le lui a ordonné le baron de Besenval. C’est donc lui qui, à 1 h 30, ordonne d’ouvrir le feu sur les Parisiens qui sont entrés confiants dans la cour du gouvernement, engageant alors les hostilités. Conduit à l’Hôtel de Ville après la chute de la Bastille, il n’échappe que par miracle à la mort, protégé par ses soldats et quelques assiégeants.

Les vainqueurs du 14 juillet 1789

Santerre. (droite)
La fusillade faisant rage dans la cour extérieure, Santerre, célèbre brasseur du quartier, futur commandant de la Carde nationale en 1792, fournit deux charrettes de fumier qui, en se consumant, permettent d’aveugler les défenseurs. Les assiégeants peuvent ainsi approcher des murs de la forteresse.
Dusaulx. 
Lorsque, au matin du 14, les habitants du quartier Saint-Antoine font connaître leurs inquiétudes devant les préparatifs militaires de la Bastille, les électeurs de Paris, véritable conseil municipal siégeant à l’Hôtel de Ville, envoient une délégation auprès de de Launay, gouverneur de la forteresse. Celle-ci arrive vers 10 heures. Dusaulx, futur conventionnel, en est l’un des meneurs. De Launay assure la délégation de ses intentions pacifiques et donne l’ordre de reculer les canons des tours. Cette manœuvre, mal expliquée, ne rassure pas ; elle effraye au contraire la foule qui commence à se regrouper au pied de la forteresse et pense que les soldats chargent les canons.
Thuriot de la Rosière.
Il conduit la seconde délégation des électeurs de Paris auprès de de Launay, vers 11 h 30. Futur président de la Convention, Thuriot est déjà un avocat connu en 1789. Il demande au gouverneur de consentir à l’occupation de la Bastille par la milice bourgeoise. De Launay le reçoit bien mais refuse d’ouvrir ses portes à la milice, répétant qu’il ne fera tirer que s’il est attaqué.
Ethis de Corny.
Avec Thuriot, il conduit, vers 1 heure, la troisième délégation des électeurs. Trop tard cependant. En chemin, il entend un coup de canon et une mitraillade. Les Suisses viennent d’ouvrir le feu sur le peuple. La foule, ayant mal compris les signes de quelques défenseurs la mettant en garde, s’est approchée après avoir abattu un pont-levis donnant accès à la cour extérieure de la forteresse. Là, les Suisses mitraillent. On crie à la trahison. La Bastille ne peut plus désormais tomber que dans le sang.
Devant ce tumulte, Ethis de Corny convoque quelques tambours pour se faire entendre. De Launay, après une hésitation, refuse le dialogue et fait tirer sur la députation, blessant M. de Beaubourg, tandis que Boucheron, Piquod de Sainte Honorine et l’abbé Fauchet reculent en désordre

Les vainqueurs du 14 juillet 1789

Le 14 juillet 1789 laisse bien des vainqueurs et des vaincus. Voici les portraits les plus marquants d'entre eux.

Hulin.
Directeur de la buanderie de la reine, ancien adjudant-major de la place de Genève lors de la révolte de 1782, il est un « connaisseur en révolution ». C’est lui le véritable organisateur de la prise de la Bastille, prenant en main les troupes. Dès le 12 juillet, au côté de Desmoulins, il a harangué et excité la foule. Le 14, au début de l’après-midi, il accomplit l’acte décisif en entraînant deux compagnies de gardes-françaises qui emmènent quatre canons. Vers 3 h 30, Hulin débouche devant la Bastille, suivi d’une soixantaine de soldat, et des canons qui vont changer le cours du siège.
Elie. 
Sous-lieutenant et porte-drapeau du régiment de la Reine-infanterie, il est l’un des rares officiers sortis du rang, promu à quarante et un ans après vingt-deux ans de service. Comme Hulin, il parvient à convaincre plusieurs soldats de le suivre. II décide d’une manœuvre périlleuse mais décisive : placer les canons face à la porte même de la Bastille pour mieux pouvoir la faire sauter. Pour cela, il faut dégager la place des corps et des charrettes de fumier enflammées. Elie, aidé de Réole, marchand mercier connu sous le surnom de Vive l’amour, se charge de cette opération délicate. Deux Parisiens y perdent la vie, mais l’opération réussit. Les révoltés sont maintenant en position de l’emporter. De Launay, sous la pression des Invalides, décide alors de capituler. Il fait parvenir un message en ce sens aux assaillants à travers un trou de la porte.
Maillard.
Fils d’un huissier au Châtelet, agitateur de foule, il mènera les femmes de Versailles en octobre 1789 puis jouera un rôle important lors des massacres de septembre 1792. Le 14 juillet, c’est lui qui, perché sur un échafaudage de planches construit par le menuisier Lemarchand et testé à ses dépens par le cordonnier Bézier (il s’est brisé le coude), prend le message de capitulation écrit par de Launay : « Nous avons vingt milliers de poudre, nous ferons sauter la garnison et tout le quartier si vous n’acceptez pas la capitulation de la Bastille, à 5 heures du soir… » Ce billet est reçu aux cris de « Point de capitulation ! » Devant cette intransigeance, les Invalides prennent peur et forcent de Launay à ouvrir les portes. La Bastille est prise. Le peuple l’envahit. On se saisit du gouverneur et l’on se précipite vers les tours.
Desnot. 
Cuisinier en chômage. Il arrache, sur le chemin menant de la forteresse à l’Hôtel de Ville, le gouverneur de Launay à la garde de Hulin. Desnot blesse de Launay d’un coup de baïonnette dans le ventre. La foule l’achève et le cuisinier, avec son couteau de poche, lui coupe la tête. C’est en suivant cette tête, rejointe bientôt par celle de Flesselles, le prévôt des marchands, que Paris fête son triomphe durant une partie de la soirée.

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