«Je les ferai guillotiner ! » hurle l’Ami du peuple, avant que Charlotte Corday ne mette un terme à la vie du plus controversé des révolutionnaires. Récit d’une journée meurtrière.
Comment en est-on arrivé là ?
Charlotte Corday a cru ( parce que les Girondins proscrits le lui ont dit) que Marat était responsable des malheurs de la France. Ce mythe n’a aucun fondement mais témoigne du désarroi des Girondins, républicains modérés et libéraux. Depuis le procès du roi, ils ont été mis en minorité à la Convention. Leur héros, Dumouriez a trahi la République, passant à l’ennemi le 2 avril 1793. Discrédités, ils tentent de soulever les départements où ils ont été élus contre la Convention.
À Caen, ils échouent, mais ils sont reçus dans les salons où Charlotte Corday, jeune fille solitaire de la bonne société, un peu naïve qui voit en eux des martyrs à qui elle veut montrer qu’elle est une héroïne digne des tragédies de Corneille.
A la fin de mars 1793, il avait acquis une grande popularité, surtout après la trahison de Dumouriez, qu’il avait prévue depuis déjà un certain temps. A la suite de son adresse très violente, le 12 avril, où il demandait aux républicains de s’armer contre le gouvernement et la Convention, il fut décrété d’arrestation… mais acquitté triomphalement par le Tribunal révolutionnaire, le 24 avril.
Sa maladie lui demandant de longs bains pour soulager ses démangeaisons, ce fut dans sa baignoire, alors qu’il travaillait sur une écritoire, que Charlotte Corday le poignarda le 13 juillet 1793; elle était parvenue à s’introduire chez lui en lui annonçant qu’elle avait des révélations à faire. Marat devint un martyr pour le peuple, comme Lepeletier de Saint-Fargeau; pendant un certain temps, leurs bustes furent couramment exposés.
Camille Desmoulins se serait écrié, lors de sa condamnation et celle de Danton : « Si Marat était de ce monde, nous n’en serions pas là. »
Charlotte Corday se présente de nouveau au domicile de Marat. Cette fois, elle fait tant de tapage que, de sa chambre, le député l’entend avant que Simonne Évrard n’ait eu le temps de la jeter dehors. Il accepte de la recevoir et interrompt son travail pour l’écouter. Il est dans sa baignoire, torse nu, avec sur la tête un linge humide pour apaiser ses incessantes migraines; il est alors en train de préparer une réédition de son journal, L’Ami du peuple. Charlotte lui parle de la révolte en cours à Caen, lui donne la liste des Girondins qui, proscrits, y ont trouvé refuge. Ils ont tenté, avec l’aide du général Félix Wimpfen, de lever une armée contre la Convention…
La liste achevée, Marat annonce: «Je les ferai bientôt tous guillotiner à Paris.» Charlotte Corday sort alors son couteau et le plante au-dessus du cœur de Marat, qui, après avoir appelé à l’aide, meurt en quelques minutes, le sang giclant sur ses papiers épars (les numéros tachés du sang de Marat ont été conservés). Charlotte est très vite immobilisée par un commis, Laurent Bas, qui lui assène un coup de chaise. Le commissaire Guellard traverse la foule vengeresse, qui s’est très vite attroupée, et s’empare de Charlotte Corday.
Le premier interrogatoire a lieu sur place, alors qu’arrivent les représentants du Comité de sûreté générale: Maure, Legendre, Chabot, Drouet, Marino et Louvet. La jeune femme assume la pleine responsabilité du meurtre, commis, selon elle, pour le bien de la République. La fouille dévoile la lettre qu’elle avait préparée ainsi que son Adresse aux Français. Elle est confrontée au cadavre de Marat, puis on la conduit, à 2 heures, dans la prison de l’Abbaye, près de Saint-Germain-des-Prés. Elle y côtoie Lauze Duperret, incarcéré la veille. Deux jours plus tard, elle est transférée à la Conciergerie, jugée et guillotinée le 17 juillet. Entre-temps, une foule immense a exprimé sa peur du complot, son amour de la République et sa haine des Girondins au cours de funérailles impressionnantes. Au sens plein du terme, le geste de Charlotte Corday a déclenché le moment de la Terreur.